Affectionately Yours

10. Vendredi 17 Novembre - Léandre

~ Brooklyn Baby - Lana Del Rey ~

--

Nous sommes réunies dans le bureau de Bertrand, puisqu'il semble qu'il a un compte rendu de fin de semaine à faire.

En réalité, on sait tous qu'il va ordonner à Calypso de rentrer chez elle.

Dans l'état où elle est, même pour ses patients réguliers, elle ne sert à rien.

Il faut qu'elle se repose.

-Bon, chacun va répéter ce qu'il a trouvé. Même si ça a déjà été dit, que tout le monde ait les mêmes infos, annonce Bertrand, peu convaincu.

Ce genre de brainstorming est d'un barbant.

Mais pour cette affaire je suis très attentif à ce qu'il se dit.

Calypso s'apprête à prendre la parole, alors mon regard s'arrête sur elle.

Elle déplie la lettre, déglutissant fortement, pour se redonner contenance.

-Bon, commence-t-elle en se raclant la gorge. Mon profil a seulement montré que c'était probablement un érotomane égocentrique et sociopathe.

Ses lèvres bougent sans grande conviction.

Entendre sa voix, alors qu'elle n'a rien articulée depuis mardi, est un soulagement énorme.

Valéria partage mon avis, puisqu'elle porte dans son regard toute la fierté du monde.

-J'aurais pu le deviner sans études, bredouille Blanchard, comme s'il était seul dans la pièce.

Quel connard!

J'ose espérer que Calypso n'a pas entendu ce qu'il vient de dire, elle fait de son mieux, et ça a quand même payé.

Qu'il la boucle.

Si elle a entendu, elle n'en montre rien.

Elle se tient debout, le dos droit, toujours aussi sublime, bien que vachement éteinte.

Quand elle me regarde, je ne vois plus l'aura de défi qu'elle m'attribuait toujours.

Je paierais cher pour revoir une lueur, n'importe quoi, même du mépris si elle veut.

Elle est épuisée, et c'est compréhensible.

A sa place, je serais rentré chez moi, ou j'aurais déjà déménagé à l'autre bout du monde.

Elle est en train de lire cette lettre, dont je rêve de connaître le contenu depuis lundi.

Et je crois tomber dans les pommes.

Je m'en doutais un peu, mais ce mec est complètement allumé.

Il croît qu'elle l'aime, alors qu'elle ne le connaît même pas, et rêve sûrement de le mettre derrière les barreaux.

Mais lui la connaît sûrement.

Tout est trop précis.

Calypso explique qu'elle recevait déjà des messages de lui depuis environ un an et demi.

Mais il a supprimé la conversation pour ne pas être tracé, alors il ne reste que ses screens.

Dans quelques messages qu'elle nous montre, on voit le stalker se montrer parfois amoureux et entreprenant, puis il pète un cable pour on ne sait quelle raison.

-Bon, moi j'ai regardé les caméras de surveillance, s'élance connard, en lui coupant presque la parole. En bref, il n'y a que des gens de la maison, rien d'étonnant. Des employés qui viennent déposer ou récupérer leur courrier. On ne sait même pas quand a été apporté le colis, entre vendredi soir et lundi matin. Dans tous les cas, on a renforcé la sécurité, pour quand ça se reproduira. Mais pour l'instant, à croire qu'il n'existe pas.