Épisode 5 - 25 RAS

122 16 4
                                    

Jake sort de l'utilitaire noir, garé à deux minutes à peine du manoir de Lionel, dans une rue parallèle. La porte coulissante se referme derrière lui, et pour la première fois depuis son enlèvement il se retrouve libre. Enfin, une liberté qui reste toute relative lorsque l'on considère le micro scotché à son torse et qui retransmet en direct chacune de ses paroles, ou la lunette lointaine d'un fusil, un tireur invisible s'assurant qu'il ne commettra pas d'impair.

Les moyens sont bien sûr loin d'égaler ceux de la police, mais ils s'en approchent dangereusement. Le privé n'en sait pas beaucoup plus sur ce deathsquad urbain, et il n'en apprendre vraisemblablement pas plus ce soir. A travers l'oreillette miniature, la voix de l'homme en charge de ce petit groupe paramilitaire résonne :

— Dirigez-vous vers le manoir. Soyez naturel. Un rapport toutes les cent-quatre-vingt secondes.

Marcher lui semble tout sauf naturel, après plusieurs jours passés attaché dans une cellule sombre. Il a beau avoir eu le droit de se laver et de manger convenablement depuis qu'il a lâché le morceau, le traitement qu'il a subi n'en demeure pas moins visible.

Il s'avance malgré tout, saisi par l'air frais du début de soirée. Ses mains trouvent les poches de son manteau. Ses pas résonnent sur le béton. Peu de monde dans ce quartier résidentiel. Dire que c'est à cet endroit précis qu'il se rendait quand ces types lui sont tombés dessus.

Le manoir apparaît. Les travaux ont avancé, témoignage des finances remarquables de Lionel. S'il survit à toute cette histoire, il sera peut-être sain de se contenter de jobs plus simples, comme retrouver des chats perdus ou photographier des maris infidèles. Moins d'argent, mais surtout moins d'ennuis...

La porte du jardin est close, mais pas verrouillée. Il y entre, puis se dirige vers l'entrée. Il frappe à la porte, à deux reprises. Aucune réponse. Il n'a pas vu la Mustang de Lionel. L'homme est sûrement sorti, s'il n'a pas disparu à nouveau.

— Rapport, lui demande le chef du commando.

— Aucune réponse. Pas de véhicule.

— Pénétrez à l'intérieur et informez-nous.

— Bien noté.

— Et Sullivan : vous savez ce qui vous attend si vous tentez quoi que ce soit.

Jake a bien compris les tenants et les aboutissants de cette « mission ». Non seulement on l'enverrait ad patres, mais ils ont surtout promis de faire de même avec Andrea. Il n'est pas cent pour cent certain qu'ils s'en prendraient à une flic, eux qui ont toujours su rester discret, mais il ne tient pas à tenter le diable avec la vie de sa fille.

La porte principale est fermée à clef. Ce cas était cependant envisagé, comme en témoigne le petit trousseau de crochets qui lui a été remis. Il ne lui faut qu'un instant pour faire céder la serrure centenaire.

Il entre, avalé par le silence. Une lumière diffuse provient des fenêtres hautes, qui ne sont cette fois pas dissimulées par les épais volets en bois. Il n'y voit pas clair pour autant.

— RAS à l'entrée, murmure-t-il tout en refermant derrière lui. Je m'avance.

Le rez-de-chaussée s'avère vide de toute présence. Il n'y a que peu de traces de vie. On dirait bien qu'un fauteuil a été utilisé, ou qu'un tapis a été déplacé, mais les indices s'arrêtent là. Aucune assiette salle dans l'évier, pas de miettes ou de trace de vin sur la table, aucune odeur de cuisine, pas de poubelle apparente. Si Lionel habite ici, il n'y passe guère plus que ses nuits, et visiblement pas toutes.

A moins qu'il ne soit déjà loin, alerté par la disparition temporaire du privé.

Jake monte les escaliers et se retrouve à l'étage qui baigne dans la pénombre. Il décrit brièvement chaque étape, pour ne pas affoler les dingues de la gâchette qui attendent le moindre faux-pas pour rappliquer.

Love BitesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant