5 : Un règlement particulier

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« Moi non plus, je n'ai pas oublié votre anniversaire. » C'était le mot que venait de trouver Jane devant sa porte en rentrant chez lui. A côté était posé un paquet cadeau bleu et vert et lorsqu'il s'en saisit un sourire aux lèvres, le poids du paquet le surprit.

- Hou là !

Il devina que ce devait être un livre mais étant donné le poids, il ne voyait pas ce que ça pouvait être à part un dictionnaire. Personne ne lui avait souhaité son anniversaire de toute la journée. Non pas que ses amis s'en moquaient mais ils ne connaissaient pas la date à laquelle il était né. Et Jane s'était bien gardé de le leur dire, trop content de passer inaperçu. Et de toute façon, depuis la mort de sa femme et de sa fille, il ne voulait en aucun cas fêter une année supplémentaire sans elles. Et malgré le fait que Lisbon connaisse la date exacte de la naissance du consultant, elle avait été assez intelligente et diplomate pour n'en parler à personne. Cependant, elle avait voulu lui montrer qu'elle ne l'avait pas oublié.

Trop curieux pour patienter plus longtemps, Jane ne perdit pas de temps à se faire un thé. Il ouvrit immédiatement le paquet sur lequel était écrit « Joyeux anniversaire » et ne pu retenir une exclamation de surprise devant le pavé posé sur ses genoux, portant le titre : « Règlement du CBI ». Il se mit à rire devant l'audace de Lisbon, tout en se disant que décidemment, il avait du dépasser les bornes un grand nombre de fois pour qu'elle en vienne à lui offrir un règlement pour son anniversaire.

- Lisbon, Lisbon, Lisbon..., murmura-t-il, amusé et heureux à la fois.

Il l'ouvrit à la première page et parcourut le mot que Lisbon avait écrit.

« D'après moi, il n'est parfois pas assez complet ou pas assez clair, pardonnez mes ratures. Votre supérieure, l'agent Lisbon. »

Il ne comprit pas ce que ça signifiait et décida de lire le début, juste pour voir. Il ne fut pas déçu car dès la page suivante, il vit que Lisbon avait griffonné quelque chose en haut de la page.

« ainsi que Monsieur Patrick Jane »

Il remarque qu'elle avait fait un V en dessous pour inclure ces quelques mots dans une phrase. Il lut la phrase.

« ... et tout membre du CBI est tenu de n'exprimer aucun jugement hâtif devant un suspect ou un témoin. »

Le V se trouvait entre « CBI » et « est tenu ».

Il se mit à rire et tourna rapidement toutes les pages du règlement, constatant que sa supérieure avait rajouté des mots partout, au milieu des pages, parfois sur le côté, parfois de travers. Et parfois en grosses lettres majuscules. Il revint au début du livre et commença à lire.

« Un subordonné doit le respect à tous ses supérieurs hiérarchiques.»

Dans la marge, Lisbon avait rajouté : « Même si le subordonné a raison et que son supérieur a tort. Il est donc interdit au subordonné de critiquer ou de taquiner son supérieur de quelque façon que ce soit ! » Elle avait entouré « taquiner » et cela le fit sourire. Il n'en revenait pas du cadeau qu'il avait dans les mains. C'était un livre remplit de mots de Lisbon le concernant. Bon, d'accord, c'était pour lui interdire des tas de choses mais quitte à la décevoir, il prendrait tout au second degré et dérogerait au règlement autant qu'avant, si ce n'est plus. Mais elle s'en doutait forcément. Il poursuivit sa lecture.

« De même, un subordonné doit tenir au courant son supérieur hiérarchique direct de toutes ses actions, quelque soit la situation. »

Juste en dessous, Lisbon avait noté : « Surtout lorsque l'action en question est illégale, dangereuse ou peut mettre en péril le poste et la réputation du supérieur en question ». Le mot « réputation » était souligné quatre fois. Un peu plus loin :

« Un membre du CBI ne doit en aucun cas mêler sa vie privée à sa vie professionnelle. »

« Exemple » avait rajouté Lisbon, « Un consultant ne doit pas questionner son supérieur sur sa vie privée. Quel que soit le niveau de sa curiosité. » Jane ne s'arrêtait pas de sourire devant les remarques de Lisbon, toutes plus affectueuses les unes que les autres. Parce que malgré les reproches, il savait que derrière chaque mot se cachait un de ses sourires. Il poursuivit.

