Chapitre 24

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Mes mains tremblent toujours quand je m'assois sur un muret pas très loin du lycée. Je ne peux pas sécher les cours. J'ai trop peur de ma tante. N'est-ce pas minable ? Si, évidemment. Pour éviter de voir mes mains qui ne font que bouger sans ma permission, je les range dans mes poches. Le paquet de cigarettes. Le briquet. Je souffle de bonheur. Le destin décide d'être, enfin, clément avec moi. Je m'allume une cigarette. Puis deux. Je rumine de rage envers moi-même. Je suis forte. Je suis forte. Mais quand je répète cette phrase en boucle dans ma tête, mes yeux commencent à s'embuer. Peut-être parce que ma mère avait pour habitude de me dire que si je répétais assez de fois et que j'y croyais vraiment, ce que je disais que mon souhait se réaliserait. Je. Suis. Forte. Je m'essuie rapidement les yeux et décide de me lever. La tête haute.

Nous étions arrivés en avance avec les jumeaux, je ne serai donc pas en retard. Je commence à me diriger vers le bâtiment. James avait raison quand il disait que les gens me toiseraient dans les couloirs. Absolument tout le monde me regarde mais j'essaye de ne pas baisser la tête, en mitraillant du regard les gens un peu trop insistant. J'arrive dans ma classe de physique en même temps que la sonnerie.

« - Tu es Cameron Miller ?

- Oui. »

Je sens le regard de Dylan sur moi. Celui de Noah. Celui de mes cousins. Et celui de tous les autres.

« - Assieds-toi à côté de euh... James.

- C'est Tyler, monsieur. »

Tout le monde ricane et pendant un instant, ils m'oublient. Tant mieux. Je m'assois en silence et le reste pendant tout le cours. Même quand Tyler me demande où j'étais, je lui réponds en demandant de m'expliquer à quoi il faisait référence la veille, alors il me jette un regard dédaigneux qui clôt la conversation. Dès que la cloche résonne, je sors de la classe le plus vite possible et m'enfuie dans les couloirs les moins bondés, même si je dois faire un détour pour arriver jusqu'à ma salle. Malheureusement, Dylan réussit à me coincer dans un recoin –où, justement, il n'y avait personne qui passait.

« - Cameron... lâche-t-il dans un souffle.

- Lâche-moi.

- Mais explique-moi ! supplie Dylan en me retenant.

- T'expliquer quoi ?

- Ton changement de comportement !

- Il n'y a rien à expliquer.

- Tu as embrassé Noah devant mes yeux, alors que tu m'embrassais trois heures avant. Tu ne peux pas expliquer ça ?

- Non !

- Pourquoi ? Bon sang, s'il te plaît ! Explique-moi, Cameron !

- Tu veux que je t'explique, c'est ça ? je finis par hurler. Ma famille est morte ! Ils sont morts. Tous. Ma mère. Mon père. Mon frère. Ravale ta pitié et ton air désolé. Maintenant, ose ouvrir ta bouche, pour le dire aux autres. Ose ouvrir ta bouche pour me montrer ta pitié, et je te brise la mâchoire. »

Il me regarde. Déboussolé. Il essaye d'ouvrir la bouche. Il relâche sa prise et je m'en vais. J'arrive peu après la sonnerie à mon prochain cours mais le professeur ne me questionne pas. Je pars m'assoir au fond de la classe, seule.

Le professeur parle mais je ne peux pas l'écouter. Des voix résonnent dans ma tête. Des voix qui ne pourront plus résonner dans l'air. Qui ne peuvent que résonner dans ma tête, malheureusement. Je suis tirée de ma bulle par la sonnerie et, comme pour le premier cours, je sors précipitamment. En sortant dans la cours, je cherche des yeux un coin tranquille où personne de viendra me déranger. Je trouve, après quelques secondes de recherche, un petit muret caché derrière des feuillages. Je m'y assois, m'allume une cigarette et sors mes écouteurs et prends un livre qui était dans mon sac. Au bout d'une chanson, quelqu'un attrape un de mes écouteurs. Je fronce les sourcils et je lève la tête. Quand je vois qui se présente devant moi, je lance :

« - Remets cet écouteur là où il était, imbécile.

- Cameron... souffle Dylan. Est-ce-que l'on peut parler ? S'il te plaît.

- Non.

- Je ne savais pas Cameron... Je suis désolé. J-je ne sais pas quoi dire.

- Justement, alors ne dit rien, dis-je en haussant les épaules. N'oublie pas de la fermer, Dylan. »

Je rassemble mes affaires et pars. Malheureusement, le karma est toujours contre moi car en partant je croise Noah.

« - Je n'ai pas la tête à discuter, Noah. Un autre jour. »

Ou jamais. Je fonce vers le bâtiment et la cloche sonne. J'en ai déjà par-dessus la tête de cette sonnerie. Le reste des cours se passe de la même façon que les autres : je suis silencieuse, je ne fais rien et Dylan et Noah continuent de me regarder.

L'heure du repas arrive et je ne sais pas vraiment où m'assoir. Je trouve une table au fond de la cafétéria, où j'espère que, cette fois, personne ne viendra me déranger. Je finis mon repas et au moment où je range mes affaires, Noah vient dans ma direction.

« - Je t'ai dit, Noah, je n'ai pas la tête à parler...

- Cameron, je sais que tu... tu as des problèmes et... je peux t'aider.

- Noah.

- Je ne sais pas ce que c'est, mais, tu pourrais peut-être m'en parler, et...

- Noah, je le coupe brusquement. Je n'ai pas besoin de ta putain d'aide. Ni celle de personne. »

CameronOù les histoires vivent. Découvrez maintenant