chapitre 17

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Je ne sais pas quelle heure il peut être, nous sommes toujours sur son canapé, les pieds sur la table basse. Nos épaules se frôlent, ainsi que nos cuisses, lorsque l'un de nous deux bouge. Nous avons bu trois bières, délaissant le café, Colin a les yeux dans le vague et, par moment quand nous ne parlons pas il fredonne. Je commence à m'habituer à ses silences, Colin communique de plein de manières différentes, mais au final ses silences en disent long.

"- T'sais pourquoi... les conneries de Doris me touche autant et me foutent de mauvaises humeur?" Il me lance soudain.

Je lève les yeux vers lui, stupéfaite et secoue la tête sans ouvrir la bouche, il ne me regarde pas, concentré sur un point invisible, sur le mur d'en face. Je n'ai pas l'intention de le couper s'il tient à me confier quelque chose, il prend une grande inspiration et poursuit d'une voix monocorde:

"- Ma mère était une junkie, j'ai passé plus de temps à aller la chercher dans des endroit glauques et dégueulasse qu'à aller à l'école." Il me dit.

Mon cœur se serre pour le petit garçon que je devine, j'ai très envie de le prendre dans mes bras enfin encore plus que d'habitude. Je suis suspendu à son récit, Colin s'ouvre enfin.

"- C'était pas la mère de l'année, j'ai vu à la maison des défilés de mecs qui la traitaient comme un pute, ce qu'elle était surement d'ailleurs pour se payer ses doses. Plusieurs fois, je lui ai demandé de se faire aider mais elle s'en fichait, elle n'écoutait plus personne depuis longtemps."

J'effleure doucement son bras, mais il ne semble pas s'en rendre compte.

"- Mon père n'a jamais rien fait pour elle, il ne cherchait pas à ma sortir de cet enfer. J'étais qu'un gamin, je ne pouvais pas grands choses pour l'aider, à part la chercher partout quand elle partait trop longtemps."

Il pousse un soupir, tourne légèrement la tête pour saisir mon regard, fronce les sourcils puis fixe à nouveau le mur.

"- Avec le recul et l'âge, j'ai fini par en déduire qu'elle était bipolaire. Tu sais elle enchaînait les moments où elle ne décollait pas de son cul du lit, elle pouvait y rester trois d'affilé et d'autres, tu ne pouvais plus l'arrêter. Soit elle nettoyait toute la maison de fond en comble, soit le défilé de sales types commençait dès que mon père avait le dos tourné." Il continu.

Je pose ma main sur la sienne et entremêlent mes doigts au sien, il sursaute puis son regard tombe sur moi, il ne fait pas mine de vouloir les retirer, je suis contente j'avais peur qu'il le repousse et se referme à nouveau. Je ne voudrais pas briser cette fragile intimité qui se crée entre nous, je veux tellement en savoir plus sur lui.

"- Bref un jour elle s'est tirée, elle est tombé amoureuse d'un rockeur raté et s'est barrée en Europe avec lui. Elle voulait vivre la grande vie, un truc que ni mon père ni moi ne pouvions lui donné. Mon père... disons qu'il était déjà imbuvable, avant qu'elle s'en aille, et que ça s'est pas arrangé ensuite."

Il croise mon regard comme pour me faire comprendre le poids des mots qu'il s'apprête à dire.

"- C'était un putain de salopard, Apres le départ de ma mère il... m'a puni, en quelque sorte. Il passait ses nerfs sur moi dès qu'un truc n'allait pas dans son sens, il n'a jamais pu me pardonner..." Il me dit.

Je sers ses doigts un peu plus mais il ne réagit pas perdu dans ses souvenirs.

"- Tout partais en vrille, j'étais un mec paumé et plein d'agressivité. Je savais même plus contre qui tourner ma colère, c'est à ce moment-là que j'ai rencontré Doris. On était au collège et on était aussi perdu l'un que l'autre, à cause de nos dégénérés de parents, ça nous a rapprochés. A l'époque, on n'était pas brillant, on fumait et buvait trop et on a commencé à fréquenter les mauvaises personnes, ça a mal tourné"

Colin et JadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant