Soulmate - Tome 2

Chapitre 32

Kerian

C'est étrange, c'est comme si un voile noir m'entourait, comme si je ne faisais que regarder d'intégralité des mouvements que réalise mon corps, comme si cette enveloppe corporelle ne faisait que m'emprisonner sans en avoir le moins du monde le contrôle. Ainsi, je me retrouve devant le bahut, putain, pourquoi est-ce que je suis ici ? Le soleil me brûle les yeux et caresse violemment la peau de mes bras nus. Appuyé contre la poitrine de Jil, je commence peu à peu à comprendre ce qu'il se passe. Putain de merde.

La cloche retentir et nous nous retrouvons bientôt seuls devant le bahut, appuyés contre la caisse du frère de Jil en compagnie de Sandy, Owen et Peter. Je dois à tout prix arrêter ce rêve, il faut que je me réveille avant qu'il ne se transforme en cauchemars.

Les discussions des personnes m'entourant semblent venir de loin, très loi, si loin que je ne parviens pas à en distinguer la nature bien qu'ils ne se trouvent qu'à quelques centimètres de moi.

- Merde, voilà Luna !

Cette simple phrase parvient à me faire basculer du rêve au cauchemar, et en quelques secondes, le soleil disparait et le temps s'assombrit pour laisser place à une nuit la plus totale. Seul le lampadaire face aux portes du bahut m'apporte un infime halo lumineux me permettant d'apercevoir une silhouette blonde. Ce n'est pas celle de Luna, putain non, ce n'est pas elle. Je ne mets pas une seconde à reconnaître de qui il s'agit en réalité. Je reconnaitrais entre miles ses petits yeux en amande, ses cheveux châtains tirés sur le blond, sa petite taille et son regard furieux. Holly, putain, qu'est-ce qu'elle fait dans mon cauchemar ?

En revanche, j'ai beau voir Holly, là, face à moi, je n'arrive pas à me convaincre qu'il s'agisse bien de mon Holly. Sa jupe bien trop courte ainsi que son tee-shirt lui arrivant juste en dessous de la poitrine ne témoigne. Ce n'est pas Holly, ce n'est pas elle, Holly ne porterait jamais une tenue si... rose, elle déteste cette couleur.

- Qu'est-ce que tu fous avec cette pétasse ? Grogne la blonde au visage d'Holly.

Instantanément, je fais un pas en avant, m'approchant de la blonde. A vrai dire, mon cerveau le fait, je ne suis pas le moins du monde maître de mes gestes, et à cet instant précis, c'est comme si mon corps parlait à ma place, comme si mon cerveau s'était totalement détaché de cette chaire.

- Luna ? Qu'est-ce que tu fous là ?

- Je te cherchais, et je te retrouve avec cette traînée, comment tu peux nous faire ça ?

J'entends le ricanement de Jil derrière.

- Nous ? Il n'y a plus de « nous », Luna. Putain, tu m'as trompé !

- Quoi ? Mais... mon chou ! Tu sais très bien que...

- Que quoi, Luna ? Que tu n'es qu'une petite pute manipulatrice ? Il a pigé je crois.

Cette réplique d'Owen m'avait fait marrer sur le coup, et encore maintenant, je ne peux retenir un petit ricanement.

- Tu sais très bien que cette notoriété, tu l'as grâce à moi. Ces connards du bahut n'auraient jamais adressé la parole à un premier année si je n'avais pas été là. Tu n'aurais pas eu tout ce que tu as en ce moment si je n'avais pas vu du potentiel en toi.

Je n'avais plus le moindre souvenir qu'elle ait osé me sortir ça, mais plus les secondes passent, et plus je me force à me réveiller. Je ne peux pas, je ne peux pas refaire ça, pas avec cette fille au visage d'Holly. Je ne le supporterai pas.

- Je me demande bien avec qui tu as couché pour écoper de cette notoriété. Qui d'autre que moi est-ce que tu t'es tapé ? Qui d'autre ? Tu m'avais dit que c'était aussi ta première fois, tu m'as menti Luna.

- Conneries. Tout le monde ment sur sa première fois, un jour, je pari que tu déviergera une petite connasse de puritaine pour un pari ou une connerie du genre. Est-ce que ça t'importera ? Non et tu sais pourquoi ? Parce-que ça, tout ça, c'est un jeu. Toute cette connerie de vie est un jeu, alors autant mener la danse, fait les souffrir avant qu'ils ne te fassent souffrir.

Et là, la catastrophe arrive, il suffit d'une petite impulsion en arrière, de talons pas résistants, il a suffi qu'elle trébuche, que cette voiture passe à ce moment-là.

Je vois la tignasse blonde d'Holly passer par-dessus le parechoc de la voiture d'un inconnu, son téléphone à la main et là, un hurlement se fait entendre tandis que nous courons tous à l'intérieur du bahut, laissant Holly pour morte au beau milieu de la route. Et bien que je tente du plus profond de moi de rester sur les lieux, de faire demi-tour, il m'est toujours impossible de contrôler mon corps, impossible de commander à mon corps de rejoindre mon Holly.

- Kerian, Kerian, bébé, réveille-toi, je t'en prie, réveille-toi.

Le murmure affolé d'Holly parvient enfin à me faire sortir de ce cauchemar et lorsque je me réveille, je suis allongé sur le sol, en sueur et tout tremblant. J'ai du mal à canaliser ma respiration et tout semble tourner autour de moi. Mon cœur bat la chamade et je sens perler des larmes le long de mes joues.

Lorsque je regarde autour de moi, je me trouve dans ma chambre, entouré par Holly et Rachel, j'aperçois brièvement les silhouettes de mes parents dans l'entrebâillement de la porte avant que ces derniers ne retournent dans leur chambre.

- Wow, putain, c'était flippant.

La remarque incroyablement perspicace de ma sœur me donne envie de l'insulter de tous les noms. Je reste cependant muet à la vue du visage apeuré d'Holly.

Rachel quitte la chambre quelques secondes plus tard, me laissant seule face à ma belle blonde. Cette dernière enlace ma main tout en me tirant vers le lit duquel je semble être tombé.

- Raconte-moi.

- Quoi ? Non, hors de question. Je... je ne peux pas. Tu ne peux pas entendre ça.

C'est vrai quoi, révéler à Holly que je l'ai accidentellement tué dans mon cauchemar peut s'avérer être un tue l'amour !

- Kerian... s'il te plaît.

Sa moue boudeuse a finalement raison de moi. Putain de merde, je ne devrais pas lui dire, elle pourrait me détester de l'avoir visualisé à la place de cette garce.

- C'était l'accident mais... tu étais à sa place.

- Luna ? A la place de Luna ?

- J'ai... j'ai essayé de revenir sur les lieux, j'ai essayé de voir comment tu allais, de revenir vers toi mais je ne contrôlais pas mon corps et...

Elle ne me laisse pas le temps de finir que les lèvres d'Holly s'écrasent sur les miennes. Merde, je ne le mérite pas le moins du monde. Après tout le mal que je lui ai infligé, avec toutes les crasses que je lui ai faite endurer je me demande encore ce qu'un ange comme elle peut encore bien faire avec un connard comme moi.

- Promet-moi que tu ne me laisseras pas, Kerian. Promet-moi que toi et moi, ça ne se finira pas.

Son visage est presque suppliant, comme si après tout ce qu'il s'est passé depuis ces derniers temps, elle avait continuellement besoin d'être rassurée. Ça ne me dérange pas, après tout je le mérite, je mérite cette méfiance, ce manque de confiance.

- Plus jamais, Holly. Peu importe ce qu'il se passe, toi et moi, ça ne se terminera jamais. Peu importe ce que l'avenir nous réserve, je sais que c'est avec toi et toi seule que je finirai ma vie.

Ses joues virant au cramoisie me fait glousser. Ses petites mains agrippent ensuite mon cadeau autour de son cou tandis que ses sublimes yeux se posent dans les miens. Je pourrais passer des heures à la contempler tant je crois n'avoir jamais vu pareille perfection.

- Mais... avant de penser au reste de notre vie, et si on parlait un peu de ce voyage à New-York !

Elle ne perd pas le nord à ce que je vois ! New-York, son rêve d'enfant. Je sais pertinemment qu'elle n'aurait pas pu espérer meilleur cadeau et je sais aussi que nous n'avons pas reparlé de ce voyage depuis la révélation du pari. Et en dépit de tous les lambeaux de haine, de dispute, de colère et de révélation, ce voyage représente comme un halo réconfortant, comme une promesse de bonheur, comme une promesse d'avenir, un avenir nous appartenant rien qu'à nous. Un avenir sans Luna, sans Peter, sans problèmes et sans quiconque ayant la moindre envie de nous nuire.