VIII

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Quand vous pensez avoir déjà tout entendu, tout vu, tout vécu, vous êtes persuadés que plus rien ne pourra vous étonner, vous bluffer ou encore vous blesser. C'est ce que je pensais, j'en étais même sûre certaine. Quand j'étais en France je savais qu'une partie de ma souffrance venait du fait que je n'ai pas de réponse à mes questions. Maintenant j'en ai. En partie en seulement. Est-ce que je souffre moins? Non. Est-ce que c'est pire? Clairement? Oui. 


J'ai été garce en lui mentant. Je l'avoue. Mais c'est de sa faute. Il le mérite. Surtout maintenant que je sais qu'il n'a pas que baiser cette fille, mais bien des dizaines d'autres. Je suis écoeurée, vraiment. Quand je lui ai demandé de développer pour sa mère, il m'a envoyé sur les roses. Donc il me lâche une bombe et je dois me démerder avec. Ensuite, il est parti, claquant la porte de la chambre. Je ne sais plus où j'en suis, ni comment réagir avec lui. J'ai besoin de temps, besoin de réfléchir. Loin de lui encore. Quand il est dans les parages, mes idées se brouillent. Le voir me rappelle ce que nous avions partagé, ce que j'ai perdu. Je suis partie en France, espérant pouvoir voir les choses changer rapidement. Je pensais avoir mon fils un week-end sur deux comme quand on était ici. Sauf que non, rien n'a changé. Les jours où je ne travaille pas, je me planque derrière les grillages de la cours de récréation, dans les buissons épineux et observe mon enfant jouer au foot avec ses amis. Ce n'est pas normal et je ne sais pas si un jour cela changera. Sébastien gagne toujours, tout ce qu'il entreprend lui sourit à merveille. Contrairement à moi qui me plante partout, tout le temps.
Je suis partie, rien n'a changé, j'ai tout perdu. J'ai perdu le seul mec qui me faisait vibrer, le seul que j'ai jamais autant aimé.
Le revoir a déjà été un choc mais le pire, c'est de voir comme il est devenu. Mon Nicolas s'est évaporé pour laisser la place à un que je ne voudrais pas connaitre. Mais je me sens coupable de ne pas l'aider. Allez savoir pourquoi. 

C'est comme ça que je me retrouve dans le garage en face du motel, à attendre que Dean ait fini de bouloter.

- Vous êtes certaine de ne pas vouloir un café?

Je souris au gérant qui me demande cela pour la quinzième fois au moins.

- Non merci, c'est gentil.

Il hausse ses épaules et retourne à l'arrière de la boutique où le bruit des boulonneuses résonnent. L'horloge sur le mur m'apprend que ça fait déjà trois quarts d'heure que je suis sur cette chaise miteuse. Mais je m'en fiche. Il faut absolument que ce mec me raconte ce qu'il s'est passé.
Quand il arrive, je dois me retenir de rire. Je ne sais pas s'il se rend compte qu'il ressemble à Mario Bross avec sa combi bleue et sa casquette rouge. Manque plus que la moustache.

- Hey, ça va?

Il me claque la bise avant de se diriger derrière moi, où il lave ses mains noircies par la graisse des moteurs.

- Je suis là pour que tu me parles de Nicolas.

Je vois ses épaules se tendre, son dos se vouter.

- Sarah... Sérieux?

Je hoche doucement la tête parce que bien sûr que je suis très sérieuse. Je dois en savoir un minimum pour l'aider.

Quand il comprend que je ne suis pas là pour rien, il me propose en se séchant les mains:

- On va manger un morceau? J'ai une heure de pause.

- Ça marche.

******

Dean prend une énorme bouchée de son burger tandis que je chipote avec ma salade. Je suis nerveuse par toutes les révélations qui m'attendent. Je cogite tellement que j'ai l'impression de perdre mes tartines.

I can't love youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant