Chapitre 72

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Ils marchaient dans les rues majestueuses d'Orthentia, une capitale figée dans le temps, où la grandeur architecturale semblait défier l'usure des années. Deux mois en fuite les avaient éloignées de cet endroit, et pourtant, le simple fait d'y revenir faisait battre le cœur de Phran et Dona d'une manière incontrôlable. Orthentia. L'endroit où tout avait commencé. Un lieu chargé de souvenirs, de douleurs, de décisions irréversibles. Et elles savaient, au plus profond d'elles-mêmes, qu'elles ne voulaient pas que tout s'arrête ici, pas aujourd'hui. Pas de cette façon.

Phran et Dona portaient de longues capes sombres, les capuches rabattues pour masquer une partie de leurs visages. Dona, quant à elle, avait ressorti son demi-masque en tissu, ne laissant visibles que ses yeux bleus perçants, une barrière symbolique entre elle et ce monde qu'elle méprisait tant. Ce masque, elle ne l'avait pas porté depuis des mois, mais ici, à Orthentia, c'était presque une nécessité. Une protection. Une manière de ne pas se montrer vulnérable.

Phran, elle, savait que sa capuche suffirait. Personne ne soupçonnerait une aveugle de se trouver parmi les fugitifs les plus recherchés du royaume. Une ironie amère, car en marchant dans ces rues, elle ramenait malgré elle la dague précisément là où elle avait toujours tenté de l'éloigner. Chaque pas semblait alourdi par le poids de cette contradiction, comme si le sol même d'Orthentia cherchait à les retenir.

Les deux femmes marchaient en silence, leurs cœurs battant au même rythme que leurs souvenirs. Ces ruelles, ces façades familières... Elles n'avaient pas changé, et pourtant, tout semblait différent. Elles avaient changé. Et en revenant ici, elles affrontaient non seulement leur passé, mais aussi une peur sourde : celle que tout puisse finir ici, là où tout avait commencé.

Derrière elles, Mia, Tomothé, et Agma avançaient avec prudence. Ils avaient opté pour des tenues simples, sans le moindre détail qui puisse attirer l'attention. Ils savaient que Phran et Dona, avec leurs capes et leur présence imposante, faisaient déjà suffisamment de vagues pour tous. Mia, le regard dur et alerte, scrutait chaque recoin, tandis qu'Agma, toujours discrète, semblait mesurer chaque pas. Tomothé, pour une fois silencieux, se tenait légèrement en retrait, absorbé dans ses pensées, mais prêt à agir au moindre signe de danger.

Le contraste entre le groupe et la ville qui les entourait était frappant. Orthentia brillait d'une perfection froide et méthodique, une illusion de contrôle qui ne reflétait en rien le chaos qui menaçait de tout dévorer. La foule continuait de vaquer à ses occupations, indifférente, tandis que chaque membre du groupe avançait avec un poids bien trop lourd pour être partagé.

Leur trajet les rapprochait d'une vérité qu'ils auraient préféré éviter, mais ils savaient tous qu'ils n'avaient pas le choix. Chaque pas les ramenait plus profondément dans l'antre de leurs ennemis, et pourtant, aucun d'eux ne fléchissait. Pas encore.

Depuis la destruction de Lilithe, chaque journée semblait s'étirer à l'infini, tandis que les nuits passaient en un éclair, trop courtes pour offrir le moindre répit. Et pourtant, ils tenaient encore debout, un pas après l'autre. Ils n'avaient pas d'autre choix. La vengeance leur servait de boussole, alimentant leur détermination, leur rage, et leur refus de s'effondrer. C'est ainsi qu'ils avaient traversé des terres dévastées et des routes désertes, parcourant en une semaine la distance qui les séparait d'Orthentia. La capitale, majestueuse et imposante, les accueillait avec son éclat trompeur.

Les rues, habituellement ordonnées et immaculées, étaient cette fois saturées de monde. Une marée humaine ondulait dans chaque recoin, bousculant le groupe à chaque pas. Avancer devenait un véritable défi. Phran, cachée sous sa capuche, ressentait les vibrations des pas incessants autour d'elle, presque étouffée par cette présence oppressante. Dona, quant à elle, scrutait les alentours avec méfiance, cherchant désespérément un endroit où se mettre à l'écart.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant