Chapitre 15

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Kerian

- Qu'est-ce que je peux te servir mec ?

- Un whisky s'il te plaît.

Le père d'Holly lève un sourcil tandis que le barman me tend un verre.

- J'ignorais qu'il servait de l'alcool à des mineurs.

Le barman chauve et couvert de tatouages déglutit.

- Ce sera deux whiskies alors, reprend-il un large sourire aux lèvres.

Je ne peux m'empêcher de me sentir coupable de boire ce verre, après tout, j'ai promis à Holly une soirée et il est hors de question que je me pointe saoul chez elle. Je me promets alors intérieurement de me contenter d'un seul et unique verre. La vue du père de l'adolescente me confortera peut-être dans l'idée de tenir ma parole.

- Tu as fait souffrir ma fille.

Je m'étouffe.

- Je sais.

-Elle a pleuré pendant des jours et tu n'étais pas là.

- Je sais.

- Tu as ruiné sa réputation.

- Je sais.

Ma gorge se noue. Entendre son père me balancer tout ça me fait tellement de mal. Comme si j'en comprenais un peu plus la gravité à chacun des mots sortant de sa bouche. Je me déteste de l'avoir fait tant souffrir et de m'être joué d'elle.

- Je ne la mérite pas.

- Je ne peux pas te contredire, Kerian. Et pourtant, c'est avec toi qu'elle se sentait le mieux. Elle avait une telle joie de vivre, tu lui apportais tant.

Une joie de vivre ? J'avais pourtant l'impression de lui briser le cœur et de revenir vers elle tous les deux jours. J'avais l'impression de lui rendre la vie invivable, j'ai été imbuvable avec elle et j'ai agi tel un enfant. Comment est-ce qu'elle aurait pu avoir cette « joie de vive » auprès de moi ?

- Sa mère n'a aucune envie de te revoir à la maison, j'espère que tu en es conscient.

- Je crois qu'elle ne m'a jamais aimé !

Il rit à gorge déployée.

- Jamais ! Mais Holly, elle, t'aime vraiment.

- Vous croyez ?

- Elle ne t'aurait jamais laissé retenter ta chance si elle ne t'aimait pas du plus profond d'elle-même.

J'avale mon verre de whisky avant de m'avachir sur le comptoir. Ma gorge se noue de plus en plus, il est hors de question que je chiale devant lui, je ne suis pas une putain de tapette. Me voyant toujours silencieux, il tapote ses doigts contre le comptoir en bois avant de reprendre :

- Elle te pense comme son ex petit-ami.

- Holly ?

- Non ! Barbara.

Je me demande bien comment une femme tirée à quatre épingles comme Barbara Jensen aurait pu sortir avec un type comme moi. Je veux dire, Holly m'est toujours apparue comme une petite prude, mais sa mère en tient une couche !

- Sérieusement !

La plaisanterie de Marry, la cadette de madame Jensen lors du dîner du réveillon me revient brièvement en mémoire.

- En dernière année de lycée un nouveau est arrivé au lycée. J'ai toujours été fou amoureux de Barbara mais elle ne voyait que par ce nouveau venu ! Il était mesquin, manipulateur, joueur, couvert de tatouages et de piercings. Ils sont sortis quelques temps ensemble et...

- Ne t'arrête pas !

J'avale la fin de mon verre de whisky.

- Il l'a mise enceinte et s'est tiré je ne sais où.

Je manque de recracher l'intégralité de la gorgée encore dans ma bouche. Putain, quel sorte de connard peut bien agir comme ça ? Je veux dire, il est évident que si un de mes coups d'un soir était tombée enceinte je n'aurais pas sauté de joie, je n'aurais pas non plus décidé d'emménager tel un bon petit citoyen avec cette fille, mais se tirer n'aurait de tout manière pas été la solution. Pas le moins du monde.

- Ou est... le bébé ?

- Je ne sais pas, je crois qu'elle a été adoptée. Les grands parents d'Holly et Owen étaient contre l'avortement.

Ma gorge se noue. Je n'en reviens pas, jamais je n'aurais pu croire que madame Jensen ait pu vivre un tel calvaire. Et ça me fait d'autant plus de mal de savoir qu'elle me compare à une telle pourriture. Après tout, Holly et moi nous sommes toujours protégés et ce n'est pas aujourd'hui que ça changera. Hors de question que je me retrouve avec un mioche entre les pattes.

- Putain de merde. Ce type est un réel fils de pute.

Bill glousse.

- Tu l'as dit.

- Je... vous promets de ne pas agir comme ce connard monsieur J... je veux dire, Bill.

- Ce n'est pas à moi que tu devrais dire ça mon grand. En revanche, je te demande de ne pas en parler à Holly et Owen. Ils n'en savent rien.

Je me demande ce qui peut pousser le principal à me raconter une telle anecdote sur sa femme.

- C'est promis.

Je joue quelques secondes avec mon verre vide tout en fuyant le regard d'une fille avec qui j'ai couché assise sur le tabouret d'à côté avant de reprendre :

- Si c'est lui qu'elle aimait, comment est-ce que vous avez fait pour... sortir avec ?

Il glousse de nouveau avant de lever les yeux au ciel.

- Un jour, j'ai pris mon courage à demain et je suis rentré dans le bureau du principal pour lui faire une annonce radio. La clé était cachée... derrière le tableau à côté de la porte du bureau. C'était une idée assez ridicule en fait !

Il accompagne sa phrase d'un clin d'œil, est-ce qu'il s'attend vraiment à ce que je fasse la même chose ? Parce qu'il en est tout bonnement hors de question ! Je ne risquerai pas de me ridiculiser devant tous ces cons du bahut.

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant