Chapitre 44 :

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-Aller, cours, cours, cours ! Crie Cameron, loin devant moi.

-Stop, je fais une pause ! Hurlé-je à mon tour.

Quelle idée de lui avoir parlé de la course comme mon moyen de reprendre de la forme après ma première période d'anorexie-boulimie ?

-Encore quelques mètres, on est bientôt à la maison, où t'attends un bon petit plat.

-Aller Cam, j'ai passé la barre des quarante ce matin, tu peux pas dire que ça n'est pas un progrès énorme !

-Quarante kilos ? En une semaine ? Arrêtes, tu peux faire bien plus, si tu m'écoutes et suis mon super programme !

-Depuis quand t'es diététicien ?

Il rit et continue sa course, pendant que je le suis, malgré la peine que j'y mets. On arrive heureusement vite à la maison, où m'attend une bonne salade de pâtes, tomates, mozzarella et basilic.

-Enlèves en un peu, m'en mets pas autant que toi non plus !

-J'en mettrais encore plus si j'étais pas si indulgent !

Je pouffe en pensant au fait qu'il est très loin de l'être, mais m'assieds tout de même sur une des chaises hautes en commençant à manger la salade.

-Et Nate ? T'arrives à jouer la comédie ?

-Apparemment oui, même si au fond chaque fois qu'il me touche me donne envie de gerber et de le gifler, mais je me rappelle que je fais ça pour la bonne cause.

Il me regarde avec des yeux énormes puis s'assieds à côté de moi. Ça fait une semaine qu'il a promis de m'aider et pour l'instant, ça marche. Seule chose, c'est que cette tension est toujours plus que présente, même si on essaie plus que tout de l'oublier, de la nier. Parce que si cette tension est là, elle nous rappelle aussi qu'on a rien, mais alors rien à faire ensemble.

Pour palier à ça, on se tient à distance. On se parle, on rigole, mais on fait en sorte qu'il y ait toujours cet espace de sécurité entre nous, d'être perpétuellement loin de l'autre, de se comporter comme des frères et sœurs. C'est bien triste, mais c'est la façon la plus simple qu'on a trouvé de fonctionner.

-Pourquoi tu me regardes comme ça ? Demande Cameron.

Je lève les yeux vers les siens et me rends compte qu'ils étaient auparavant fixés sur sa bouche.

-Je... je regardais dans le vide.

-Je sais que c'est pas facile de reprendre du poids, mais c'est le chemin vers la guérison.

-Comment tu sais tout ça sur l'anorexie ?

Il me regarde dans les yeux, puis fuit vers son assiette.

-Et toi ? Depuis quand t'as arrêté de te nourrir ?

-Deux ans bientôt, je te l'ai déjà dit il me semble.

-Oui, mais pas comment tu les as découvert...

Je n'aurais pas dû être si honnête finalement. Cette façon de m'assaillir de questions me met mal à l'aise.

-Non... j'ai commencé il y a moins de deux ans une dépression. Je n'avais pas faim, envie d'absolument rien.

Je suis étonnée par mon honnêteté envers moi-même, surtout que je n'ai jamais dit à haute voix tout ce qu'il s'est passé dans ma tête à ce moment complexe de ma vie. Je reprends, fuyant en regardant mon assiette, pour réciter ce texte par cœur, en n'en pensant pas un mot, comme pour m'éviter de fondre en larmes, oubliant volontairement une grosse partie, bien trop personnelle pour être racontée ainsi.

American DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant