Chapitre 1

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Kerian

Je ne peux toujours pas y croire, je ne peux pas la laisser m'échapper. Pas après tout ce que nous avons vécus. Je ne suis qu'un putain d'abruti, qu'un sombre connard, qu'une merde. Je vivais depuis des années près de la plus sublime créature que la terre ait porté, je côtoyais sans le savoir un véritable ange. Le seul ange ayant eu la curiosité de descendre dans mon enfer. Un enfer que je me suis moi-même crée, un enfer dans lequel je me suis enfermé, dans lequel la haine, le vice et le mensonge régnaient en maître. Seulement, plus je la côtoyais, plus je la voyais et plus mon corps s'extirpait de l'étouffant brasier de férocité m'habitant depuis ces dernières années.
Les minutes passent à mesure que la colère et la tristesse s'emparent de moi. Comment vais-je faire ? Que faire sans elle ? Sans celle qui me hantait jour et nuit depuis bien des années. Comment retrouver une personne si exceptionnelle ? Comment reconstruire une telle relation avec une de ces filles lambda et inintéressantes ? Holly était pour ainsi dire une créature exceptionnelle. Jamais, au grand jamais je n'aurais pensé trouver une fille si forte, forte et à la fois plus que fragile. Si insouciante tout en étant dotée d'une maturité folle. Si férocement adorable, une fille capable de briser les règles pour un simple con, pour un stupide et abominable crétin.
Je me hais, je me hais d'avoir entamé ce jeu. Je me déteste d'avoir fait ce foutu pari dans le seul et unique but de donner une explication à mon irrépressible attirance envers ce sublime ange tout droit venu des cieux. Des larmes se mettent à couler sur les pages du journal de mon exquise ex petite-amie tandis que je m'obstine à lire, à relire, à analyser chacune des phrase de ses dernières pensées.
Je me lève d'un bond puis balance le petit journal à travers la pièce tout en beuglant un hurlement monstrueux. Pris d'une irrépressible haine, d'une insoutenable colère, je m'attaque aux quelques cadres posés sur mon bureau. Le verre se brise sur le sol dans un effroyable fracas, balayant la pièce de bouts de verres épars. Dans ma lancée, je saisis la lampe de chevet posée sur mon bureau pour la faire valser à travers la pièce. L'objet se fracasse contre la porte de mon armoire tandis que je pousse un second beuglement. Je balaye d'un revers de main tous les livres déposés sur mon bureau puis me saisit de la chaise en bois pour faire atterrir une partie d'un bout de la pièce et l'autre... à l'autre bout. Je ne peux pas me calmer, je n'y parviens pas, je ne peux pas gommer cette haine que je porte envers ma personne. Faute d'objets à portée de main, j'enfonce ma main contre le mur près de la porte et là, le plus horrible, le plus virile, le plus menaçants des meuglements sort de ma bouche. La porte s'ouvre presque instantanément tandis que de grosses gouttes de sang perlent sur le sol en bois de ma chambre. La douleur se mêlant peu à peu à la colère accroît mes sanglots tandis qu'une main agrippe mon bras.

- Kerian, Kerian. Chéri répond moi je t'en prie. Regarde-moi.

La voix de ma mère apparaît comme un écho. Sa silhouette est presque floue et je ne sens presque plus sa main m'agripper. Mon cerveau ne cesse de projeter d'incessantes images d'Holly, d'innombrables souvenirs dans le moindre recoin de cette grande pièce. Elle m'entoure, elle m'oppresse. J'ai la vague impression d'entendre éclater son rire, je me tourne vers mon lit mais rien, elle n'est pas là. Un autre éclat de rire raisonne à l'endroit où ma chaise de bureau prenait place, encore une fois, rien. Seul un vide habite désormais l'espace. Un vide si bien présent dans cette pièce que dans mon cœur. Que dis-je dans tout mon être. Je me sens vidé, mes émotions semblent s'éteindre à mesure que j'entends ma mère répéter mon prénom. Je suis immobile, comme figé en plein milieu de ma chambre.

- Mon grand, tu es avec nous ?

Je reviens peu à peu à moi à l'entente de la voix virile de mon père. Ma vue se rétablie et je peux enfin reprendre mon souffle. Ils vont me prendre pour un fou puis m'enfermer ! Voilà une semaine que je n'ai pas pointé le bout de mon nez dans ma piaule, une semaine que je n'ai pas mis les pieds dans cette baraque et lorsque j'y reviens je ruine l'intégralité de ma chambre et enfonce mon poing dans un foutu mur.

- Viens, il faut nettoyer ça.

Je suis tant bien que mal la voix de ma mère jusqu'à la cuisine. Je me décide à m'assoir sur un tabouret puis tend le poing en direction de cette dernière. Une mine de dégoût apparaît sur son visage. J'ai la vague impression de revoir la jolie bouille d'Holly. Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs ces derniers mois, je l'ai faite penser mes blessures plus d'une fois, je regrette d'en être arrivé là tant de fois. Je regrette de ne pas lui avoir révélé le pari dès le début. Je me suis tant battu pour nous, au sens propre comme au figuré évidemment ! Il est impensable que tout puisse s'arrêter si subitement.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Souffle ma mère tandis qu'elle s'attèle à désinfecter mes phalanges ensanglantées.

- Elle m'a quitté. Je ne suis qu'un con.

Mon père s'étouffe et ma mère étouffe un cri. Est-ce si difficile à croire ? S'ils connaissaient toute l'histoire ils pourraient comprendre, ils se placeraient même du côté de mon ex petite-amie. Et avec raison ! J'ai merdé plus d'une fois, je lui ai rendu la vie plus dure que ce qu'elle ne méritait. Mais comme on dit, le mal revient toujours à celui qui le fait, et le retour de bâton est, cette fois, extrêmement violent. Plus que ce que je n'aurai osé imaginer.
Mon père se racle la gorge avant de se décider à en placer une :

- Tout va s'arranger mon grand, cette petite est une fille bien et...

- Et je ne suis qu'un sombre abruti, qu'un connard de première. Elle ne reviendra pas, pas cette fois.

Je n'en reviens pas, je crois ne jamais m'être confié à mon père, je crois n'avoir jamais rien révélé à mes géniteurs à vrai dire. Et me voilà entouré de ces deux-là, occupé à leur raconter ma pitoyable vie.

Une fois mon poing pansé, j'attrape mes clés de voiture et accourt dehors. Je dois sortir d'ici, il faut que je me tire de cet endroit empli de souvenirs puis roule rapidement, trop rapidement jusqu'au bar. J'ai bien besoin d'un verre, je dois oublier cette soirée de merde, que dis-je, cette vie de merde. Cette fois, aucune blondinette ne viendra me chercher, je ne rentrerais pas à l'aide d'une sublime créature à mes côtés. Aucune fille n'aura assez d'estime pour moi pour m'interdire de prendre le volant après m'être envoyé presque une bouteille de whisky.

Je m'assieds au comptoir avant de demander un verre de whisky coca au patron posté derrière le bar. Ce mec est de toute évidence devenu un grand ami ces derniers temps ! Disons que je n'ai pas trop de mal à lui gonfler son chiffre d'affaire.

- Tiens, Kerian. Ça roule mon pote ?

J'attrape le verre que j'avale d'une traite sous le regard effaré de l'imposant barbu de l'autre côté du comptoir.

- Ça va nickel, tout va... tout va nickel.

Le whisky me reste en travers de la gorge. Je n'ai pas envie de boire, je ne sais même pas ce que je fous ici. A l'heure actuelle je devrais être en train de tout faire pour me faire pardonner de la douce Holly. Et pourtant, me voilà dans ce foutu bar, un verre vide à la main, comme un foutu poivrot.

- Kerian ?

Une voix féminine me sort de mes pensées. Dans un moment d'espoir intense je fais volte-face , espérant de tout mon cœur que cette douce voix provienne de ma jolie blonde. Mais non, ce n'est que Sandy. Attendez une minute, Sandy ?

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant