Cela fait quatre heures que je suis enfermée dans ma chambre. Je croyais que Tante June me laisserait avec juste la porte close. Mais non. Elle a fermé la porte à clé et la garde dans un endroit sûr, apparemment. La première chose que j'ai faite en entrant était de voir si je trouvais mon chargeur de téléphone, mais il reste introuvable. Je ne peux même pas contacter les jumeaux pour me sortir de là, et à moins que, je veuille me briser les os, je ne peux pas sortir par la fenêtre. Je suis donc vraiment enfermée.
Pendant des heures, je n'ai pas arrêté de penser à ma mère. De quoi parlait-elle ? C'est peut-être faux ? Oui. C'est faux. Elle m'a menti pour pouvoir me manipuler. Ce qui a réussi, en effet. Je la hais. Je la hais. Je la hais.
Pour m'empêcher de me poser des questions auxquelles je n'aurais pas de réponse pour le moment, je joue du piano. Cela ne faisait que quatre jours que je n'avais pas joué de piano mais j'avais presque oublié la sensation des touches sous mes doigts, les frissons que ça me donnait, l'émotion que j'attribuais à chaque morceau. La Sonate pour piano No.14 en Do Mineur de Beethoven résonne en boucle depuis quelques heures. J'ai mal aux doigts et ça devient difficile pour mes yeux de suivre parce que mes partitions sont écrites en tout petit, mais je continue. Je continue jusqu'à ce que j'atteigne la perfection. Je continue jusqu'à ce que toutes les notes soient absolument parfaites. Comme si atteindre la perfection dans ce morceau pourrait me rendre ma vie parfaite. Mais rien ne le peut. Une fois la nuit tombée, je m'arrête. Les étoiles brillent dans la nuit noire et je me demande si ma famille y est, comme la superstition le dit. J'ai tellement souffert. Je souffre tellement. Chaque mouvement est tellement pénible sans eux. Je sens mes larmes dévaler mes joues. Je les laisse couler et tomber sur le piano. Soudain, on toque à la porte.
« - Pars.
- J'avais ton repas et étais prête à te laisser une liberté conditionnelle mais apparemment tu n'as absolument pas compris la leçon. Tu ne mérites aucun repas pour ce soir. Tu jeûneras. Peut-être que demain matin, tu auras compris comment être docile ? répond June. »
Je ricane. Elle se croit au XIXe siècle, ou quoi ? Je me sens pitoyable à pleurer et à ricaner en même temps sur mon sort. Si pitoyable que je me force à continuer de jouer malgré mon corps endolori. Je reprends Op.28 : 4 en Mi mineur des 24 préludes de Chopin. Au bout de la quarante-deuxième fois, je me lève et tombe de fatigue sur mon lit, dans un sommeil sans rêve.
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Cameron
Teen FictionCameron quitte Hawaï à cause de la mort de sa famille et rejoint sa tante à Los Angeles. Elle plonge dans la drogue et l'alcool jusqu'à ce qu'elle rencontre Noah...