Épisode 4 - 15 L'Impôt de Sang

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La table avait été dressée dans le grand salon du manoir, comme chaque soir depuis que la foule avait tenté de lyncher Edgar et Annabelle. Les têtes du pasteur et du shériff reposaient au-dessus de la cheminée, rappelant à tous ceux qui entraient le destin réservé aux opposants du vampire. Ce dernier avait pris place en bout de table, maître absolu des lieux, tandis qu'Annabelle et Lionel se faisaient face.

Edgar fit tinter une cloche et aussitôt la porte s'ouvrit. Trois personnes entrèrent, un adolescent et deux jeunes femmes. Le trio d'humains avait visiblement consommé de l'alcool, ce qui se voyait dans leurs pas imprécis et leurs yeux rougis. Il s'agissait de l'apéritif, comme le disait si bien le maître vampire, qui préférait consommer l'alcool dans le sang de ses victimes plutôt qu'au verre, une de ses nombreuses lubies cruelles.

Edgar fit signe à une des filles, qui ne devait pas avoir plus de 17 ans, de s'approcher. Elle portait un parfum de peur que Lionel ne pouvait s'empêcher de trouver affriolant, malgré l'horreur de la situation. Le pire n'était en effet pas d'assister à la cruauté sans cesse renouvelée de son Sire, mais qu'au fond il ne pouvait s'empêcher d'y prendre plaisir.

Le vampire saisit le poignet fin, qu'il porta lentement à sa bouche, sans cesser d'observer l'humaine transie d'effroi. Ses crocs jaillirent, similaire à ceux d'un crotale, et il transperça la chair tendre, s'abreuvant du sang alcoolisé.

L'adolescent s'approcha alors de Lionel et lui proposa son propre bras, que le jeune vampire saisit. Il laissa ses propres crocs sortir, puis imita son Sire. Le sang lui emplit immédiatement la bouche, offrant un plaisir comparable à l'acte charnel le plus intense. Il ferma les yeux et dégusta le nectar, incapable de résister à la douceur du sang.

— Lionel !

La voix d'Annabelle le sortit du nirvana et il parvint à reprendre le dessus sur la Soif. Il lâcha le poignet du garçon, qui avait perdu connaissance pendant le baiser.

— Ma fille, s'agaça Edgar, laisse-le donc apprécier son repas.

Il fit néanmoins signe aux deux filles, qui partirent en soutenant la victime de Lionel, toujours vivante. Il adressa un remerciement silencieux à sa sœur de sang, qui toujours veillait sur sa conscience et l'empêcher de tuer. Au début, la douleur de s'arrêter de boire était physique, pire que la plus atroce des tortures. Il la maudissait, quand elle le séparait de sa proie, l'agressant même, prêt à la tuer pour quelques gouttes du liquide de vie.

Mais, la frénésie sanglante passait toujours et, peu à peu, en était devenue plus supportable.

Les jours passèrent.

La ville offrait chaque soir ses offrandes et en échange les vampires tuaient moins, se contentant de ce qui leur était donné. Une fois, Edgar ne s'était pas montré pas satisfait par le choix de Meredith : il rejoignit alors la ville et tua plusieurs familles, pour l'exemple avait-il dit. L'impôt de sang ne l'avait dès lors plus jamais déçu.

Par chance, le vieux vampire n'appréciait guère le jour. L'astre solaire incommodait Lionel également, mais sans l'obliger à passer ses journées enfermé, contrairement à Edgar. Il pouvait donc profiter de ces moments pour vivre et oublier l'espace de quelques instants la présence parasite du monstre et sortir, le plus souvent accompagné d'Annabelle, mais pas toujours.

Un de ces après-midis de solitude, alors que l'hiver se faisait moins dur, Lionel se trouvait au bord du lac, son pistolet à la main, chargé. Il plaça la bouche du canon contre sa paume et tira, pour tester les limites de son nouveau corps.

Le coup de feu déchira sa peau et sa chair, y creusant un trou hideux, noirci par la poudre. Il parvint cependant à garder pour lui un cri de douleur, la souffrance qui aurait dû le rendre fou étonnamment supportable.

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