33: « Non »

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- Non, ça dépend des femmes, tu ne peux pas toutes les séduire de la même manière, expliquait Jane à Rigsby pour la énième fois.

Les deux hommes étaient installés à la table de la cuisine, buvant du thé pour l'un et un chocolat pour l'autre.

- Parce que toi, dès que tu rencontres une femme, tu devines tout de suite comment il faut s'y prendre avec elle ? S'informa Rigsby.

- Pas tout de suite tout de suite. Mais... assez rapidement, oui.

- T'as bien de la chance.

Jane haussa les épaules en souriant. Les gens disaient parfois des choses anodines qu'il avait tendance à analyser en profondeur. D'après Rigsby, il avait « bien de la chance »... Oh, il savait parfaitement qu'il n'y avait aucun arrière pensé derrière ses paroles et de toute façon, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.

- Les compliments, ça c'est un truc qui marche tout le temps, déclara Rigsby après avoir réfléchit.

- Détrompe-toi !

-ooo-ooo-ooo-

Lisbon sortit de l'ascenseur et se dirigea vers son bureau en passant devant la cuisine.

- Regarde, Lisbon par exemple...

C'était la voix de Jane. Elle freina et recula de quelques pas pour écouter la conversation qui avait lieu entre Rigsby et le consultant.

- Quoi, Lisbon ? demanda Rigsby.

- Eh bien, ce n'est pas une femme que tu peux séduire avec des compliments. Elle en a rien à faire de toutes les qualités que tu peux lui trouver.

Lisbon sourit en entendant Jane parler ainsi. Il parlait rarement de femmes et elle le trouvait attendrissant quand il s'aventurait sur le sujet.

- Et dans ce cas, t'as une méthode ?

- Pour Lisbon, j'en aurais une. Mais après, c'est du cas par cas, la méthode pour séduire Lisbon ne sera pas la même pour toutes les femmes qui n'aiment pas les compliments. Tout dépend du caractère de la personne.

- Tu es sérieux ? S'étonna Rigsby. Je veux dire, tu peux séduire Lisbon là, maintenant, comme ça ? C'est quoi la méthode ?

Lisbon fronça les sourcils. Mais pourquoi tout à coup son cas paraissait plus intéressant que les autres ?

- Je t'explique si tu ne t'en sers pas.

- Non mais... tu me vois moi, avec Lisbon ? Ça tourne pas rond là-haut.

Jane se mit à rire devant la remarque de Rigsby.

- C'est vrai. Bon, je t'explique. Lisbon est une femme avec un caractère bien trempé donc elle ne se fera pas avoir par des paroles. Si un homme veut la séduire, il faut qu'il agisse. Et d'après moi, le mieux serait de l'énerver.

- De l'énerver ?

- Non, pire que ça, même, dit Jane d'un ton sérieux. De la pousser à bout. Il faut l'énerver au point qu'elle te hurle dessus, que la tension soit au maximum.

- Ça m'a l'air un peu foireux ton plan, vieux..., sourit Rigsby.

Cachée près de la porte de la cuisine, Lisbon sentait son cœur s'agiter. Elle regretta d'avoir été aussi curieuse et d'être restée à écouter aux portes. Et surtout, elle avait le sentiment que ce que Jane disait n'était que la pure vérité.

- Non, ce serait très efficace. Ensuite, une fois qu'elle est bien remontée, tu t'approches et tu l'embrasses. Mais attention ! Il ne faut pas lui laisser une chance de s'échapper, sinon, elle te filerait entre les doigts comme l'eau d'un ruisseau.

Lisbon sentit des frissons dans son dos et sa nuque. Elle s'efforçait de ne pas imaginer la scène mais elle devait bien avouer que la méthode de Jane était plutôt juste, voir totalement exacte

Rigsby acquiesça d'un air pensif.

- Dis donc, t'as l'air callé sur le sujet Lisbon, toi, dit-il en riant et en se levant.

