Une histoire impossible

Chapitre I

10h01. J'avais l'impression que le temps reculait. Lorsque j'avais regardé l'horloge 5 minutes auparavant, il était 10h. Étrange ... Ce qui l'était encore plus, c'était mon téléphone qui semblait grossir un peu plus de minutes en minutes. Putain de vie ! Dire que j'avais tapé 5 ans d'études et des années dans un lycée de banlieue pour aujourd'hui me retrouver sans poste à une semaine de la rentrée scolaire. Les maths c'est l'avenir, voilà ce qu'on m'avait vendu à l'université. Quelle belle connerie. Je me levai soudain d'un bond. Il fallait que je sorte, que j'aille prendre l'air, sinon j'allais tout casser chez moi, à commencer par mon téléphone tout neuf. Je saisis une paire de lunettes, mes écouteurs et me lançai dans un footing qui s'annonçait sûrement très long. Il me faudrait plus qu'une petite promenade de santé pour faire descendrela pression. Dès que je fus sorti de chez moi, je me mis à courir comme un dératé, me dirigeant instinctivement vers la plage. Elle était déserte. En même temps c'était dimanche matin, veille de rentrée qui plus est. Tant mieux, car je n'avais pas vraiment envie de croiser du monde. Je traversai le sable brûlant en courant toujours aussi vite et commençai à longer la mer. C'est la seule chose qui réussissait à m'apaiser en ce moment. Lorsqu'un coup d'œil à ma montre m'apprit que je courais depuis presque une heure déjà, je me déshabillai et balançai toutes mes affaires à l'abri derrière un rocher avant de me précipiter dans l'eau. Elle était tellement chaude en cette fin d'été ... Ça faisait vraiment du bien. Je me détendis à vue d'œil et finis même par retrouver espoir. Peut-être que j'allais recevoir un coup de fil aujourd'hui. Ou demain ... Ou dans la semaine ... Il fallait juste croiser les doigts ...

3 semaines. 3 putain de semaines s'étaient écoulées depuis la rentrée. 3 putain de semaines passées en survet dans mon canapé, avec une barbe qui commençait à ressembler à s'y méprendre à celle du Père Noël. Visiblement je n'avais pas assez croisé les doigts ... Je commençais à avoir une sale gueule. Heureusement que j'avais dissuadé ma mère de venir me rendre visite, sinon elle aurait fait une crise cardiaque la pauvre. Ma mère adorée, cette femme toujours si élégante, si belle, si soignée et si apprêtée ... elle n'aurait pas supporté de me voir ressembler à un clochard. Et elle n'aurait clairement pas toléré mon mode de vie actuel. Il était 15h, et je me levais juste. Bon d'accord, c'était dimanche, mais quand même. J'avais la même vie qu'un étudiant attardé. En même temps je n'avais pas grand chose à faire de mes journées ... Vie de merde. Alors que je me faisais chauffer une bonne tasse de café en réfléchissant à quel programme télé merdique j'allais bien pouvoir regarder aujourd'hui, mon téléphone se mit à sonner. Je soupirai. Sûrement ma mère. Je l'adorais, mais elle commençait à devenir vraiment étouffante ces derniers temps. Elle m'appelait tous les jours, et si j'avais le malheur de ne pas décrocher au premier appel, j'étais bon pour un harcèlement en bonne et due forme. Je m'emparai tout de même de l'appareil, plus par réflexe qu'autre chose. Un rapide coup d'œil sur mon écran m'apprit que pour une fois il ne s'agissait pas de ma mère, mais d'un numéro inconnu. Je décrochai.

- « Allô ?

- « Monsieur Ramos ? Monsieur Rocher à l'appareil. Je suis le proviseur du lycée Camille Guérin, à la Ciotat. »

- « Bonjour Monsieur Rocher ! » m'exclamai-je, soudain beaucoup plus alerte. « Que puis-je faire pour vous ? »

- « Je m'excuse vraiment de vous déranger un dimanche, mais il s'agit d'une urgence. L'un de mes enseignants, professeur principal d'une classe de Terminale S qui plus est, a dû quitter la ville précipitamment suite à l'annonce d'une grave maladie détectée chez sa mère. Il m'a autorisé à vous communiquer les détails de son départ, afin que vous compreniez l'urgence de la situation. J'ai vraiment besoin de vous. Pouvez-vous être au lycée demain matin à la première heure ? »