Cameron

Chapitre 16

La souffrance physique me fait oublier tout ce que j'ai perdu. Le sang se répand sur mon jean. Quand quelqu'un frappe à la porte je sursaute.

« - Cameron ? Nos parents sont partis se coucher, tu es prête ? chuchote Tyler à travers la porte.

- Euh, non. Encore cinq minutes, dis-je en me raclant la gorge.

- Ok ? On t'attend en bas. »

Je regarde autour de moi : des fleurs sont étalées dans de l'eau et des morceaux de verre et du sang s'y mélange. Je me relève avec peine et m'enferme dans la salle de bain. Je fouille dans la trousse de secours en renversant plusieurs flacons au passage, et je trouve enfin des bandages. Je m'en entoure avec et retire mon jean. J'ouvre l'eau de la douche et fais en sorte que l'eau ne s'échappe pas en bouchant l'orifice. Le sang qui était sur le jean se répand dans l'eau. J'enfile un débardeur noir et flatteur pour ma poitrine et un jean. Je mets une paire de basket blanche et noue un pull autour de ma taille, au cas où le bandage ne suffirait pas. Je me maquille légèrement les yeux et ajoute un rouge à lèvres foncé. Je me baisse pour prendre mon téléphone et grimace car les coupures sur mon ventre me font mal. Je ne pense plus à rien sauf à ma douleur en fermant la porte de ma chambre et en descendant les escaliers sans bruit. Toutes les lumières sont éteintes dans la maison et les lampadaires à l'extérieur forment des ombres sur les murs blancs. Comme prévu les garçons m'attendent dehors dans la voiture qui a été garée un peu plus loin plus tôt pour ce soir. Il ne faudrait pas réveiller les adultes dormants dans la maison. En entrant dans la voiture, James se racle la gorge :

« - Cameron ? Tout à l'heure, on a entendu un truc tomber ou quelque chose comme ça, c'était dans ta chambre ?

- Euh, oui. Oui, j'ai fait tomber le vase de lys. J'ai deux mains gauches mais ne vous inquiétez pas, j'ai ramassé.

- Ah, d'accord. On ira en racheter un ensemble, enfin, si tu veux, propose James. »

Je hoche la tête. Nous entrons dans la voiture et les jumeaux remplissent l'habitacle de leurs rires. Je n'ai pas envie de participer, seule la douleur emplie ma tête chaque fois que je bouge. C'est bien ce que j'ai voulu et je ne regrette pas. Nous arrivons enfin devant la maison de Dylan. On ne peut même pas se garer : les trottoirs sont bondés de monde et de voitures. Il m'avait promis un petit truc mais il n'a pas du tout fait les choses à moitié. Des gens que je reconnais vaguement du lycée, sont déjà plus qu'éméchés et fument je-ne-sais-quoi sur la pergola. D'autres se retournent sur mon passage, murmurent mon nom ou viennent me voir pour me dire bonjour. Je rentre dans la maison et trouve Dylan entouré de pleins de monde au milieu de la piste de danse. Des filles essayent de se rapprocher de lui en jouant des coudes dans la foule. Lui ne dit pas non. Je vois une fille assez jolie et provocante qui danse autour de lui et finit même par l'embrasser dans le cou puis sur la bouche. Il se laisse faire et semble même apprécier le moment. Je le regarde tout simplement, immobile au milieu de personnes hystériques et bourrées qui dansent sur la nouvelle chanson de je-ne-sais-quel-artiste. Enfin, il détourne la tête des fesses de la fille qui s'est remise à danser autour de lui et me voit. Je me crée une façade : je sors mon visage de je-m-en-contrefiche, et pars. J'aurais peut-être dû écouter les jumeaux. Même pas deux jours et il se trouve déjà une nouvelle fille. Évidemment. Quelle conne. Je suis vraiment une imbécile. J'ai cru qu'il ne le ferait pas. J'y ai cru pendant un court instant. C'est pas le fait qu'il embrasse une autre fille qui me blesse le plus, je ne me suis pas déjà attachée à lui. C'est juste ce sentiment d'abandon qui fait mal. Ce sentiment d'abandon qui se répète et, il me semble, qu'il ne s'effacera jamais.