Chapitre 15

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Le temps que je reprenne contenance, le diner est prêt. Je descends alors que tout le monde est à table et mange. James leur a dit que je me lavais et qu'il n'avait pas besoin de m'attendre. Je me suis donc changée pour rendre le mensonge crédible. Je porte une un sweat à capuche rouge et un jean Levis taille haute. Quand je m'assois à table, Oncle Trevor et Tante June ne remarquent absolument les rougeurs sous mes yeux ou celle sous mon cou ni mes mains tremblantes. J'en suis plutôt rassurée car je n'aimerai pas m'épancher sur le fait que je ne vais pas très bien. C'est un euphémisme parce que je le vis très, très mal. Le seul à me regarder est Tyler, avec un sourcil arqué, comme pour poser une question non prononcée. Je secoue la tête pour lui faire signe que tout va bien.

Pendant toute la durée du repas, les parents des jumeaux discutent entre eux et ne font pas attention à nous. En face de moi, les jumeaux dégustent les pâtes à la bolognaise tranquillement. Mon regard dévie vers la pendule derrière eux. Vingt-et-une heure trente-cinq. La fête. Je jette un coup de pied à l'un des deux et c'est Tyler qui lève la tête avec un regard interrogateur. J'articule en silence le mot « fête ». Quelques secondes après il comprend et se penche vers James pour lui murmurer quelque chose.

« - Maman ? lance Tyler.

- Oui, chérie ? répond l'intéressée.

- Nous n'avons plus faim, on peut vous laisser ?

- Bien sûr les enfants, aller vous couchez, demain il y a école. Cameron, peux-tu rester quelques instants avant de monter ? »

Je hoche la tête en fronçant les sourcils. Le lycée a dû probablement l'appeler pour lui faire part de mes jours de congés, comme j'aime les appeler. Les jumeaux montent en silence pour aller se préparer pour la fête. Ce sont des garçons, mais sont de vraies filles en ce qui concerne la préparation. Ils prennent même plus de temps que moi.

« - Cameron. Le lycée nous a appelés pour...

- Je sais, je sais. Ils me donnent deux jours pour finir m-mon deuil. »

Il me faudra encore du temps pour arrêter de trébucher sur ces mots. Tante June fronce les sourcils et Trevor me dévisage avec compréhension.

« - Cammy, je sais que c'est dur. Mais tu ne peux pas continuer comme ça. Être insolente avec tes professeurs n'est pas un moyen pour faire ton deuil justement. J'espère que ces deux jours te permettront de réfléchir à tout cela. Ça va bientôt faire un mois que ta famille est morte, tu devrais commencer à tourner la page, non ? »

Chaque phrase prononcée faisait augmenter son ton et enfler ma colère ainsi que les larmes qui perlent au coin de mes yeux.

« - June ? Crois-tu que c'est le bon moyen pour... ? dit son mari.

- Trevor, murmure-t-elle. Cammy, monte et réfléchis bien à la personne que tu es, en ce moment, et à celle que tu veux devenir. Après avoir choisi, demande-toi si c'est bien ce que tu veux être.»

Je lui décoche le plus noir de mes regards et commence à monter les escaliers. Je m'arrête soudainement et me retourne :

« - Ne m'appelle plus Cammy, je lance les dents serrées. »

Je monte les escaliers rapidement et traverse le couloir à pas lourd. Les jumeaux m'attendent à l'entrée de ma chambre et me demande ce qu'il se passe.

« - Je sais que vous avez écouté, alors évitez de nous faire perdre du temps et préparez-vous. »

Ils acquiescent sans rien dire et retournent dans leur chambre. Je rentre ma chambre et claque la porte. Je passe les mains dans mes cheveux et les tirent jusqu'à en souffrir atrocement. Je retiens un cri et mon regard se pose sur un vase contenant des lys blancs. Je déteste les lys. Ma main balaye le vase qui tombe et se brise en mille morceaux comme mon cœur. Je fais tomber la chaise de mon bureau et la frappe à coups de pieds. Je m'effondre au sol parmi les morceaux de vase. Je prends le plus tranchant et jauge sa pointe avec mon index. Je soulève mon pull et regarde mon ventre pâle. De ma main tremblante je coupe ma peau qui laisse transparaître mes veines. Le sang coule. Rouge sur blanc. Ça fait mal. Putain de mal. Mais ça, ça fera toujours moins mal que la douleur qui me ronge de l'intérieur.

CameronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant