Épisode 5 - 24 Thalasso Therapie

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Jake est debout, torse nu, les mains solidement attachées au-dessus de sa tête. Lester, le membre de l'organisation chargé de le faire parler, se rapproche, un seau d'eau à la main. Il arrive lentement au niveau du privé, dont le seuil de tolérance a été dépassé depuis longtemps :

— Tu sais ce que c'est, Sullivan ?

Le tortionnaire attend quelques instants que Jake réponde, mais celui-ci garde le silence, plus par épuisement que par bravade.

— C'est tout simplement de l'eau salée. Tu vois, la peau ne conduit pas bien l'électricité. Elle chauffe, elle brûle même. C'est douloureux, bien sûr, mais pas suffisamment. L'eau de mer, vois-tu, est un très bon conducteur en revanche.

Ceci dit, il asperge l'ancien flic, le froid le saisissant un court instant. Jake sait pertinemment que les moments à venir vont être abominables. Il en souffre presque par anticipation, imaginant la douleur de l'électricité parcourant sa peau. Mais, pour l'instant, contre toute attente, il a tenu bon et n'a pas donné le nom de Lionel.

Ce n'est bien entendu pas une question de loyauté. Il ne doit rien à son employeur. Il sait juste que, tant qu'il n'a pas parlé, il aura une chance de s'en sortir. S'il vide son sac, jamais ces types ne le laisseraient partir. Un pruneau solderait ses jours, désormais bien peu nombreux.

Lester se débarrasse du seau et dévoile une matraque électrique, le genre de modèle d'auto-défense que l'on trouve en libre circulation.

— Qui est ton employeur ? demande-t-il.

— Vas te faire...

L'insulte du privé se transforme en grognement d'agonie alors que le tortionnaire lui enfonce la matraque entre les côtes. Tous les muscles de son corps se contractent sous la douleur, ses yeux se révulsent. Tout s'arrête pourtant très vite, lorsque Lester retire l'objet de torture. Jake reprend un souffle qu'il n'a pas réalisé avoir perdu, une sensation de brûlure et d'engourdissement lui prenant tout le flanc.

— Qui est ton employeur ?

— Vas te...

Une nouvelle décharge lui déchire le torse, puis une seconde, et une troisième. Son cœur s'emballe, ses dents s'entrechoquent alors que les os de sa poitrine semblent s'échapper et la déchiqueter.

Le privé a perdu le compte, quand finalement un répit lui est donné. Ses jambes tremblent sous les crampes. Ses tympans vrillent. De la bave s'échappe de ses lèvres retroussées. Il s'attend à entendre une nouvelle fois la question quand Lester l'effleure, lui infligeant une décharge brève mais intense.

— Qui est ton employeur ?

Cette-fois il n'a pas la force de résister. La séance vient à peine de commencer et il n'en peut déjà plus. Lester passe dans son dos, et la matraque le touche entre les omoplates. Il s'apprête à hurler, mais l'autre homme n'a cette fois pas appuyé sur le bouton.

— Désolé vieux, je te fais marcher.

S'il avait encore un peu de force, Jake l'insulterait. Un autre contact, et cette fois l'homme s'y met pour de vrai, des décharges cruelles le transperçant. Les coups touchent aussi bien son dos que ses cuisses ou sa nuque, le crépitement à peine audible en comparaison des hurlements du privé.

Son cœur manque de rompre, mais jamais il ne perd conscience, ressentant tout ce que lui impose son bourreau pendant de longues minutes aux allures d'éternité.

C'est finalement quand il n'a plus de voix qu'un répit lui est donné. Pendant, fumant, il peine à remarquer que Lester lui parle.

— ...sser aux choses sérieuses, Sullivan. L'eau, les court-jus, c'était un peu comme l'apéro. L'option découverte. Le menu enfants.

L'homme s'éloigne et laisse Jake dans l'expectative, ce qui fait pleinement partie de la torture. L'ancien flic, à bouts de force, tente de se redresser. Ses jambes refusent tout mouvement, malheureusement, tremblotants comme celles d'un poulet que l'on vient d'abattre.

Il ne peut qu'attendre Lester. Ce dernier prend son temps, mais il finit par revenir. Du coin de l'œil, Jake aperçoit un scalpel. Il ne peut pas dire qu'il ne se doutait pas, qu'un moment ou l'autre cela tournerait comme ça.

— Tu vois, Sullivan, même avec la flotte, ta peau empêche l'électricité de bien circuler. Il va falloir couper, juste un peu, et ton sang fera le travail bien mieux. Il conduira parfaitement le courant à l'intérieur. La douleur sera partout, omniprésente. Voilà comment je vais procéder : je vais faire deux longues entailles, parallèles, sur toute la longueur de ton dos. Puis j'en ferai une autre, perpendiculaire, en haut. Ça détachera la peau, juste assez pour que je puisse tirer et la détacher, comme une belle tranche de bacon. A ce moment-là, tu perdras vraisemblablement connaissance, mais ne t'en fais pas, les décharges qui suivront te ramèneront bien vite et tu ressentiras tout.

Jake déglutit, conscient qu'il ne s'agit pas de bluff.

— Il y a juste un problème : la cicatrisation. Il y a un risque notable que cela s'infecte, surtout si on ne le traite pas correctement. La douleur sera constante à partir de ce moment-là, nuit et jour. Ce sera pire encore que maintenant. Sans parler de la fièvre et des délires. Tu voudras mourir. Tu nous supplieras de te tuer. Tu tenteras peut-être de le faire, si tu as encore la force, pendant un des rares moments de lucidité. Mais nous devrons attendre. Tu comprends, il faudra qu'on vérifie les infos que tu nous auras données. Ça prend du temps...

Lester s'interrompt, laissant à Jake le temps de réaliser tout ce qu'il vient de dire. Il range même le scalpel, puis sort un paquet de cigarette. Il en prend deux, et en place une entre les lèvres de sa victime, avant de l'aider à l'allumer. Jake l'enverrait promener, si le manque de nicotine ne se faisait pas autant sentir.

Il tirealors sur le mégot, laissant la fumée emplir ses poumons crasseux. La douleur commence à s'estomper. Il n'a pas envie qu'elle revienne.

— Mais, reprend Lester entre deux bouffées, on peut arrêter tout ça. Il suffit que tu parles, avant que ça ne devienne trop déplaisant. Tu as bien tenu, tu peux être fier. Peu de gens résistent aussi longtemps que toi. Peut-être même que le boss te fera une proposition. Il suffit que tu nous dises pour qui tu travailles...


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