Chapitre 18 :

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Je comprends tout, tout sans exception, et les images qui viennent à mon cerveau me dégoûtent au plus haut point. Je les sens revenir en moi et pousse brusquement Cameron pour qu'il me lâche.

Ce flash me procure un énorme haut-le-cœur et je dois courir un peu plus loin dans l'eau pour m'en défaire.

-Ca va ? Je pensais pas que j'étais si désagréable que ça.. rit-il en s'approchant.

Je viens de comprendre tout ce qu'il s'est passé et pourquoi je me retrouve avec la peur dans les yeux à chaque fois qu'on me touche la moindre partie de mon corps. Je déteste ma vie. Je déteste Cameron et ce putain d'Alexandre.

Quand je me surprends à penser à lui, j'ai à nouveau un haut-le-cœur, mon estomac se tourne et se retourne, sans que je puisse y faire quelque chose.

Je ne sais pas si j'avais oublié à cause de l'alcool ou de la mémoire sélective, mais je suis à la fois sûre que je n'aurais jamais, jamais pu oublier ça seulement sous l'effet de quelques verres, et je n'aurais sûrement pas attendu vingt mois avant de percevoir des nouvelles images de cette soirées.

Les images de cette soirée.

Sans même regarder Cameron, je souffle :

-Ramène moi chez moi, tout de suite.

-J'ai trop bu. Vraiment. Mais je peux trouver quelqu'un pour...

-Je m'en occupe. Le coupé-je.

Je sors de l'eau, et aperçois avec soulagement que les gens ne nous épient plus. Je ne rends pas son t-shirt à Cameron, ni celui de Nate d'ailleurs, et courre dans la maison chercher Blair qui n'a pas bu de la soirée, au plus vite et en ignorant cette fois totalement les bruits autour de moi.

J'ai besoin de partir, de me défaire de ces sentiments, car repenser à Alexandre me donne juste l'envie de vomir, et plus que tout, une grande forme de rage. Une colère noire, indescriptible et indénombrable, se mêlant parfaitement à la honte que je ressens cet instant précis.

Je marche à toute vitesse jusqu'au canapé avec ce même mélange d'émotions faisant dérober mes jambes sous mon poids et me donnant l'envie de disparaître. Je tire sur les bords du t-shirt pour le redescendre en dessous du genoux.

J'ai honte.

Pas seulement pour ma petite scène avec Cameron, mais à cause de cette fameuse soirée. Je savais bien qu'il fallait oublier l'idée de retourner à de nouvelles après ce qu'il s'était passé. Seulement ils avaient réussi à m'influencer pour que j'aille à celle d'aujourd'hui, et j'avais accepté oubliant ma promesse. Et ça m'a à nouveau brisé une partie de moi.

Ça a brisé la plus grosse partie de moi.

En arrivant derrière le canapé où Blair est assise, je me penche pour lui demander si elle veut bien me ramener, et suis étonnée de sa réponse.

-Tu pars déjà ? Pourquoi ? Ça va ? Il s'est passé quoi ? Tu veux pas rester encore une heure ? Me submerge-t'elle de questions à la suite, sans réfléchir.

-Ça va très bien ! Lui mens-je.

-Ok, tu peux attendre 10 min la fin de la partie ?

Je lui fait signe que non et elle comprends dans mon regard que c'est réellement urgent. Elle salue tout le monde, disant qu'elle revient rapidement. En me voyant dire au revoir, Nate semble s'étonner. Je lui fais signe que je lui expliquerais demain, un mensonge encore une fois.

Je prends ma robe sur le bord du canapé et embarque dans la voiture de Blair.

Retiens toi, retiens toi, retiens toi. J'ai envie de pleurer à chaudes larmes et un noeud s'était formé dans ma gorge, prêt à remonter à tout moment. Quand Blair entre à son tours dans la voiture en me demandant ce qu'il s'est passé pour que je veuille partir brusquement et aussi tôt, le noeud est au bord de l'explosion.

Je me pince l'intérieur de la joue espérant que cela m'aide à enlever la tristesse tout le long du trajet, et en profite pour remettre en marche le fameux masque que j'avais l'habitude de porter en France. Celui de la fille heureuse et sans problème. Je lui souris et acquiesce, sentant enfin le noeud se dissiper, bien que la colère, elle, est toujours là. Blair se tait et me ramène. Heureusement, la route étant courte, le trajet est plus que rapide.

-Appelle moi si tu as besoin, me propose-t'elle, inquiète.

Je la remercie, ça ne fait que quelques jours qu'on se connaît et elle se soucie de moi comme peu de gens l'ont fait tout au long de ma vie, alors sa proposition me réchauffe légèrement le cœur.

J'entre alors à la maison et n'ai qu'une hâte ; exploser. Me liberer et me laisser aller à mes sentiments, perdre le contrôle comme je ne m'autorise jamais.

J'ai faim, alors j'avance jusqu'au frigo, prête à manger n'importe quelle chose me passant sous la dent. Je l'ouvre et mon regard penche vers les fruits, puis sur le gâteau à la crème qu'avait acheté Ella tout à l'heure, espérant qu'on le mange ensemble le soir même.

Non, pas le moment.

Alors je prends une pomme qui traîne, avant de m'assoir sur une chaise haute autour de l'îlot.

Je croque dedans et mâchai lentement. Elle est bonne, parfaite, son le jus coule délicieusement dans mon gosier, il est doux. Ce n'est qu'après que la saveur amère arrive. Et à mon plus grand malheur, il ne se limite pas du goût de ma pomme.

Ça commence, ça recommence.

Le drame reprend, comme il s'était produit déjà tant de fois.

J'ai un besoin.

Un besoin insatiable.

Je finis ma pomme en quelques secondes et pose le trognon à côté de moi. J'ai envie de l'arrêter, mais mon corps m'emmène vers le frigo que j'ouvre. J'en ressors le gâteau et le pose devant moi, prends une cuillère et m'assieds. Je regarde le gâteau, espérant que, miraculeusement, j'arrêterais et rangerais ça. Mais ça ne se produit pas.

Comme à chaque fois.

Je commence par prendre une grosse cuillerée remplie de crème et l'enfile dans ma bouche. Je pioche à nouveau dans le gâteau en enchaînant, sans même attendre que ma bouche soit finie, et cette fois-ci en plus grosse quantité, mais il m'en faut plus. Cette cuillère à soupe ne suffit pas à nourrir mon besoin.

Je prends une grande louchée de crème à la main et l'enfourne directement jusqu'à ce qu'elle caresse mes papilles, et sans attendre de l'avaler, je remplis à nouveau cette dernière. Je continue, de plus en plus vite, jusqu'à avoir de la crème partout, mais je m'en fiche. Je n'arrive plus à m'arrêter et je continue de m'enfiler de la crème. Je prends maintenant des bouts de gâteaux de mes doigts pâteux que je mords en voulant manger ce qu'il y a dessus. Je ne peux pas m'arrêter et quand j'ai fini le gâteau entier, je me précipite au frigo en arrachant presque sa porte, essoufflée puisque je n'ai pas pris ma respiration en plusieurs minutes, trop occupée à m'empiffrer.

Je prends cette fois celui qu'Ella avait acheté pour le brunch, et n'attends pas d'être sur l'îlot pour me précipiter sur sa crème, que je lèche de tout son long. Je croque ensuite le gâteau à pleine bouche et n'ai pas besoin de plus de temps que le premier pour le finir.

Les larmes se mêlent à toute la bouffe que j'avale au fur et à mesure, et je ne peux plus les arrêter, tout comme mon désire de terminer ce gâteau.

Ce drame, sans même que je connaisse son existence, m'avait brisé, et maintenant que je revoie en boucle les images et le sons tourner dans ma tête, je suis brisée une deuxième fois.

American DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant