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Nicolas

J'ai jamais eu aussi peur de ma vie qu'à cet instant. Les mains fourrées dans mes poches, je ne me sens pas à ma place parmi les parents qui sont venus chercher leurs mômes.

- Vous êtes Nicolas ? Me demande la femme devant la porte. Je hoche silencieusement la tête et m'avance vers elle.

Ses cheveux roux sont attachés en chignon lâche sur le sommet de sa tête ronde et son sourire chaleureux me rappelle ma grand-mère l'espace de quelques secondes. Je sursaute quand elle beugle un « Timéo » sonore à m'en péter les tympans. Un gamin haut comme cinq pommes se ramène, un cartable à roulette Ironman à la main. Je suis d'abord frappé par la ressemblance entre lui et sa mère. Il a tout d'elle. Que ce soit ses boucles brunes, ses yeux noisette ou encore sa moue boudeuse.

- Salut, lui dis-je mal à l'aise.

- Salut. T'es qui toi ?

Le regard des gens se pose sur moi et par respect pour Sarah, je mens.

- Je suis Nicolas, un ami de ta maman.

Le morveux hoche la tête avant de me refourguer sa mallette.

- On va chez toi ou chez moi ?

On marche côte à côte et je souris face à sa question.

- Ca dépend. T'as une console ?

- Non, me répond -t'-il en haussant ses épaules, elle est chez mon papa.

- Okay, on va chez moi alors.

Je mets son cartable sur mon dos même si je me passerais bien de m'afficher avec un truc Ironman. Timéo me parle de sa journée d'école et bizarrement, je me surprends à l'écouter avec attention. Il me raconte ainsi que la dame de la garderie a une tête robot car poli. Je ne sais absolument pas de quoi il parle mais je ris quand même.

Quand j'entre chez moi, il enlève ses pompes. Chose que je ne fais pas moi-même. Je suppose que ça doit être une règle chez lui puisqu'il me regarde comme si j'avais fait une connerie.

- Quoi ?

- Ben ma nany elle veut que j'enlève mes chaussures dans la maison.

- Ben on n'est pas chez toi ici, dis-je en attrapant mon portable logé dans ma poche.

- Et si tu marches dans une crotte de chien ? Tu vas mettre plein de caca dans ta maison.

Je soupire et enlève mes baskets d'un coup de pied pour qu'il cesse de me faire la morale.

- Content ?

- Je m'en fiche si tu as du caca dans ta maison.

Quel morveux. Alors que le gamin part se balader dans la maison, je textote Sarah.

« J'ai ton nain. On est chez moi »

Je suis bref  je sais mais je n'ai pas envie de lui parler pour le moment. Ce midi, je me suis rendu compte que le genre de relation qu'elle me propose ne me conviendra jamais.  Putain si elle pouvait se foutre du regard des gens et du « qu'en dira- t-on », on serait bien. J'aurais dû réfléchir avant d'accepter de rester « secret » parce que j'ai été déçu qu'elle soit gênée d'être avec moi. C'est la première fois que je vivais cette situation et je n'aime pas ça.

- Ouai !!!!

Je vais rejoindre le nain dans le living où il est en admiration devant la console.

- T'as pas des devoirs à faire avant ?

Il secoue la tête par la négative alors j'ouvre le tiroir sous la télévision et lui fais un signe de tête.

- Tu veux jouer à quoi ?

Il fouille les jeux, je lui dis non par deux fois quand il me propose des jeux violents. Je n'ai pas envie que sa mère me tombe dessus. Il s'arrête finalement sur Rayman alors je lui tends une manette et j'allume la console.

En pleine partie, le nain commence à me causer.

- C'est trop cool chez toi !

- Parce que j'ai une console tu trouves que c'est cool ? Tu ne sais pas ce que je cache comme monstres dans ma cave.

Il écarquille les yeux tellement fort que ses sourcils vont bientôt toucher ses cheveux.

- Je plaisante, ris-je. Ca n'existe pas les monstres.

- Je pourrais encore venir jouer avec toi ?

- Ouai, si tu arrêtes de parler deux secondes.

Nous continuons à jouer ensemble, ne lâchant pas l'écran des yeux.

- T'es amoureux de ma maman ?

Je fais pause, lâche la manette sur mes genoux et observe ce môme.
- T'as encore beaucoup de questions débiles?
Il acquiesce et je soupire profondément. Je ne sais pas ce que je dois lui dire en fait mais l'espoir que je crois voir dans ses yeux me fait de la peine. Je ne peux décidemment pas me résigner à mentir à un gamin.

- Ouai, je suis amoureux de ta maman. Mais c'est un secret le nain. Si jamais tu lui dis...

Il fait une grimace tellement rigolote que je me marre.

- Bref, tu ne lui dis pas que je l'aime.

- Promis !

Je tends mon poing et souris quand il tape le sien dessus.

Ensuite, j'ai commandé deux pizzas. Le nain n'a pas tout mangé mais je l'ai pas forcé par peur qu'il soit malade. Il a fini par s'endormir dans le canapé et je l'ai recouvert d'un plaid.

Je suis soulagé de voir que ça s'est bien passé malgré mon manque d'expérience avec les mômes. Je soupire en m'installant dans le canapé libre.

Vingt heures, elle ne devrait pas tarder à rentrer. Dois-je lui dire que je ne veux plus de relation secrète ? Dois-je lui dire que je me sens comme une merde quand elle fuit mon regard devant les autres ou encore que mon cœur se brise quand je la vois hésitante sur notre relation ? Je ne sais pas, j'ai juste besoin d'une bonne nuit de sommeil et ensuite je déciderais ce que je dois faire. La seule chose dont je suis certain, c'est que je ne pourrais pas vivre cela éternellement.

Les trois petits coups tapés à la porte d'entrée me tirent de mes pensées. Je me lève du fauteuil et vais ouvrir à Sarah. Elle s'engouffre à l'intérieur, grelotant à cause de la pluie qui s'est mise à choir depuis le début de la soirée. Je ne la regarde même pas, vais dans la cuisine dans laquelle elle me suit.

- Ca s'est bien passé ? demande-t'-elle doucement.

- Parfait. Il pionce.

- Il t'a bien écouté ?

Je roule des yeux en me servant un verre d'eau au robinet.

- Ton nain est bien élevé, te tracasse pas.

Je me retourne vers elle, la devine mal à l'aise à cause de mon ton froid et mon air détaché.

- Okay... Merci. Heureusement que tu étais là.

- Ouai, de rien Sarah.

-Je peux...

-S'il te plait ne dis rien. Pas aujourd'hui.
Elle hoche doucement la tête et je me force à ne pas faire attention à son air triste.

J'avale le contenu de mon verre et la regarde soulever son fils dans le canapé. Je les suis dehors, l'aide à poser son fils dans son siège auto et mets le cartable dans son coffre. Avant qu'elle n'ajoute quoique ce soit, je lui rends sa clé, je rentre chez moi et referme la porte.

J'agis peut-être comme un crétin mais je veux qu'elle se réveille. Si elle ressent le moindre petit truc pour moi, elle agira. Sinon, je passerais à autre chose.

I can't love youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant