Chapitre 6

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J'ai perdu toute notion du temps. Les larmes coulent à flot sur mes joues et ma vue est brouillée. J'aurais pu avoir marché pendant une heure comme j'aurais pu avoir marché quelques minutes. Mais, dans tous les cas, je suis perdue, et je n'ai aucun téléphone pour contacter qui que ce soit. De toute façon, je n'aurais eu personne à contacter. Je n'ai le numéro ni de tante Jane, ni de Trevor, ni des jumeaux. Je peux peut-être appeler Maman ? La voix de son répondeur pourrait peut-être me réconforter ou alors, peut-être qu'après ces quelques semaines, ils ont déjà réattribué son numéro. A cette pensée, je m'effondre sur le trottoir, ne prêtant aucune attention au couple qui marche sur celui d'en face ou au bruit que font les enfants dans la piscine de la maison d'à côté.

« - Ca va, bébé ? »

Je lève les yeux et vois le garçon qui était appuyé au chambranle de la porte de la fête d'hier. Je m'essuie les yeux avant de répondre :

« - Oui... et toi, Dylan, c'est ça ?

- Tu te souviens de moi ? s'étonne-t-il.

- Je me souviens de tout le monde.

- D'accord, d'accord. Mais, tu es sûre d'aller bien ?

- Parfaitement.

- Parfait, alors. Ce samedi soir, c'est moi, qui organise la fête. Tu viens, chérie ?

Ai-je l'air d'aller bien ? Est-il aveugle ? Sa manie à m'appeler « bébé » et « chérie » commence aussi à me taper sur les nerfs. On ne se connaît même pas ! Il reprend :

« - En plus, hier soir, tu t'es bien amusée, non ?

- Oui, si on veut. »

J'étais plutôt bourrée. Il me tend la main pour me relever, et je me laisse faire.

« - Au fait comment tu t'appelles ?

- Cameron.

- Enchanté Cameron. Je ne t'ai jamais vu dans le coin, t'habites ici ?

- Je viens d'emménager avec mes cousins, que tu connais apparemment.

- Tu es la cousine de James et Tyler ? Oh la vache ! J'ai cru que tu étais une nouvelle proie de Ty ! Sinon, oui, je les connais, on est dans la même classe à Santa Monica High. Tu y vas toi aussi ?

- Oui, je crois bien. En seconde.

- Si ça se trouve, on sera peut-être dans la même classe, bébé Cammy ! »

Il me bouscule en me lançant un clin d'œil. Je lève les yeux aux ciels. Un petit verre ou deux me changera les idées alors je me laisse entraîner jusqu'à sa maison. Sur le chemin, il sort une cigarette. Voyant que je le regarde, il m'en propose une. Maman m'a toujours défendu la cigarette. Personne ne fumait chez nous, par peur de choper un cancer, par peur de mourir. Aujourd'hui, je n'ai plus personne pour me défendre quoi que ce soit. Aujourd'hui, je n'ai plus peur de mourir. Je veux mourir. J'acquiesce et il m'en tend une qu'il allume. J'en prends une bouffée et étrangement, ça me détend. J'ai qu'une envie, c'est de tousser, mais je me retiens et je fais comme si de rien n'était.

On arrive devant sa maison. Elle n'est pas aussi que grosse que celle de la dernière fête, mais tout aussi élégante.

« - Mes parents sont pétés de thunes, lance-t-il. Ils sont même pas là, la moitié du temps. Même pas la moitié du temps, ils sont là peut-être deux fois dans l'année. A noël et le nouvel an. Ils ne sont pas toujours la pour mon anniversaire. En voyage d'affaire, tu vois, alors je me permets d'organiser quelques soirées de temps en temps... dit-il l'air innocent.

- Oui, je vois très bien, je réplique un sourire en coin.

- Aller viens, on a une soirée à préparer ! lance-t-il. »

Je jette ma cigarette sur sa pelouse parfaitement tondue. Je ne connais même pas ce garçon, il pourrait être dangereux. Ma voix de la raison qui résonne dans mon cerveau est contredite par une voix bien plus forte, celle de l'impulsion. Je sens que, finalement, je vais bien m'amuser à Los Angeles, dîtes la « ville des anges ». Je dirais plutôt la ville des démons...

CameronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant