Chapitre 8

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Holly

Me tournant et me retournant dans mon lit depuis près de trois heures, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Me remémorant la tristesse dans le visage de Kerian lorsqu'il m'a surprise avec Leo. Ou avais-je la tête ? Pourquoi lui ai-je dit oui ? Bien que je ne puisse m'empêcher de haïr Kerian, voir ce visage suivi de son excès de colère m'a littéralement brisé le cœur. Je vois bien que nous sommes tous deux presque si mal l'un que l'autre, que nous ne sommes désormais que deux êtres résistant contre le torrent, le vent de marré provoqué par chacun de nos actes, chacun de nos choix. Comme l'a écrit Nathaniel Hawthorne « La brèche que le mal a creusée dans nos âmes humaines ne peut jamais, en notre état mortel, être réparé ». Se pourrait-il que je ne sois jamais en mesure d'oublier ce mal-être ? Que je ne sois jamais en mesure d'oublier le mal que Kerian m'a fait ? Que cette plaie ne cicatrise jamais ?
Je m'apprête finalement à tomber dans les bras de Morphée quand la porte de ma chambre s'ouvre dans un horrible grincement. Que peut bien vouloir Owen à cette heure-ci ? J'allume ma lampe de chevet et crois avoir une attaque en tombant nez à nez avec... Kerian.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

Je fais tout mon possible pour ne pas me mettre à hurler de rage.

- Je voulais... te parler.

- Me parler ou planter don poing dans un autre mur ? Et puis... comment est-ce que tu es entré ?

- La clé, Holly. J'ai la clé.

Merde, j'avais complètement oublié ce détail.

- Je ne peux pas dormir, je n'y arrive pas.

Sa voix tremblante me touche, mais je ne dois pas lui montrer.

- Alors prend un somnifère, une bonne tasse de thé et dégage de chez moi.

- Non, tu ne comprends pas, les cauchemars...

Je dois me faire violence pour passer outre ses mains tremblantes ainsi que ses yeux bordés de larmes.

- Plus besoin de te sentir coupable, Luna n'est pas morte. Alors rentre chez toi et estime toi heureux de ne pas être un tueur.

Il ricane.

- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle.

- Si tu savais tout...

- Si je savais quoi, Kerian ?

Il fait un pas en arrière lorsque je hausse le ton.

- Laisse tomber, je n'ai rien dit.

Ce petit con peut vraiment m'exaspérer parfois ! Il entre en douce dans ma chambre pour me parler de ses cauchemars, déblatère des phrases plus qu'étranges pour au final me dire de les oublier. Qu'est-ce que tu me caches encore Kerian ?

- C'est justement ça ton problème, tu n'as rien dit. Si j'avais su pour le pari, si seulement tu m'avais expliqué, j'aurais peut-être pu avoir la stupidité de te pardonner.

- Je suis désolé, Holly. Je te le jure. Je ne peux pas vivre sans toi putain.

- Ah oui et pourquoi ? Tu as parié que tu pourrais m'amadouer de nouveau ? Que je te pardonnerai ?

Il s'avance d'un pas.

- Quoi ? Arrête tes conneries, tu sais que je t'aime, tu le sais pertinemment.

Le plus triste, c'est que c'est vrai. Je suis consciente de l'amour qu'il me porte, consciente qu'il regrette tout ce qu'il a fait et qu'il ferait tout pour se faire pardonner, consciente que j'ai été la seule a l'aider, à faire se dissiper cette horrible culpabilité l'habitant depuis bien longtemps. Mais il m'est impossible de voir au-delà des faits ; à savoir que Kerian n'est qu'un manipulateur s'étant servi de moi uniquement dans le but de toucher un petit pactole. Alors oui, je sais que le beau blond a fini par sincèrement m'aimer, mais tout a commencé par un mensonge. Notre relation entière a toujours été basée sur un mensonge, sur de la manipulation, du vice et des paris.

- Je sais.

- Alors qu'est-ce qu'il te faut de plus, putain.

- Rien.

Ma voix est sèche, c'est alors que ce dernier s'effondre sur le sol, dos au mur, les genoux repliés sur lui-même. Je ne peux pas, s'en est trop, je ne peux pas me permettre de le voir souffrir de la sorte. J'accours dans sa direction tout en fermant la porte de ma chambre dans le but de camoufler le bruit de ses sanglots.

- Kerian...

- Non, tu as raison, Leo et ta mère aussi avaient raison. Je dois partir, je ne peux pas rester là et continuer à te faire souffrir. Je vais m'en aller, je vais partir et je te laisserai vivre, je te laisserais respirer. Putain, je n'en ai pas la moindre envie mais... je le ferai. Je le ferai si c'est ce dont tu as besoin. Un mot, une parole, et je ne serais plus là demain.

Ses sanglots me percutent de plein fouet.

- Non.

- Quoi ?

Il relève légèrement la tête dans ma direction, essuyant quelques sanglots à l'aide de sa main droite.

- Je ne veux pas que tu partes.

- Pourquoi ? Pourquoi tu ne veux pas que je me tire ? Tu as toutes les raisons du monde de me détester.

- Oui, je sais.

- Alors pourquoi ? Après tout ce que je t'ai fait endurer ?

- Parce-que je t'aime, Kerian.

Il s'étouffe.

- Tu quoi ?

- Je t'aime.

- Comment peux-tu m'aimer après tout ça ? Tu devrais me détester.

- Je te déteste aussi.

Son pouls s'accélère au moment où j'avoue le détester. Voyant son état d'incompréhension, je reprends :

- Je te déteste de m'avoir fait souffrir de la sorte, et c'est pour cette raison que je ne suis pas prête à te pardonner. Mais... j'aime me remémorer tous ces moments partagés ensemble, tout ce que tu m'as confié et ça ne fait qu'accentuer l'amour que j'ai pour toi.

- Alors... toi et moi, ce n'est pas terminé ?

- Ne pars pas, Kerian. Ne me fais pas ça, pas après m'avoir brisé le cœur. Je n'ai aucune idée de ce que je veux, je n'ai aucune idée de ce que je compte faire, la seule chose que je sais c'est que je n'ai aucune envie que tu partes.

Il se relève tout en reniflant bruyamment.

- Alors, je reste.

- Promet le, promet moi que cette fois, tu ne fuiras pas.

Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui fais promettre cela, après tout il n'a aucun compte à me rendre, nous ne sommes même plus ensemble ! Et j'ignore encore pourquoi je lui ai demandé de rester. Peut-être que je ne veux finalement pas m'avouer que j'espère qu'un jour, tout redevienne comme avant ? Je l'ignore encore. A vrai dire, je n'ai jamais été si perdue.

- Je te le promets.

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant