Love Bites

Épisode 2 - Prologue

La rockeuse est épuisée quand elle rejoint sa loge d'appoint, mais le succès a été au rendez-vous et elle n'est pas peu fière de sa performance. Certes, la salle est petite et la sono laissait à désirer, mais c'est peut-être là le début du succès. Dire qu'elle n'a pris qu'un seul rail de coke avant de jouer... Ses oreilles bourdonnent encore et sa tenue en faux-cuir lui colle à la peau. Elle sent la sueur et la clope, loin de l'image glamour qu'on lui donne, mais cela lui va parfaitement.

Elle est en train de se changer quand le guitariste des Die With Style lui demande à travers la porte :

— Hey, on va au Cat Club. Tu fais quoi ?

— Allez-y, je vous rejoins peut-être.

— Ok ! Et au fait, t'étais démente ce soir !

La jeune femme enfile son jean et un haut noir arborant la fameuse langue rouge des Rolling Stones. Elle met sa veste en cuir et cache ainsi les tatouages qu'elle a sur les bras, avant de prendre son sac et de sortir. Elle rêve d'une douche, mais la mini loge n'en a pas.

Dehors, le minibus du groupe est déjà parti. Il faut dire qu'ils n'ont pas beaucoup de matos à eux, à part les instruments. Ça viendra, elle l'espère. Elle rejoint sa voiture, un pick-up couleur sale, comme elle le décrit si bien. Elle entre, claque la portière tandis que son sac atterrit sur le siège passager, écrasant feuilles de partition, papiers de chewin-gums, canettes de bière et de soda, une vieille paire de boots et un magazine de guitares. Son premier réflexe: l'auto-radio. Une station rock, qui diffuse Sympathy For The Devil. La version originale.

Elle descend le pare-soleil et se recoiffe, avant de remettre un peu de rouge à lèvres. Lorsqu'elle regarde par le pare-brise, elle sursaute en apercevant une ombre de grande taille à quelques mètres. Sa vue doit lui jouer des tours, car quand elle se concentre, il n'y a devant elle que d'autres véhicules garés et des lampadaires allumés. Un groupe de jeunes gens passe un peu plus loin, visiblement ivres.

Elle démarre et s'engage sur chaussée, sans plus y prêter attention, les doigts tapotant sur le volant au rythme de Mick Jagger. De la main droite elle fouille dans son sac et en sort son portable, un vieil engin indigne de la star du rock naissante qu'elle est, mais surtout moins cher que les téléphones de la Pomme. Elle cherche dans son répertoire et appelle Gary, son petit ami du moment, qui est accessoirement son dealer du moment.

— Hey baby, lui dit-il.

— Tu m'as dit que tu viendrais ce soir. T'étais où ?

— Attends, je regarde l'heure. Ouah, il est déjà si tard ? Je suis désolé baby, je voulais venir mais le temps est passé à la vitesse de l'éclair.

Gary n'a jamais été ce que l'on pourrait appeler une flèche, mais ce n'est pas ce qui intéresse la rockeuse chez lui de toute façon. Il aime la bonne musique, est plutôt beau gosse, il est habile avec les doigts et il lui refile de la poudre et du shit comme d'autres offriraient des fleurs. C'est tout ce qu'elle lui demande. Enfin, à part assister à ses concerts.

— Tu es chez toi ?

— Non, je suis au Valhalla. Dans une grotte norvégienne et je prie Odin. Gloire à Odin ! Gloire à Thor !

— Gary...

— Tu veux venir ? J'ai une nouvelle petite herbe, c'est un aller simple pour...

Les pneus crissent et fument quand la jeune femme écrase la pédale de freins. Elle n'évite pourtant pas la silhouette sur le milieu de la route et un choc violent s'en suit, si bien que l'airbag se déclenche et la repousse contre le siège. Elle est persuadée que c'était un animal, ce qui serait bien la première fois au milieu de la ville. Son téléphone est toujours allumé et la voix de Gary parvient faiblement.

L'airbag se dégonfle lentement alors que son rythme cardiaque se stabilise. Elle enclenche les feux de détresse, enlève sa ceinture et descend de voiture, un peu groggy. Elle contourne le véhicule et constate avec surprise l'étendue des dégâts : le pare-chocs s'est enfoncé dans la carrosserie et le capot est sur le point de tomber. Par contre, aucune trace de l'animal en question. S'est-il déjà relevé ? Ou est-elle tombée inconsciente quelques instants ?

En tout cas, l'animal en question devait être très gros pour avoir fait autant de dégâts. Son pick-up est mort et ne redémarrera pas. Seule la radio fonctionne encore, pour tout dire.

— C'est bien ma veine, s'entend-elle dire.

Elle réalise à ce moment que les flics viendront pour le constat, alors qu'elle a pris de la drogue. D'ailleurs, il en reste dans son sac à main et la boîte à gants. Une panique sourde commence à monter en elle et elle se dirige vers la portière du passager. Celle-ci est bloquée et ne s'ouvre pas.

— Merde, merde, merde. Me fais pas ça...

La rockeuse ne voit pas la créature qui s'approche et pas un son ne lui échappe quand les crocs puissants lui saisissent et lui perforent la gorge. Pourtant elle est encore consciente quand elle se fait entrainer à l'écart et que le monstre la dévore vive... Elle est consciente jusqu'à la fin...

Même sa mort aura été Rock n' Roll.