III

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Je ne sais pas ce que j'ai fait dans la vie pour mériter chacune des merdes qui me tombent sans cesse dessus. En plus de ma vie bien pourrie, maintenant c'est mon père qui m'appelle en urgence. Je ne stresse pas vraiment. Ma mère n'est pas à l'agonie loin de là mais depuis que je suis partie, sans lui dire au revoir qui plus est, elle fait une dépression. Est-ce à cause de mon départ et celui de Timéo ou est-ce dû à son caractère bien trop faible, aux problèmes que ma famille a accumulé durant ces dernières années? Je n'en sais rien mis à part que j'ai promis à mon père de prendre l'avion ce soir. Une partie de moi est ravie de rentrer. Un retour aux sources ne peut me faire que du bien. Mais de l'autre... J'ai la trouille de le voir. Parce que je suis certaine de tomber sur lui, c'est impossible autrement. Et si je le voyais au bras d'une autre? Je ne sais pas comment je réagirais. D'un côté je suis déjà tellement déçue qu'il ne soit pas venu que je ne crois pas pouvoir tomber plus bas.

******

Andrew est déjà derrière son étal, les sourcils froncés. Il compte patiemment les échantillons de Philadelphia qu'il devra faire déguster. J'arrive devant lui en tapant sur son présentoir.

- Oh putain tu m'as foutu la trouille!

Son sursaut me fait rire et je lui claque la bise.

- Désolée. Alors prêt pour cette journée?

Je m'installe à un métre cinquante de lui, derrière mon stand. Qu'est-ce que je fous ici? Je fais déguster des produits aux clients afin de leur vendre le plus possible le produit. Aujourd'hui, c'est le café froid. Tant mieux, je pourrais en boire en traitre. J'adore celui à la noisette.

- Prêt? Jamais. On est samedi ma caille. Je te fais signaler que c'est le jour où on doit tout déchirer.

- Ouai, en plus il fait froid dans les frigos.

Je frissonne alors je tire les manches de mon pull que j'avais retroussées. Andrew est un chic type. Il est marié depuis quinze ans à Laura et on deux enfants ensemble. Il a perdu son job en tant que technicien automobile et maintenant se retrouve comme moi, à faire les petites missions que les interims nous proposent.

- Bonjour, souris-je, est-ce que vous connaissez le café latte ...

- Non merci.

La femme pousse son chariot sans même m'adresser un regard. Les gens pensent automatiquement que nous sommes là pour les emmerder alors que non. On est là pour gagner notre vie, pour nourrir nos enfants, ou les voir dans mon cas.

- Je pars ce soir.

- Hein? Où donc?

- Chez moi, soupiré-je en regardant Andrew. Parait que ma mère ne va vraiment pas bien alors je vais prendre mes congés. Faut que je passe voir mon ex mais... Pffff... J'ai vraiment pas envie.

- Je te comprends, dit-il en appliquant du fromage sur des petits toasts. C'est grave pour ta maman?

- Dépression, marmonné-je. Je pense que ça lui ferait du bien de me revoir.

- La pauvre, ri-t'-il. Tu n'as pas l'air ravie de rentrer chez toi.

Je souris en coin, observant les gens acheter leurs yoghurts. J'aime mes parents, vraiment, j'aime être chez moi. Mais j'ai peur d'y aller. C'est tout. Peur de le revoir, peur de revenir dans cette rue où tant de choses se sont passées. 

******

Mon coeur tambourine dans ma poitrine. J'ai les mains tellement moites qu'elles glissent sur le volant de ma voiture. Je coupe le moteur, regarde la villa devant moi avec toutes ses lampes allumées. Il est vingt-deux heures, le soleil s'est déjà couché depuis quelques heures mais il fait quand même assez clair. Cette villa, c'est chez Sébastien. Ils partent justement en vacances lundi, dans leurs familles d'hyppocrites. Et j'aimerais qu'il soit d'accord pour me laisser Timéo un jour ou deux, histoire que ma mère puisse le voir. La dernière fois que je les ai vus, c'était il y a quinze jours, quand j'ai ramené Timéo ici. Et à chaque fois, c'est la même chose: J'angoisse. Je ne supporte plus de voir Sophie. Elle m'a trahit de la pire des manières et même si je vois qu'elle tente de dialoguer, pour moi c'est niet. Je ne suis pas rancunière mais là oui. Elle a tout fait pour me mettre en confiance, elle a insulté gracieusement Sébastien pour quoi au final? Coucher avec lui, me faire perdre la garde de mon fils. Jamais au grand jamais je ne lui pardonnerais.

Après de longues minutes à tenter de me calmer, je me décide enfin à sortir de ma voiture. Mes jambes tremblent, ma gorge se serre. D'une main hésitante, j'appuie sur la sonnette. Une mélodie très agaçante tant elle est pompeuse retentit dans la villa.

I can't love youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant