Épisode 1 - 8 Rendez-vous avec un Tueur

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Taylor vérifie ses messages en sortant du Witch Hour et comme elle l'espère, il y en a un du tueur. Ou en tout cas quelqu'un qui se fait passer pour lui. L'homme, qui signe d'un prosaïque SFXxXKil, lui donne rendez-vous à Land's End sur les coups des 3h du matin. Le parc, qui fait face à la mer, est l'endroit parfait pour agresser une jeune femme sans défense, surtout à cette heure tardive.

Pour la première fois de la soirée elle sent un grand froid dans le dos et il ne s'agit pas que du vent. Se moquer d'un sale type sur internet et aller le rencontrer au milieu de la nuit sont deux choses totalement différentes. Bien sûr, elle n'y va pas les mains vides : elle prendra son spray anti-agression et ses pouvoirs de sorcière, mais cela ne rend pas la chose moins dangereuse.

Ceci dit, si elle n'y va pas, ce sera une autre jeune fille, qui elle n'aura ni pouvoirs, ni spray qui en pâtira, un moment ou un autre. Soyons clairs, Taylor ne se considère pas comme une personne de spécialement altruiste ou même de bien, alors une héroïne, n'en parlons pas. Pourtant elle sait qu'elle se sentirait coupable si elle n'agissait pas.

Elle monte dans sa voiture et démarre. L'autoradio crache une musique au rythme lent et lancinant, tandis qu'elle traverse la ville. Les nombreuses collines confèrent un côté onirique à San Francisco, la baie au loin reflétant les néons et lumières électriques. Circuler est facile au milieu de la nuit. Les trams ont arrêté de circuler depuis minuit et les voies s'offrent à elle. Conduire la nuit, vivre la nuit, confère un sentiment de liberté comme nul autre. La San Francisco de Taylor est unique, à elle. Et elle n'a pas besoin de la partager.

Elle aimerait juste que cela dure encore quelque temps.

*

Taylor arrive en vue du parc sous les coups de 2h30 du matin. Elle emprunte un chemin de terre qui mène à un petit parking. L'endroit, plein de touristes la journée, se montre vide et menaçant, sous un ciel voilé et sans étoiles. Une petite pluie commence même à tomber. Elle n'a pas pensé à prendre de parapluie. C'est idiot : quand on s'apprête à rencontrer un tueur en série (ou un pervers), regarder la météo est important. Aurait-elle pris des talons, si elle avait su ? D'ailleurs, pourquoi a-t-elle pris des talons ?

Le stress, lentement, inexorablement, commence à monter. Elle a éteint les phares, verrouillé les portières et s'est emparée du spray qu'elle tient d'une main crispée. Maintenant, elle attend que le temps passe en scrutant les ombres, nombreuses et vacillantes. Le vent siffle en frappant les falaises de Land's End, tandis que des vagues s'écrasent sur les rochers en contrebas. Si quelqu'un criait, l'entendrait-elle ? Et si elle criait ?

Elle regarde son portable : il est bientôt trois heures. Elle pense alors à le mettre sous silencieux et à baisser la luminosité. Par ce simple geste, elle vient peut-être de sauver sa vie.

Toujours personne. Juste la nuit, de plus en plus noire. La pluie s'est faite plus violente et elle a une envie pressante d'uriner. Elle peut encore faire marche arrière... Il suffit de démarrer et partir. L'idée est plus tentante que jamais. L'idée l'obsède, même. Rester ? Partir ? Son instinct lui hurle que le danger est trop grand et que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Elle n'a rien à se prouver, elle est restée jusque-là, c'est pas si mal déjà. Personne ne la jugera si elle part. Même Sienna ne dira rien. Elle peut s'enfuir.

3 heures.

Ses mains tremblent quand elle saisit les clefs et met le contact. Elle passe la marche arrière et recule, avant de retourner vers la grande route, le cœur et les essuie-glaces battant. Abandonner a le goût de la libération.

Elle n'a pas le temps de voir la silhouette sur le chemin et pousse un cri lorsque sa voiture la percute de plein fouet.

Les mains sur le volant, elle tremble comme une feuille. Que s'est-il passé ? Ses phares, dont la lumière oscille à cause de la pluie, éclairent un corps étendu. Est-ce le tueur ? Ou a-t-elle a heurté un innocent ? À cette heure-ci, au milieu de nulle part, ce serait peu probable. Mais elle n'en sait rien. Elle est venue ici pour protéger, par souci de justice, pas pour laisser une victime sur le bas-côté.

Elle prend une grande inspiration, puis ouvre la portière. Son spray toujours à la main, elle sort affronter ce que le sort lui a prévu. La pluie glaciale s'abat sur elle avec violence. Elle est trempée avant même de rejoindre le corps. L'homme, plutôt massif, est vêtu d'un imperméable en cuir. Elle ne discerne pas ses traits de là où elle est. Elle se rapproche, en le contournant, effrayée à l'idée qu'il se relève et lui bondisse dessus. C'est stupide, il est probablement mort sous le choc, mais elle n'arrive pas à chasser cette peur primitive.

C'est alors qu'elle est à quelques mètres à peine, qu'elle réalise : ce n'est pas un tueur, ni même un inconnu. Elle se précipite vers l'homme, espérant pour la première fois qu'il soit encore vivant. Ses mains se posent sur celles du blessé et ses yeux croisent son regard. Jake est toujours en vie. Le soulagement qui s'empare d'elle manque de la faire pleurer, mais elle se reprend :

- Ne bouge pas, je vais appeler les secours.

- Der... derrière...

La silhouette masculine est tout ce qu'elle a le temps de distinguer en se retournant, avant qu'un coup violent ne la projette dans les limbes de l'inconscience.



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