Jane haussa les épaules en souriant puis ses yeux furent attirés par une silhouette qui se trouvait dans l'entrée de la cuisine. Il ne l'avait pas remarquée avant, et il ne savait pas depuis combien de temps elle était là à les écouter. Il plongea ses yeux dans les siens et se fit la remarque que si elle avait eu des fusils à la place des yeux, il ne serait plus qu'une pauvre passoire... Qu'avait-elle entendu ?

- Je... j'y vais, marmonna Rigsby avant de sortir de la cuisine tête baissée.

Lisbon consentit afin à baisser les yeux et elle entra dans la cuisine pour se faire un café. Elle ne savait pas pourquoi elle était énervée à ce point. Oh, bien sûr, il y avait le fait qu'il savait tout sur elle, le fait qu'il ai raconté cela à quelqu'un, le fait qu'elle l'ai entendu et le fait qu'elle s'en veuille d'avoir était trop curieuse. Et surtout, le fait qu'il sache comment la séduire parce que désormais, elle se sentait comme une tortue avec une carapace transparente. Jane était resté debout sans rien dire, lui tournant le dos. Il était hésitant sur la conduite à tenir et ce n'était pas du tout bon signe.

- Vous avez entendu quoi ?

Lisbon avala une gorgée de café.

- Tout.

- Je n'aurais peut-être pas du dire tout ça...

- Vous n'auriez pas du, non.

- D'un autre côté, il n'y avait rien de méchant, dit alors Jane en se retournant pour regarder la jeune femme.

- Non. Mais c'était irrespectueux. Vous n'avez pas le droit de dire des trucs personnels comme ça.

- Ce n'était pas vraiment personnel puisque c'était inventé.

Lisbon posa brutalement sa tasse sur le plan de travail, faisant gicler du café sur sa main.

- Aïe !

Elle se dirigea vers l'évier et glissa sa main sous l'eau froide.

- Ça va ? S'inquiéta Jane en s'approchant d'elle.

La jeune femme tourna son visage vers lui et il ressentit la même chose qu'il avait ressentit lorsqu'il l'avait découverte à l'entrée de la cuisine. Ses yeux reflétaient de la colère et de l'indignation.

- Si ça peut vous rassurer, dit Jane, Rigsby ne m'a pas cru du tout.

- Je m'en fou ! Vous n'aviez pas le droit de dire ça, point final !

La jeune femme arrêta le robinet et s'essuya la main.

- Vous êtes très énervée.

- Oui !

Jane esquissa un sourire.

- Si j'étais vraiment irrespectueux...

- Ne dites rien ! Le coupa Lisbon.

Ils se fixèrent sans rien ajouter, d'un regard étrange et intense, accentuant la tension déjà présente dans la pièce. Il n'y avait rien à dire, tout à ressentir. Leurs souffles irréguliers, les battements trop forts de leurs cœurs, la soudaine bouffée de chaleur qui les emballait, la brillance de leurs yeux. Rien à dire. Jane attendait quelque chose mais il ne savait pas quoi Puis il baissa furtivement ses yeux en direction des lèvres de Lisbon avant de plonger de nouveau son regard dans le sien, et ce fut ce geste qui décida de la suite. Il aperçut le « non » presque invisible que la jeune femme forma sur ses lèvres et il ressentit un pic de déception dans son ventre. Il recula, lentement, sans la quitter des yeux. Il atteignit la porte, s'arrêta, la contempla pendant encore quelques secondes, puis il se retourna et sortit de la cuisine.

La jeune femme resta abasourdie quelques minutes. Elle ne savait pas où elle avait puisé la force de dire ce « non » qui les avait probablement sauvés d'une énorme erreur, mais tout ce qui importait, c'était qu'elle en avait été capable. Elle jeta son café dans l'évier et ferma les yeux en se remémorant la minute intense qu'elle venait de vivre. Ce qu'elle avait ressentit pendant cet instant était plus agréable que tout ce qu'elle avait vécu avec Jane depuis qu'elle le connaissait. Et bien que cela la contrarie fortement, elle se doutait qu'un jour ou l'autre, elle ne déciderait pas de la tournure des évènements comme elle venait de le faire. Grand bien lui en fasse...

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