Épisode 5 - 27 Bonne Chance

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— C'est ici ? demande Faith.

Avec grande difficulté, Taylor rouvre les yeux. Il lui a fallu beaucoup de concentration, ce qui n'était pas un acquis quand on connait la jeune femme, mais avec l'aide de sa sœur elle est parvenue à retrouver le lien entre son corps et elle. Comme un appel silencieux, né de la peur de disparaitre. D'abord imperceptible, le fil d'Ariane spirituel l'enveloppe à présent, l'indispose presque.

Et un sentiment d'urgence.

— Oui. On y est.

Les deux sœurs sont à l'arrière du monospace, tandis qu'Andrea se gare et éteint les phares. Une brume nocturne s'est installée en ville. Taylor a froid, mais elle ignore si la température en est la cause, ou s'il s'agit plutôt de sa volonté qui flanche toujours un peu plus. Le corps de son hôte la rejette, elle le perçoit clairement, et rester dans celui-ci l'épuise. Elle n'a qu'une seule envie : en sortir. Mais elle ne sait pas ce qu'il adviendra de son esprit, si elle relâche le mince contrôle.

La main de Faith sert la sienne. L'inquiétude se lit sur le visage de sa cadette. Il y a de quoi.

Andrea rejoint les deux femmes, sans allumer la lumière pour ne pas attirer l'attention. Quelqu'un qui passerait à côté du véhicule et qui ferait attention les verrait, mais il serait presque impossible de les discerner de loin. Surtout avec le brouillard, qui pour une fois est le bienvenu.

— Okay, dit la flic. Elle est bien là ?

— Oui. En face je dirais, mais j'ai du mal à visualiser exactement.

— Plutôt rez-de-chaussée ? Étage ?

— Étage. À l'arrière de l'immeuble, je pense. Mais c'est flou.

— Il y a une boutique, interrompt Faith, téléphone portable à la main. On dirait qu'ils vendent des babioles ésotériques. Ça collerait, non ?

Taylor se demande ce que pourrait y préparer Lenia. Cela n'indique rien de bon pour elle. Peut-être a-t-elle trouvé une solution pour garder son corps définitivement ? Il ne va pas falloir traîner.

Andrea se fait un chignon serré et commence à se déshabiller, tandis que Faith ouvre un gros pot de gel ignifugé. Le genre qu'utilisent les cascadeurs pour jouer les torches humaines. La flic, qui n'a gardé que ses sous-vêtements, plonge les mains dans le gel et commence à se l'étaler sur les bras.

— Vous comptez m'aider, ou juste regarder ? demande-t-elle.

En réponse les deux sœurs s'y mettent également, et en quelques minutes Andrea est recouverte de la tête aux pieds de la substance visqueuse. Sans s'en plaindre, alors que cela doit vraiment être désagréable, elle enfile alors une première couche de vêtements, ignifugés eux-aussi. Puis vient une épaisse combinaison noire. Une cagoule complète l'attirail.

— Je compte sur toi pour me rembourser, couz'. J'en ai eu pour 2000 dollars.

— Sérieusement ?

— Oui. Juste pour ressembler à une méchante de comics books.

— Dis-toi que tu auras la classe, quand elle te mettra le feu.

Les deux femmes ont beau plaisanter, elles savent toutes deux que les risques sont grands qu'aucune ne survive à la nuit. Si Andrea échoue, non seulement sa vie sera en danger, mais Taylor ne tiendra pas la nuit.

Finalement, Taylor n'a qu'une envie : rembourser ces 2000 dollars.

— Passe-moi mon sac, demande Andrea à Faith.

Cette dernière obéit, et la flic en sort une large ceinture utilitaire, qu'elle se passe autour de la taille. Elle y glisse son arme de poing, mais aussi un bâton électrique, une lampe torche et un taser.

— Essaye de pas trop m'amocher, lui lance sa cousine.

— Je vais pouvoir faire passer toute ma frustration de t'avoir eu à la maison pendant les six derniers mois.

La barmaid tente un sourire, mais cela ne lui vient pas facilement. Andrea referme le sac, puis elle enfile une paire de gants. Faith l'aide alors à mettre une oreillette bluetooth, pour qu'elles puissent rester en contact pendant la mission, si on peut appeler cela une mission.

— Un deux, un deux, dit la plus jeune dans son propre micro.

— Cinq sur cinq. On peut y aller. Aide-moi avec le casque.

Faith lui fixe un casque de moto noir sur les épaules, et vérifie que celui-ci ne bouge pas. De loin, on penserait sûrement qu'il s'agit d'une simple motarde, et non pas d'une super-héroïne prête à en découdre avec une sorcière maléfique.

— J'ai l'air de quoi ?

— T'es badass, répond Taylor.

— Cool. J'y vais. Souhaitez-moi bonne chance.

— Bonne chance.

Elle ouvre la portière latérale du monospace et sort dans la rue. Avant qu'elle ne referme, Taylor lui dit :

— Fais attention à toi, Andrea.

La flic tape le casque de deux doigts. Il s'agit sans doute d'un signe encourageant. Sans doute.


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