Une histoire impossible

Chapitre XXVII

Le week-end m'avait fait beaucoup de bien. J'avais pris beaucoup de recul sur la situation actuelle et j'avais retrouvé un semblant de lucidité. J'avais suivi les conseils de ma sœur et ignorer Jade, mais l'ambiance était complètement merdique avec elle, et ce n'est pas ce que je souhaitais. Déjà parce que je n'aimais pas ça, mais également parce que je ne voulais pas que Jade soit pénalisée pour son bac. J'étais son enseignant et je devais me comporter comme tel. Je devais pouvoir l'aider plutôt que de la mettre mal à l'aise. C'est donc pour ça que ce lundi serait la journée du nouveau départ. J'allais enfin aplanir les choses avec mon élève et repartir du bon pied sur une relation strictement prof-élève. Plus de coups bas, plus d'ambiguïté. Juste un prof de maths et une élève particulièrement brillante. J'étais son professeur principal en plus et je me devais d'aider tous mes élèves dans le choix de leur orientation pour l'année prochaine, et Jade ne faisait pas exception. C'est pour ça qu'il fallait absolument calmer le jeu. Je guettai donc son arrivée avec impatience. Je la vis soudain arriver, ses jambes sublimes moulées dans un jean. Pourquoi fallait-il qu'elle soit aussi belle même habillée aussi simplement ? Elle me jeta un regard froid et bref, mais j'en profitai pour lui faire signe de venir. Elle sembla étonnée. Tu m'étonnes ... Alice avait raison, j'avais été pire qu'une girouette ces derniers jours. Elle me regarda, attendant que je prenne la parole. Je pris une grande inspiration et me lançai.

- « Je voudrais m'excuser pour le comportement inapproprié et inadmissible que j'ai eu à ton égard Jade. Si je me suis comporté comme je l'ai fait par rapport à ton rendez-vous avec Paul c'est parce que c'est mon ami, et que j'ai beaucoup d'estime pour toi. Je ne voulais pas que vous souffriez à cause d'une histoire impossible et surtout interdite. J'espère que tu voudras bien me pardonner. En attendant, j'ai ceci pour toi. »

Dire tout ça me coûtait vraiment beaucoup car il y avait une grosse part de mensonge dans mon discours mais bon, je n'avais pas vraiment le choix. Je dus ensuite beaucoup prendre sur moi pour lui tendre le bout de papier qui semblait peser une tonne à cet instant.

- « C'est celui de Paul. » lui dis-je lorsqu'elle vit le numéro de téléphone. « C'est de sa part. Lui aussi est désolé, et il voudrait te donner rendez-vous une seconde fois pour tout t'expliquer. A toi de voir ça avec lui par message, ou non. Il comprendrait parfaitement que tu ne veuilles pas le revoir. »

Ce crétin n'avait visiblement pas retenu tout ce que je lui avais dit sur les risques encourus pour un détournement de mineure, mais ce n'était pas mon problème. Si il voulait finir au trou avec une amende colossale au cul, tant pis pour lui.

- « Merci beaucoup Monsieur. » me répondit Jade, un sourire magnifique aux lèvres. « Vos excuses me touchent énormément, et je ne vous en veux pas du tout. Vous vouliez seulement nous protéger. »

Je lui souris à mon tour et elle s'en alla. Ça avait été plus difficile que je ne l'avais imaginé, mais je me répétai en boucle que j'avais eu raison de le faire. Pour la première fois depuis très longtemps, j'avais bien agi. J'avais fait ce qu'il fallait. Et bizarrement, ça me faisait du bien. Au milieu de toute cette merde, de toutes les émotions négatives, je ressentais une sorte de fierté de savoir que j'avais fait ce que j'avais à faire. La fin de lajournée passa à toute vitesse, tellement je me sentais mieux. Malheureusement en arrivant chez moi, ma bonne humeur fondit comme neige au soleil. Devant le portail clos se trouvait une voiture que je reconnus immédiatement : Jo. Dès qu'elle me vit arriver, elle s'engouffra dans la cour, me précédant. J'avais malheureusement peur de comprendre ce qui était en train de se passer, et je priais intérieurement pour me tromper.

- « Jo ? Ça va ? »

- « Salut petit frère, désolée de débarquer comme ça sans prévenir ... »

- « Avec les enfants. » constatai-je en voyant les quatre diables chahuter dans la voiture. « Si tu me disais ce qui ne va pas. »

- « C'est Phil. »

- « Je m'en étais un peu douté à Noël. » lui avouai-je. « Ça avait l'air tendu entre vous. Mais qu'est-ce que je peux faire pour toi ? »

- « Et bien ... tu as une grande maison, et personne dans ta vie en ce moment d'après ce que j'ai compris, tu n'as pas d'enfant, alors je me suis dit que ... tu pourrais peut-être nous héberger le temps que les choses s'arrangent ? »

Qu'est-ce que je pouvais répondre à ça moi ? Je n'allais quand même pas chasser ma propre sœur et mes neveux.

- « Je sais que toi tu ne diras rien au reste de la famille ... » ajouta-t-elle en soupirant, au bout du rouleau.

- « Bien sûr que vous pouvez rester. Je serai une tombe, personne ne saura que vous êtes ici. Va sortir les enfants de la voiture, je m'occupe de vos valises. »

Et c'est ainsi que l'enfer commença ... Je passai la pire soirée de mavie au milieu de mes neveux et nièces qui ne faisaient que des conneries et qui se mettaient à hurler à la mort pour un oui ou pour un non, en réclamant leur père. Ma sœur, de son côté, était totalement amorphe. Je n'allais pas bien vivre cette cohabitation je le sentais ... Mon intuition se confirma quelques heures plus tard à peine, lorsque les cris et les pleurs des enfants m'empêchèrent de trouver le sommeil. Ce cinéma se répéta tous les soirs si bien que je fus exténué lorsque le week-end arriva. Certes, j'étais plus léger depuis que les choses s'étaient arrangées avec Jade, mais la présence de ma famille était quand même un gros nuage noir au-dessus de ma tête, surtout depuis que Jo m'avait formellement interdit de donner de ses nouvelles à son mari. Ce qui voulait dire qu'il n'était pas prêt de savoir qu'elle était ici. Ce qui impliquait forcément que j'allais encore garder ma sœur et mes adorables neveux encore un peu. Pour fêter cette bonne nouvelle, je décidai de faire une petite pause dans la correction de mes copies pour m'octroyer un bon footing. La course était la seule chose qui me vidait totalement l'esprit et je n'étais pas contre une petite heure de répit total. Je passai des vêtements de sport, laçai rapidement mes chaussures et pris en douce des affaires de plage, même si c'était l'hiver. J'adorais les bains de mer lorsqu'elle était glaciale. Je cachai les affaires dans ma voiture histoire de ne pas avoir besoin de rentrer de nouveau dans la maison, et partis pour un très long footing sur la falaise. La musique pulsait dans mes oreilles, imprimant le rythme de ma course. Le vent qui fouettait mon visage me donnait presque l'impression de voler. J'étais seul. Je me sentais tout puissant à cet instant. Seul au monde. J'aperçus soudain une petite tâche noire au loin. Un autre taré qui avait décidé de braver les éléments et le froid pour venir courir ici ? Plus je courrais et plus je voyais le second coureur. Une femme vu la silhouette. Je constatai qu'elle portait ses cheveux relevés. Encore quelques mètres et je vis qu'elle était blonde. Quelques pas supplémentaires et je pus enfin détailler son visage. C'est là que je reconnus ... Jade. Foutu destin ! Pourquoi il s'acharnait sur moi comme ça ? Je me voyais mal rebrousser chemin et me barrer comme un dératé. D'autant que j'étais sûr que si j'avais réussià la reconnaître, elle aussi avait dû m'identifier. Et elle n'avait pas fait demi-tour. Si elle se sentait capable de me faire face, je n'allais certainement pas être le froussard qui souhaitait éviter de la rencontrer. Je ne me montrerais pas aussi pitoyable, certainement pas. Je continuai donc à courir, voyant la distance qui nous séparait s'amenuiser de plus en plus ... Il ne restait plus que quelques dizaines de mètres. Je pris une profonde inspiration et attendis le moment fatidique ...

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Encore en retard, comme toujours... des bisous!