Épisode 4 - 26 Un Suspect Idéal

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Andrea fait monter l'homme à l'arrière de la voiture, en veillant à ce qu'il ne se cogne pas la tête, avant de claquer la portière. C'est le moment où elle remarque l'éraflure sur la carrosserie, qui s'étend sur au moins cinquante centimètres. Elle pousse un juron et jette un regard noir à son père :

— La prochaine fois je conduis ! Qui va payer ça encore ?

Le privé n'a pas vraiment de réponse à la question. Il doute que l'assurance fonctionne. Quant à la SFPD, autant ne pas y compter... La jeune femme se baisse pour observer de plus près les dégâts. Jake évite de mentionner qu'en plus, sa veste en cuir est bonne à jeter, sans quoi il risquerait d'assister à des violences policières envers leur suspect.

— Bon, finit par dire Andrea avec dépit, je vais chercher son arme à feu dans le ciné.

— Tu veux que j'y aille ?

— Non, c'est mieux si quelqu'un faisant encore partie de la police s'en occupe. Tu surveilles l'anguille pendant ce temps.

Il ne s'agit pas d'une question.

Elle se dirige alors vers le Castro Theater, marchant un peu plus lentement que d'habitude. Jake devine que l'affrontement entre Hunter et elle a dû être rude : il a lui-même goûté les techniques d'arts martiaux de l'homme et en a encore mal au dos.

Il monte à l'avant et allume la radio, choisissant une station de country music. Il règle ensuite le rétroviseur pour bien voir le fameux Jonathan Hunter.

— Vous faîtes une erreur en m'arrêtant, lui dit celui-ci.

— Ouais, ouais. Cause toujours.

Le privé fouille alors les affaires personnelles qu'ils ont confisquées : un couteau Bowie à la lame aiguisée et à la crosse en ivoire, des fioles semblant rempli du sang et un petit sachet contenant une sorte de pâte marron. Il la renifle mais se révèle bien incapable de trouver de quoi il s'agit.

— Je vous déconseille d'y toucher, dit Hunter.

— Pourquoi donc ?

— C'est du curare.

— Oh...

Jake le range avec précaution, en prenant garde de ne pas s'en mettre sur les mains. Le curare, ou peu importe ce dont il s'agit, rejoint les fioles dans un sachet plastique.

— Du poison, du sang, une arme blanche... dit-il. L'arsenal parfait du tueur qu'on recherche. Ça fait quoi déjà le curare ? Ça immobilise la victime c'est ça ?

— Oui et c'est même mortel pour un être humain. Mais je suis sûr que vous n'en avez jamais trouvé chez les victimes.

— Et comment vous savez cela ?

— Parce que je n'ai jamais utilisé de curare sur un être humain.

— Je vois. C'est pour les vampires, c'est ça ?

— Exactement.

— Et le sang ? J'imagine qu'il appartient à aucune des victimes ?

— Aucune.

— C'est pour chasser vos créatures aussi ?

— Oui. C'est du sang de vampire.

Jake se demande comment l'autre fait pour garder son sang-froid en débitant pareilles inepties.

— Allons bon, commente-t-il. Vous mettez le sang sur une carte de la ville et hop, ça vous montre où se terrent les vilains monstres ?

— Quelle imagination. Non, c'est bien plus simple que cela : chaque vampire possède des facultés, des pouvoirs, si vous voulez. Ces pouvoirs s'amplifient au fil des années, ou plutôt des siècles. Le sang du vampire est la source de son pouvoir et, si un être humain y goutte, il peut accéder quelques instants à celui-ci. Cela peut le rendre plus fort, plus rapide dans les cas les plus répandus.

— Vous voulez dire que c'est de la drogue de combat ?

— En quelque sorte, oui.

S'il raisonne, Jake ne peut qu'estimer que l'homme est un coupable idéal : une obsession pour le sang et les vampires, du poison pour immobiliser les victimes et même une arme pour les saigner. Sans compter cette prétendue drogue qu'il faudra faire analyser au labo. Cela enfoncerait définitivement le clou si l'homme dit vrai sur les effets de la substance, à défaut de l'origine.

Pourtant, son instinct de flic ne lui murmure pas la même chose. Hunter a eu l'occasion de le tuer et ne l'a pas saisie. Il aurait aussi pu égorger sa fille dans le métro, mais il ne s'est pas servi de son Bowie. Il ne l'a même pas dégainé. Pourtant s'il est reconnu coupable, il risque la perpétuité, voire la peine de mort. Voilà une bonne raison de tuer un policier...

— C'est le portrait de la vampire ? demande Hunter

— Quoi ?

— Le portrait-robot.

— Ah.

Jake ramasse l'une des pages volantes qui représente la jeune femme brune. Il a du mal à imaginer que ce soit la tueuse alors qu'ils ont coffré un type aussi dangereux, mais là encore, son sixième sens ne s'accorde pas avec la logique.

Andrea revient à ce moment et monte à la place conducteur. Elle tend à son père un autre sac plastique, qui contient l'arme à feu, ainsi que le manteau du suspect. Il en fait les poches rapidement mais ne trouve rien de notable.

Elle remet le rétroviseur à l'endroit et démarre, laissant à Jake le soin de surveiller Hunter. L'homme, toujours aussi calme, ne dit pas un mot. Le privé range les pièces à conviction dans les poches de son manteau, juste au cas où.

— Alors, demande Andrea, tu penses que c'est lui ?

— Possible.

Ils échangent un regard et il lit également du doute dans les yeux de la jeune femme. Celle-ci a toujours eu de l'instinct, comme son père, et si elle n'est pas persuadée qu'ils ont le bon suspect, il y a fort à parier que ce soit le cas. Ils en sauront probablement plus durant l'interrogatoire, même s'il reste à déterminer sous quel motif ils l'arrêtent : le fait de se faire passer pour un détective, ce qui n'est pas lié à l'enquête, ou au contraire en tant que suspect principal, auquel cas l'interrogatoire sera certainement pris en charge par le FBI.

Le téléphone d'Andrea sonne alors. Elle y répond tout en doublant dangereusement un bus :

— Oui, c'est moi. Oui, exactement. Quoi ?

Elle jette un regard alarmé à son père.

— Okay, continue-t-elle. Dîtes-leur de ne rien faire en attendant qu'on arrive. Elle est potentiellement armée et dangereuse. Okay.

Elle raccroche et enclenche le gyrophare et la sirène.

— Qu'est-ce qui se passe ? lui demande Jake.

— C'est le jour de paie. La fille du portrait-robot a été repérée à l'UCSF Medical Center il y a trois minutes. On va peut-être résoudre cette enquête...

— Des renforts ?

— Non. On préviendra les feds quand on l'aura sous la main.

Le timing a beau être parfait, Jake a comme un mauvais pressentiment...

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