Chapitre 20 :

217 14 1
                                    

J'ai passé le pire week end que j'aurais pu. Après ma crise de boulimie le vendredi soir, je me suis endormie sur le canapé sans même m'en rendre compte, et tout le reste du week-end qui a suivi a été désastreux. J'étais enfermée dans ma chambre, à ne vouloir voir personne, prétextant une grippe pour m'excuser. J'ignorais les appels de Blair, Nate et Andrew qui défilaient et me suis aussi décidée à éviter toute la famille mis à part Ella, que je n'ai pas eu le choix de croiser. Sur le moment ça m'avait réellement embêté, mais avec du recul je ne suis pas sûr de ce que j'aurais fait si j'avais été toute seule tout ce temps.

Ça maintenant plus de vingt mois que je maltraite mon corps, sans cesse, le laissant crever sous les yeux.

Depuis cette fameuse soirée.

Heureusement pour moi, depuis plus de cinq mois, les crises avaient totalement arrêtés, et même si tout autour de moi s'effondrait depuis ça, j'étais enfin heureuse d'avoir repris le contrôle de moi, mon corps, et je considérais enfin comme quelque chose d'autre qu'un petit animal vulnérable et n'étant pas maître de ses pulsions.

Mais apparement ces cinq mois sont aujourd'hui révolus, finis et plus que finis.

Je n'a quasiment rien mangé du week-end et on est maintenant à la cantine, où j'ausculte la purée que j'ai pris sur ma fourchette sans pouvoir y toucher. Les purées du lycée m'ont toujours dégoûtés, mais là il ne s'agit plus que d'une question de goût ou de texture. Je ne vois pas la purée quand je regarde ma fourchette pleine, je vois des bourrelets, des poignées d'amour et des kilos sur la balance.

Les autres ont été super avec moi depuis le début de la journée, carrément compréhensifs, mais je n'en peux plus. Je ne mérite pas leur attention, je ne mérite pas d'être ici, aux USA, je ne mérite peut-être même pas de vivre.

Je n'ai pas dû lâcher plus de quatre ou cinq mots de la journée, pour répondre par oui ou par non à des questions qu'on m'a posé, puisque à l'intérieur je n'ai plus rien. Je suis vide, sans émotions ni sentiments.

La mémoire sélective est parfaite et peut nous faire oublier des mois entiers sans s'en rendre compte, si notre cerveau sait que ces informations risquent de nous faire un choc émotionnel trop grand. Il peut alors se débrouiller pour nous les faire oublier, exactement comme les dénis de grossesse.

Seulement elle a décidé ce week-end de faire remonter ces souvenirs destructeurs de mon inconscient pour les ancrer, bien comme il le faut, dans ma mémoire.

J'ai toujours su que j'avais oublié quelque chose à cette soirée. C'est logique en même temps, en vue des répercussions. Le truc, c'est que je pensais que les dégâts avaient été causés par un acte tout autre. Sa légèreté n'excelle pas, entendons nous là dessus, mais c'est quand même très différent. Je pensais donc que cet acte avait été oublié seulement à cause de l'alcool, ce qui aurait été probable pour un événement que je pensais peu important.

En tout cas, si mon cerveau, où en tout cas la partie consciente ne se rappelait pas de ce qu'il s'était passé en réalité, mon corps, lui, si. Il s'évertuait depuis vingt mois maintenant à me faire comprendre que je me trompais et n'a réussi que vendredi. Et le puzzle s'est assemblé. Je comprends à ce moment seulement mes actes, ceux des autres, et toute la déferlante de choses qui s'est abattue sur moi sans raison aucune. Enfin, c'est ce que je croyais jusqu'à la soirée de Matthew.

Et aujourd'hui je sais.

Tout.

Toutes ces images qui hantaient mon cerveau et l'habitaient sont revenues d'un coup, sans crier garde.

Une larme coule sur mon visage. C'est pas une larme de peine, juste le vide qui règne. Et je m'empresse de l'arrêter. Aujourd'hui, et pour la première fois depuis que je suis là, je n'ai pas réussi à enfiler mon masque, et sans lui je me sens démunie.

American DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant