Épisode 1 - 1 Le Witch Hour

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La veille, au Witch Hour.

Taylor est une belle jeune femme, aux cheveux blonds et au look rock. Sûrement une réminiscence de ses années fac, quand elle montait sur les scènes étudiantes avec son groupe de garage. New York avait du bon, au milieu des ennuis. Mais cette époque est révolue: maintenant elle vit à San Francisco, pour le meilleur et pour le pire.

Le bar est animé ce soir. Sur la scène, un groupe joue quelques reprises de grands classiques avec plus ou moins de réussite, ce qui suffit cependant à motiver quelques jeunes clients qui pogottent sur la piste de danse. Deux gamins viennent commander des cocktails à Taylor, mais s'éclipsent quand elle leur demande leurs ID. Quand un bar s'appelle le Witch Hour, les chances d'avoir des clients sous l'âge légal sont loin d'être négligeables.

Barmaid, ce n'est certainement pas le job qu'elle avait en tête il y a quelques mois encore. Abandonner les études n'a pas été facile. Non pas qu'elle s'y donnait autant qu'elle l'aurait dû, mais elle n'était plus la bienvenue à New-York. Couper les ponts, quand une année d'études coûte 50 000 dollars, ce n'est peut-être pas la meilleure des idées. Et puis, il y avait l'autre raison...

Entre deux chansons, Andrea arrive. La latino, brune, est contre toute attente la cousine de Taylor. Et non, ce n'est pas Taylor qui a été adoptée. En tout cas de ce qu'elles en savent, car parfois la question traverse l'esprit de la barmaid. Andrea ne porte pas d'uniforme ce soir, preuve qu'elle n'est pas de service. À la voir en civil, il est difficile d'imaginer qu'elle fait partie des forces de l'ordre. Elle ne possède pas cette aura qu'ont certains flics, ce qui n'est pas un mal de l'avis de Taylor.

Elle vient s'installer au bar, à la même place que d'habitude.

— C'est moi, dit Taylor, où tu bois plus depuis que je travaille ici ?

— Tu dirais au revoir à des verres gratuits, toi ?

— Je vois. Tu ne viens pas ici parce que ta charmante cousine y travaille et prépare les meilleurs cocktails de la Baie, mais uniquement parce que ton adorable cousine ne te fait rien payer.

— Adorable cousine qui vit chez moi depuis deux mois sans avoir quoi que ce soit à payer. D'ailleurs, la prochaine fois que tu finis le beurre de cacahouète, merci d'en racheter.

— Tu te fiches de moi ? C'est probablement ton mec du moment. Celui qui fait du bruit quand...

— Tut tut tut... Les gênés s'en vont. Règle de la maison. De ma maison.

Taylor lui prépare un Voodoo Spell : rhum, liqueur d'abricot, citron vert, sirop de canne et cheveu de nouveau-né. C'est en tout cas comme ça que le présente la carte.

— Et c'est du sérieux entre vous ?

— Je ne sais pas trop. Ça ne fait que deux mois qu'on se fréquente. C'est sympa, bien sûr, mais de là à parler de relation... En gros ne t'inquiète pas, je ne vais emménager avec lui et te virer tout de suite.

—Tu m'en vois rassurée... Ce n'est évidemment pas parce que je m'intéresse à toi que je demande ça.

— Évidemment. Et toi ? Quand est-ce que tu te trouves un gusse chez qui squatter ? Promis, je ne lui dirai rien sur ton hygiène personnelle.

— T'es gonflée dis-donc, lui répond la barmaid. Entre les pizzas et les bières, tu n'es pas bien placée pour te moquer de moi.

— Ah, on n'attaque pas sur la nourriture. Puis, tes salades et tes smoothies, tu es bien la seule qui peut avaler ça. Non, je parlais des cheveux dans la douche, par exemple. Et puis, depuis combien de temps tu n'as pas changé tes draps ?

— C'est un coup bas ça. Mais au moins je ne fais pas de cochonneries dans mon lit.

— Je ne demande qu'à te croire, mais j'ai du mal.

Un client les interrompt en pleine discussion, alors que le groupe part sur un slow. Le garçon, d'une vingtaine d'années (vingt-et-un ans même, d'après son ID) commande quelques shots pour lui et des amis. Lorsqu'il règle, il glisse au milieu des billets un papier avec son numéro de téléphone, avant de gratifier Taylor d'un clin d'œil plein de sous-entendus.

— Mademoiselle à la cote, commente Andrea quand il est parti.

— Pitié...Achevez-moi.

— Il est mignon. Ça manque un peu de muscles, mais il a un joli cul. Il reste à voir si ses autres arguments sont convaincants.

Taylor répond en glissant le numéro dans la main de sa cousine, qui hausse les épaules, déçue. Elle ne ne le jette pas pour autant.

— Bon, peut-être pas celui-là, mais il va te falloir un mec, couz. Je conçois qu'aucun ne reste longtemps une fois qu'il te connait, mais tu as les atouts pour au moins un début de relation.

— C'est un compliment?

— Totalement. Il faut que j'organise une soirée. Cette-fois, je te prendrai en main en mode entremetteuse. Je mettrai un événement sur Facebook: "Fin du célibat pour Taylor Velazquez. Venez nombreux."

— Ah ah. Ton humour est hilarant.

— Merci, je sais. Hélas, c'est fini pour ce soir. Je suis debout depuis l'aube et j'ai juste envie de rentrer.

— Sois prudente sur la route. Si tu as un accident, je suis SDF.

— Ta sollicitude fait chaud au cœur...

Andrea a la délicatesse de laisser un pourboire, malgré leurs arrangements. On peut dire beaucoup de choses sur Andrea : bordélique, colérique, emmerdeuse ou encore irrationnelle et alcoolique, mais on peut compter sur elle dans toutes les circonstances. Appelez-la au milieu de la nuit parce que vous avez une terreur nocturne et elle viendra vous rassurer jusqu'au petit matin. Le réfrigérateur y passera, certes, mais c'est peu payé pour une amitié en béton armé.

Taylor finit son shift quelques heures plus tard et se charge de fermer le bar. Lorsque la jeune femme quitte les lieux, une silhouette se dirige vers elle. Il lui faut un moment pour reconnaître Jake, le père d'Andrea, justement. Celui-ci rentre certainement d'un job sur le terrain, ou peu importe ce que les détectives privés font en vrai.

— Hey Taylor.

— Oncle Jake. Tout va bien ?

— Oui. Oui, tout va bien.

— Bonne soirée alors.

— Taylor ? Juste fais gaffe ce soir. Il y a un maniaque dans les rues qui s'en prend à des gamines. Je sais que t'es une grande fille et que tu sais te défendre, mais sois prudente quand même, ok ?

— Je ferai attention.

— Ok. Ok...

Jake se dirige alors vers ce qui lui sert de bureau.












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