Love Bites

Épisode 3 - 27 Aveugle

Kathy aide Lionel à sortir de la voiture.

Il arrive maintenant à se tenir debout, en partie grâce au don de sang de la jeune vampire. La plaie à sa gorge s'est refermée et il peut de nouveau parler, ne serait-ce un peu.

Par contre il ne voit toujours rien.

Elle lui met des lunettes, qu'il imagine de soleil, avant de le prendre par le bras pour le guider sur le trottoir. Il doit encore s'appuyer sur elle, mais elle n'a plus besoin de le porter comme un enfant.

La jeune femme ouvre un portail et ils entrent dans ce qui semble être un jardin. Il se force à inspirer, ce qui lui est toujours aussi peu naturel, pour mieux discerner les odeurs : peinture chimique, herbe coupée, poussière... Où est-il ?

Kathy referme derrière eux et ils avancent sur un chemin. Il ne pourrait jurer reconnaitre les lieux, mais il a l'impression d'être déjà venu.

— Ce n'est pas l'hôtel. dit-il d'une voix rocailleuse.

— Non. On est au manoir. Je me suis dit que ce serait plus discret.

Elle ouvre la porte d'entrée et ils pénètrent à l'intérieur.

Aussitôt parvient à ses oreilles le son si doux d'un cœur battant. Le vampire n'est plus assoiffé au point d'en perdre la raison, mais il ne pourrait pas lutter longtemps contre ses instincts si l'opportunité de se nourrir se présente.

Kathy l'aide à s'asseoir sur l'une des chaises poussiéreuses du salon. Elle lui demande :

— Il y a l'eau courante ici ?

— Non.

— Okay. Ne bouge pas, je vais voir ce que je peux faire. Je dois m'occuper de tes yeux.

La mention le fait frémir. Elle n'en a pas parlé franchement, mais c'est d'autant plus inquiétant. D'habitude elle met les pieds dans le plat avec une facilité déconcertante. Elle ne lui a pas non plus posé la question la plus importante : est-ce que les yeux de vampire se régénèrent ?

Hélas, il n'en sait rien.

Il s'est déjà demandé par le passé ce qui arriverait s'il perdait un membre. Est-ce que celui-ci repousserait ? Ou au contraire, devrait-il passe l'éternité manchot ou cul de jatte ? Quelque part, heureusement qu'Annabelle s'en est uniquement pris à ses yeux. Si elle en avait eu le temps, il ne doute pas qu'elle l'aurait dépecé.

Kathy s'éloigne et monte à l'étage, ses pas résonnant sur le bois grinçant. Que va-t-elle faire en haut ? Soudain il se souvient : il a une squatteuse. C'est probablement son cœur qu'il a entendu en entrant et qu'il entend encore. Les battements s'accélèrent d'ailleurs. Kathy doit l'effrayer. Est-elle en train de la vider de son sang ? Elle doit avoir soif elle aussi, après avoir tant donné à Lionel.

Non, elle ne panique pas. Elles doivent juste parler... Et en effet, les deux femmes descendent bientôt.

— Ô mon Dieu, murmure Liz.

Elle vient sûrement de voir la silhouette du vampire. Elle ne reste cependant pas et sort du manoir. Kathy se rapproche et s'assoit à côté de Lionel, avant de lui enlever les lunettes.

Elle passe alors un linge humide sur son visage, se rapprochant tout doucement de ses yeux.

— Ta protégée est partie chercher un seau d'eau chez le voisin, l'informe Kathy.

Il ne répond pas, tandis qu'elle s'occupe d'éponger le sang. Cela ne lui fait pas mal : les vampires n'ont pas un sens très développé de la douleur, même si la sensation reste à la limite du supportable. Sa main se crispe, mais il résiste à l'envie de se détourner, au prix d'un grand effort. Ce ne serait pas constructif de faire une crise d'amour propre maintenant.

La porte principale s'ouvre et il entend quelqu'un entrer, sans pour autant se rapprocher.

— Merci, dit Kathy. Tu peux monter l'eau dans la salle de bain ?

Pas de réponse, mais Liz, puisqu'il ne peut s'agir que d'elle, s'éloigne. Est-ce que Kathy a eu besoin d'user de ses pouvoirs sur elle, ou est-ce qu'elle veut juste aider ?

Kathy finit de nettoyer ses yeux, puis elle lui remet une dernière fois ses lunettes en place. Elle le guide alors vers le premier étage, sans un mot, l'entrainant dans ce qui reste de la salle de bains. Ici, pas d'éviers ou de robinets, mais seulement une ancienne baignoire, probablement cassée. Le manoir n'a pas été habité depuis le début du XXè siècle après tout.

Son infante referme la porte et entreprend de déboutonner sa chemise. Il l'arrête, leurs mains se touchant un instant.

— Je vais le faire, dit-il simplement.

Il se retourne et se déshabille, las et vulnérable. Son esprit est redevenu clair, mais quelque part il préférait le délire dans lequel il était encore plongé quelques heures plus tôt. Au-moins, il ne se rendait pas compte de son impuissance.

Une fois nu Kathy l'aide à se laver. Est-ce là ce que le futur lui réserve ? De devoir demander de l'aide pour toutes les choses simples de la vie ? Qu'en sera-t-il quand il devra chasser ? Comment convaincra-t-il ses victimes que rien ne s'est passé, s'il ne peut plus les hypnotiser ? Comment pourra-t-il encore cacher ses secrets ?

Il n'a qu'une envie, repousser son infante et rester seul, mais il sait à quel point il a besoin d'elle en ce moment. Et cette dépendance le remplit de rage et de désespoir.

En fin de compte, Annabelle lui a ôté bien plus que la vue.