Taylor s'était attendue à tout : ne pas pouvoir entrer dans le corps, se faire rejeter dans les limbes pour l'éternité ou simplement devoir lutter âprement pour en prendre possession. Pourtant, à peine a-t-elle touché Annabelle que la chair l'aspire. Jamais cela n'a été aussi facile que de s'incarner.
Une torpeur intense très vite la saisit, un besoin de repos comme elle n'en éprouve qu'après les plus intenses des nuits blanches. La lassitude est telle que simplement réfléchir devient compliquée. Après tout, n'est-elle pas bien, étendue, l'esprit ensommeillé ?
Non... Ne pas laisser les sens de la vampire prendre le dessus. La sorcière se concentre et se force, avec toutes les difficultés du monde, à ouvrir les yeux. La pièce se dessine peu à peu devant elle avec une netteté qu'elle n'aurait pu imaginer, ce malgré l'obscurité qui y règne. Elle y voit ainsi plus clair qu'en plein jour.
Elle essaye de se redresser. Ses membres, durs et raides, semblent comprendre qu'elle a ordonné le réveil et d'un coup le sang, qui ne circulait plus dans ses veines, se remet à pomper. La sensation est à la fois effrayante et grisante, lui donnant l'impression de se trouver dans une machine plus qu'un corps. Heureusement, cette étrangeté disparait rapidement.
Une faim, sourde, lui creuse alors le ventre. Elle en pleure presque, le besoin lui tordant les entrailles, le manque s'imposant à son esprit aussi sûrement qu'à un junkie. Une odeur délicieuse parvient jusqu'à elle et la pousse à sortir du lit et à se diriger vers la porte de la chambre. Il lui faut quelques instants pour réaliser que ce parfum semble familier. Très familier.
Et pour cause, réalise-t-elle quand elle se trouve déjà dans le couloir : il s'agit de sa propre odeur, ou plutôt celle du corps qui l'attend à la cave. Elle s'arrête, consciente du danger, ce qui lui fait reprendre ses esprits. La douleur de la faim, ou plutôt de la soif, se calme et peu à peu elle parvient à se contrôler. Mieux vaut ne pas descendre immédiatement à la cave en revanche, se dévorer soi-même s'avérerait une triste façon de passer de vie à trépas. Il faut absolument qu'elle pense à autre chose qu'à cette soif surnaturelle.
Elle se force à rentrer de nouveau dans la chambre et ferme la porte, avant de prendre une grande inspiration, qui lui fait réaliser que jusque-là elle ne respirait pas. Ce qui lui parait logique, puisqu'elle se trouve dans un corps mort.
Taylor remarque alors une grande glace qui couvre toute la porte d'une grande armoire. Elle s'en approche et confirme qu'elle se trouve bien dans la peau d'Annabelle, ce qui la rassure un peu. La vampire dormait visiblement dans une simple nuisette en soie, ce qui pour Taylor relève de l'exploit : frileuse comme elle est, il lui faut toujours plusieurs couches de vêtements pour dormir. Impossible donc de passer pour sexy au réveil, surtout en hiver, ce que lui ont reproché plusieurs de ses ex.
Elle s'observe toujours dans le miroir, pour une fois satisfaite de son choix. Elle soupèse sa poitrine d'emprunt, un peu plus imposante que la sienne. Pour une femme qui doit avoir au moins cinquante ou cent ans, si ce n'est plus, elle est vraiment bien conservée.
— Attention, dit-elle avec la voix d'Annabelle, je suis la terrifiante vampire à la nuisette. Tremblez devant moi, pauvre mortels !
Ce disant, elle pose les mains sur ses hanches et tente un regard séducteur avant de prendre l'accent le plus anglais dont elle est capable :
— Vous prendriez bien un petit peu de thé, Milady, avant que je vous suce le sang ?
Si l'hôte la voyait, elle la tuerait probablement sur le champ, ce qui donne tout son charme à sa petite comédie. Elle se met ensuite de profil et pose une main sur la hanche tandis que l'autre imite la forme d'un pistolet. Elle souffle sur le haut de son index, qu'elle tient devant elle comme une arme :
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Love Bites
ParanormalBelle, insolente, sorcière et lesbienne, Taylor survit à San Francisco en tant que simple barmaid. Jake est un ancien-flic, à présent détective privé et passablement alcoolique. Enfin, Lionel est un vampire trop sûr de lui et peu habitué au rejet. H...