Chapitre 10 :

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Je n'ai aucune idée de la façon dont je serais rentrée si Nate n'avait pas proposé ses services.

Après avoir dégobillé mon déjeuné en maths, je m'étais précipitée aux toilettes pour reprendre mes esprits. J'étais ensuite rentrée en cours et avais prétexté des problèmes de vue pour m'approcher au niveau de la place vide au premier rang, et ainsi me retrouver au plus loin possible d'Alison, mais, à vrai dire, sa présence dans la même pièce a passé la fin de l'heure à me dégoûter ; je comprends Cameron maintenant.

Après ce sympathique épisode, je suis partie en cours d'audiovisuel qui sera sans aucun doute le meilleur cours que j'aurais tout au long de cette année. Le prof est top, vraiment drôle et sympas, et avait vraiment l'air convaincu parce qu'il disait.

C'est d'ailleurs une autre différence entre la France et les États-Unis au niveau cours : les profs ont envie d'être là. Je me suis toujours demandée comment une personne n'aimant pas les enfants, n'ayant pas de patience et n'étant pas pédagogue d'un poil pouvait se retrouver en salle de classe à faire cours à une quarantaine d'élèves.

Le prof nous a expliqué ensuite son fonctionnement : des travaux de groupes où l'on doit faire un court métrage de A à Z, allant du scénario au montage, et ce sur un sujet précis, une durée déterminée. Ça peut être le thème d'une interview ou d'un reportage de meurtre, ou encore un court métrage humoristique. On a ensuite passé le cours à se familiariser avec le matériel, lire les fiches méthodes que le prof garde disponible... bref, ce cours a sûrement été la seule bonne nouvelle de ma journée, ma super intégration remise en cause par cette histoire au déjeuné.

-Tu penses à quoi ? Me demande Nate, me faisant sortir de mes pensées.

Il me regarde et me pose une main sur ma cuisse. Je frissonne. Mon corps entier veut lui demander de l'enlever, mais je décide finalement de ne rien dire. Ce mouvement ne me dérange pas, je l'ai d'ailleurs toujours trouvé mignon, et, venant de sa part, je trouve ça encore mieux, mais je ne sais pas pourquoi mon corps, lui, réagit différemment. Il rejette ce mouvement, depuis cette fameuse soirée. Et je n'arrive pas à comprendre pourquoi.

Je souris et ne bronche pas, incapable de dire un mot. Heureusement, voyant ma gêne, Nate retire sa main et la remet sur son volant.

-Rien... enfin...

-Mauvaise journée ? En conclut Nate, grand sourire.

-Oui, je crois presque qu'il serait mieux de parler de fiasco, ris-je .

Au bout de quelques minutes de trajet, la voiture s'arrête et il me sourit. Je lui plante un bisou sur la joue et m'apprête à le remercier en sortant de sa voiture lorsqu'il ouvre la bouche pour me poser la fatidique question :

-Ça te dirait d'aller prendre un verre avec moi cette semaine ?

Je retiens ma respiration. Je ferme la porte que j'avais précédemment ouverte et repose mes deux fesses sur le siège en cuir chaud. Je le regarde, souriante, sans savoir quoi dire.

Je l'aime bien, mais à vrai dire, je déteste les rencards, je ne suis pas à l'aise avec cette idée - notamment à cause de ma légendaire anxiété - et ne suis même pas sûre de vouloir plus avec lui. Le truc, c'est que je me suis promise de foncer cette année, et je me rends compte que je passe mon temps à penser depuis mon arrivée.

-Mercredi ?

Je vois un grand sourire de former sur ses lèvres. Il est craquant bordel. Je sors de la voiture sans même savoir si j'ai pris la bonne décision, me disant que je verrais bien vite dans tous les cas.

Je rentre à la maison, ignorant quasiment Ella qui me demande poliment comment était ma journée tellement je suis crevée, énervée, et sans aucune envie de converser. Je déteste être esclave de mes humeurs au point que celle-ci en viennent à déteindre et devenir toxiques pour mon travail et mon entourage, et cette situation me rend encore plus énervée que je ne l'étais.

Je m'écrase sur mon lit en arrivant dans ma chambre et sans même attendre et je m'endors, enfonçant mes écouteurs propageant la douce voix de Damso dans Mosaïque Solitaire dans mes oreilles. Enfin, j'essaye, puisqu'au bout de quelques secondes je sens mon téléphone vibrer.

Léa.

-Hey beauté, me dit-elle.

Nos expressions aussi ringardes que ce mot m'avaient manqué.

Réellement.

C'est d'ailleurs pour ça qu'on a décidé d'instaurer un appel hebdomadaire à passer impérativement le lundi : pour être sûres qu'on ne perdra pas contact et cette magnifique amitié par la même occasion.

-Salut mec, comment tu vas ?

-Tout va bien... et toi ? Ta première journée ?

-Oh... euh... beaucoup trop de choses à dire, commence d'abord.

Elle me raconte alors comment sa journée s'est passée, et à quoi ressemble son lycée. Elle a aussi bien réussi à s'intégrer, notamment parce que tout son lycée est fasciné par le fait qu'elle soit étudiante d'échange et surtout française. On vient d'ailleurs à la même conclusion à ce propos : les américains ont une vision extrêmement déformée de la France et de Paris.

Elle me demande ensuite de tout raconter et je déballe tout. Sur Cameron, sur Alison, sur Alexie... je lui glisse aussi ce qu'il s'est passé avec Nate et elle me félicite. Elle reprend ainsi ses histoires avec son frère d'échange qui lui a présenté des gars lors de la soirée, et qu'elle a cru qu'elle allait craquer, mais elle ne l'a pas fait, et j'avoue que je commence à décrocher. Son histoire à l'air intéressante mais je suis trop préoccupée, surtout avec ce qu'il s'est passé avec Nate, comment mon corps a réagi.

Cette soirée date de plus d'un an et demi et les images sont toujours là, elle ne bougent plus, et je me prends à me demander si elles comptent disparaître un jour pour me laisser vivre ma vie tranquillement ou si elles pensent que me hanter indéfiniment est une bonne occupation. Je me demande aussi pourquoi mon corps a cette réaction au touché, alors que ce qui s'est passé ce soir là n'a pas un si grand rapport... enfin si, mais pas au point de me laisser ces séquelles énormes.

Mon esprit divague après sur Alison.

-Tu penses qu'Alison a parlé de ce qu'elle a vu sur mon dossier ?

Je me rends alors compte que je viens de totalement couper Léa, mais elle ne bronche pas.

-Ça m'étonnerait, elle a juste besoin de te faire craquer, et plus longtemps elle garde ce secret plus elle aura d'occasions de te faire des coups de pression. Si tu craques avant, elle ne dira jamais rien... en tout cas si elle est un minimum intelligente.

Ceci étant éclairci, un de mes problèmes est réglé, ce qui fait déjà pas mal, et notre appel peut donc se terminer. Il faut maintenant régler les autres, histoire de ranger un peu ma vie. J'envoie donc un message à Blair pour m'excuser de mon débordement de midi, puis lui demande ce que Alison a dit sur moi.

J'ai le temps de prendre une douche et de finir de valider ma valise avant que mon amie daigne répondre. Elle dit que ce n'est pas de ma faute, et qu'Alison n'a même pas terminé sa phrase : son but n'est pas de révéler mes secrets mais de me faire craquer, comme ce que Léa m'a suggéré. Je lui ai d'ailleurs demandé pourquoi elle est amie avec une fille comme Alison, moment qu'elle choisit pour bifurquer sur un autre sujet. Au final, elle demande ce qu'il peut y avoir d'aussi gros pour que je m'énerve à ça point, et je lui explique poliment qu'il est hors de question que je lui en parle, à qui que ce soit d'ailleurs.

L'ambiance au dîner est tendue ce soir là. Je n'ai plus d'énergie pour faire la conversation, même à Ella et Cassie qui ont été adorables toute la journée avec moi. Quant à Cameron et Alison, inutile de dire que je ne leur aie même pas adressé un petit regard.

Je me couche ce soir entre l'inquiétude de revoir le jour et l'impatience de retrouver les personnes que j'ai eu l'occasion de rencontrer au cours de cette journée, espérant que celle de demain soit meilleure.

American DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant