Edgar et Annabelle Morrington séjournaient depuis quelques jours avec la famille Vance. Abraham, à la surprise de son fils, avait accueilli la distraction qu'offraient deux Anglais avec un ravissement inattendu, tant et si bien qu'il les invitait désormais à leur table.
L'intérêt de Lionel pour les dîners familiaux s'en trouvait démultiplié. De ce qu'il avait glané, leurs invités, un lord et sa fille unique, se trouvaient en Nouvelle-Angleterre quand l'Amérique avait déclaré la guerre aux britanniques, ce qui les avait mis dans une situation délicate. Depuis, ils voyageaient par contrainte, jusqu'à leur arrivée providentielle à Meredith.
Le père de Lionel, grand prince, se sentait investi d'une sainte mission, celle de protéger du préjudice et du danger les deux âmes qui avait frappé à sa porte. Sans doute parce qu'il avait toujours rêvé d'être un lord Anglais.
Pour une fois, le jeune homme n'avait pas contredit son père, au grand dam de sa mère qui avait des réserves. Bien au contraire, il se ravissait de leur présence, ou plus exactement de celle d'Annabelle.
La jeune femme parlait peu, mais quand elle s'exprimait elle faisait preuve d'une érudition à toute épreuve, le faisant se sentir idiot, lui qui passait plus de temps à profiter de la vie qu'à se préparer pour ses obligations futures. Mais surtout, tandis qu'elle citait Milton ou bien Dante, son regard pourfendait le jeune homme qui sentait un feu intérieur le dévorer vif.
Jamais il n'avait ressenti telle passion et il avait bien du mal à se l'expliquer.
Un après-midi, tandis que son père travaillait et qu'Edgar se reposait dans ses appartements, Lionel passa devant la chambre de la jeune femme. La porte à double battants n'était pas fermée, s'il bien qu'il la vît, assise dans un siège de velours rouge, vêtue d'une robe d'intérieur. Elle lisait, un ouvrage vraisemblablement emprunté dans la bibliothèque du manoir, absorbée par les mots.
Il vérifia que personne ne passait dans le couloir et resta à la regarder, sans un bruit. Avait-elle fait exprès de laisser la porte entrouverte ? Ou seul le diable se trouvait responsable, jouant de la tentation et le poussant jusqu'au désespoir ?
Il détestait se sentir ainsi, lui qui habituellement se jouait si bien de la gent féminine. Aucune femme de Meredith ne lui résistait, mais celle-ci lui faisait perdre ses moyens sans qu'il ne semble l'émouvoir. Si elle avait autant voyagé que son père le suggérait, elle avait probablement bien plus vu le monde que lui et un simple bourgeois de petite ville n'avait que peu de chance face à elle. Après tout, Boston était la plus grande ville qu'il ait jamais visitée.
Elle ferma lentement le livre et le reposa, sur un petit meuble verni. Puis, lentement, sans un mot, elle glissa une main sous ses jupes. Lionel pensa d'abord qu'elle comptait se déshabiller... jusqu'à ce qu'elle gémisse pour la première fois. Puis une seconde... Se touchait-elle vraiment ? Ces cris ne ressemblaient en tout cas pas à ceux simulés de Julia. Non, elle le faisait par plaisir uniquement.
Il aurait dû se dire que c'était une diablesse ou une créature du malin, après tout on brûlait des femmes pour moins que cela, mais seul le désir naquit en lui, grandissant à mesure qu'elle se touchait et jouait avec son corps.
Les yeux de la jeune femme étaient aussi clos que les volets à présent. Elle ne vivait plus que dans le moment. Qu'aurait-il donné pour que ce soit ses doigts à lui qui découvre l'intimité de la jeune femme.
Il hésita un long moment, puis se décida à entrer. Il referma lentement la porte derrière lui, celle-ci indiquant sa présence par un grincement audible. Lorsqu'il se tourna vers elle, elle commettait toujours une version féminine du péché d'Onan, mais ses yeux le transperçaient, sans la moindre gêne. Il s'était attendu à ce qu'elle hurle ou qu'elle arrête soudainement en proie à l'humiliation, mais elle ne s'en souciait guère.
Une chaleur parcourait Lionel, qui ne savait trop que faire. Cela amusa Annabelle, qui se leva finalement de son siège, pour se rapprocher de lui. Son expression restait insondable et il n'aurait su dire si elle allait l'embrasser ou le repousser.
Elle le rejoignit, leurs corps si proches qu'il pouvait presque sentir les formes de la créature. Elle porta alors la main, celle-là même dont elle usait quelques instants plus tôt, au visage de Lionel, effleurant ses joues. Puis, lentement, elle glissa les doigts encore humides entre les lèvres du jeune homme, qui les lécha avec un mélange de dégoût et d'excitation. Elle avait un léger goût de sang.
Annabelle ressortit ensuite les doigts, ses ongles courant le long de la gorge de la victime de sa séduction. Lionel ne resta pas en reste et la saisit par la taille et les fesses, la contraignant à se rapprocher de lui. Ils n'avaient toujours pas échangé un seul mot, quand il l'embrassa avec fougue. Elle ne le lui rendit pas immédiatement, le laissant croire un instant qu'elle ne désirait pas de ce baiser, avant d'entrouvrir des lèvres fraîche et de caresser les siennes du bout de la langue, dans une lenteur étudiée pour le rendre fou.
Il la saisit par les cuisses et la souleva du sol, les jambes de la diablesse enserrant aussitôt ses hanches dans une étreinte presque douloureuse. Il la plaqua contre un mur, sans égard pour la discrétion et la prudence, et surtout sans lâcher les lèvres défendues.
Il sentit les mains glisser dans sa nuque, lui arrachant des frissons de désir alors que lui-même se mit à dévorer la gorge d'albâtre de celle qui peu à peu le conquérait. Les mains prises, il ne pouvait défaire sa robe et aller plus bas que le haut de son décolleté. La poitrine emprisonnée se soulevait à un rythme de plus en plus rapide.
Soudainement, elle le repoussa, avec une force plus grande qu'il ne l'aurait imaginée, le forçant à se séparer d'elle. Elle se mordit la lèvre, sans doute de frustration. Ses yeux brillaient à présent. Il voulu se rapprocher mais elle lui refusa d'un geste.
— Pourquoi ? demanda-t-il, la frustration le déchirant.
Elle sembla réfléchir à ses paroles, comme si elle ne comprenait pas tout à fait elle-même ce qui la poussait à agir ainsi.
— Parce que je vous apprécie, dit-elle finalement.
Sa voix possédait quelque chose de peu commun. On ne pouvait pas la qualifier de douce, ni même de féminine. Il y avait une force derrière, presque rugueuse, mais endiablante malgré tout.
Il allait répondre quand il entendit le lourd heurtoir de la porte d'entrée frapper plusieurs coups pressés. Ils n'attendaient personne, certainement pas à cette heure. La personne insista, frappant de nouveau.
Lionel échangea un regard avec Annabelle avant de sortir et de descendre voir ce qui se passait. Il arriva quand Damien ouvrait la porte et laissait entrer le toubib de la ville.
— Que se passe-t-il ? demanda Lionel, les joues encore empourprés par son moment avec la belle Anglaise.
— C'est la peste, Monsieur !
La jeune femme se trouvait sur les escaliers, un peu plus haut que lui.
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Love Bites
ParanormalBelle, insolente, sorcière et lesbienne, Taylor survit à San Francisco en tant que simple barmaid. Jake est un ancien-flic, à présent détective privé et passablement alcoolique. Enfin, Lionel est un vampire trop sûr de lui et peu habitué au rejet. H...