« Aucune violence, insulte ou vengeance envers un témoin, un suspect ou un criminel ne sera tolérée au sein des bureaux du CBI ni en dehors, sous peine d'amandes, d'emprisonnement et/ou d'exclusion définitive du CBI.» Lisbon avait souligné « vengeance », « criminel » et « emprisonnement » sans ajouter de commentaires. Jane déglutit en sachant que ce n'était pas un sourire qui était caché derrière ces mots mais deux yeux couleur émeraude emplis de tristesse. Il passa rapidement à la page suivante.

« Un supérieur hiérarchique endossera les erreurs de ses subordonnés lors d'un compte-rendu auprès de son propre supérieur. » Lisbon avait fait une flèche et avait écrit de travers dans la marge : « Ainsi, l'agent Teresa Lisbon est autorisée à maltraiter son consultant si elle estime que cela est nécessaire. Un fouet lui serra fournit gratuitement. » Jane éclata de rire. Où était-elle allée chercher tout ça ? Il tombait sous le charme de son humour qu'il ne connaissait pas autant qu'il l'imaginait.

Il entama la partie « sécurité et bureaux ».

« En cas d'incendie ou d'inondation, tout membre du CBI est prié de suivre les instructions affichés dans chaque bureau afin de veiller à la sécurité de tous. » Lisbon avait dessiné un astérisque et en bas de la page, d'une jolie écriture, elle avait ajouté :

« Il doit être évident pour tout subordonné que son supérieur passe avant tout. Sauver votre supérieur, c'est sauver votre peau. » Jane rit de plus belle. Il n'arrivait plus à se défaire de son sourire. Il tourna quelques pages vierges de notes manuscrites et s'arrêta à la prochaine note.

« Un bureau du CBI appartient à un seul membre du CBI. Les pièces communes telles que les cuisines, pièces de repos, toilettes, etc. sont au service de tous. »

Lisbon avait ajouté « Il est rappelé, pour le bien de tous, que le canapé marron est réservé à Monsieur Patrick Jane. » Elle lui accordait au moins cela, c'était gentil de sa part.

Il poursuivit sa lecture jusque tard le soir. Lisbon avait passé un temps fou à écrire toutes ces bêtises mais il prenait un tel plaisir à les lire que ça en valait la peine. Finalement, un thé à la main et allongé bien confortablement sur son matelas, il arriva à la dernière page, qui clôturait la partie « travail ».

« Un employé du CBI doit prévenir un mois à l'avance de son départ s'il tient à démissionner. ». Lisbon avait rayé toute la fin de la phrase à partir de « doit » et l'avait remplacé par « ne doit pas démissionner s'il aime bien son supérieur hiérarchique. En effet, pour un supérieur, la démission d'un subordonné estimé et apprécié peut conduire à une grande tristesse, entraînant inévitablement une baisse de motivation. Ainsi, il est évident qu'aucune dérogation ne sera acceptée. » Jane sentit sa gorge se serrer. La phrase le touchait peut-être un peu trop mais ses émotions se mélangeaient. Entre la hantise de savoir comment se terminerait l'affaire John Le Rouge et la joie de sentir à quel point Lisbon l'appréciait, il se sentait sur une corde raide. Il n'avait pas changé d'avis, il tuerait John Le Rouge. Mais Lisbon faisait dangereusement pencher la balance. Et il ne savait pas s'il aimait cela ou pas.

Lisbon rangeait son pot de glace lorsque son téléphone portable vibra sur sa table en bois. Elle avait attendu ce moment depuis un certain temps, croisant les doigts pour que ce soit un message de Jane. Elle referma vivement le congélateur et courut jusqu'à son téléphone. « 1 message ». Elle l'ouvrit.

« Je ne vous dirai pas à quel point j'ai été touché, Lisbon, parce que ce serait trop me dévoiler. Je vous souhaite une excellente nuit, Jane. »

Lisbon sourit à la lecture du message parce qu'elle ne pouvait faire autrement. Elle s'était amusée à faire ce cadeau et elle savait qu'il allait plaire à Jane mais quelque part, elle avait appréhendé sa réaction. Elle avait hésité à le lui offrir parce qu'elle avait eut le sentiment de se dévoiler dans ses mots. Pourtant, tout ça ne concernait que le règlement et Jane. Pas elle. D'un autre côté, elle était le trait d'union entre Jane et le règlement. Et d'une certaine façon, elle aimait et respectait les deux, l'un autant que l'autre, même si elle devait en temps qu'agent, choisir le règlement. Mais Jane faisait dangereusement pencher la balance. Et elle ne savait pas si elle aimait cela ou pas.

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