Chapitre 44

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Kerian

Ce matin, c'est une putain de nausée qui me réveille. Je bondit de mon lit avant de gerber tout mon repas d'hier soir dans les toilettes. Putain, je n'ai jamais été malade. Pourtant, je sais pertinemment d'où vient cette « maladie ». Ce n'est que du putain de dégoût, un putain de dégoût envers ma propre personne. Je n'ai jamais vu une telle tristesse se dessiner sur le visage d'Holly, jamais. Pas même quand elle a découvert le pari, ni lorsqu'elle a appris ce que je pensais d'elle avant. Je ne l'avais jamais vu tant en souffrance. Et plus les secondes passent, plus je me demande si j'ai pris la bonne décision.
En regagnant ma chambre quelques minutes plus tard, c'est cette fois la mine enjouée d'une Luna presque nue allongée dans mon lit qui me file la gerbe. Putain de merde, qu'est-ce que j'ai fait ?

- Bien dormi mon chou ? Glousse-t-elle.

- Dégage.

- Quoi ?

Elle bondit du lit. Toujours uniquement vêtue d'une petite culotte.

- Je viens de te dire de dégager de chez moi.

- Ce n'est pas ce que tu disais hier soir.

- J'étais saoul. Je ne veux plus te voir ici, jamais.

Ma voix est monotone. Je n'arrive même pas à être en rogne. Je n'y arrive pas car je sais pertinemment que tout est ma faute. J'ai encore une fois donné à cette garce la satisfaction de jouer son rôle de salope, de m'éloigner d'Holly, de redevenir un salaud.

- J'espère pour toi que tu ne comptes pas retourner voir cette petite pétasse ?

Elle ricane tout en enfilant un teeshirt et là je craque. Les larmes ruissellent sur mon visage et une rage féroce se saisit de moi. J'agrippe violemment la nuque de cette pétasse avant de faire valser tout son corps jusqu'à la porte de la chambre. Son corps horriblement avantageux se heurte si violemment à la porte que l'espace d'un instant je me demande si je n'y suis pas allé trop fort. Non, putain, rien à foutre que cette salope se soit fait mal.

- Tu l'insultes encore une fois et je te tue.

Cette fois ma voix est comparable à un beuglement. C'est bien la première fois que je peux lire une mine de frayeur sur son foutu visage.
J'agrippe cette fois son bras avant de dévaler les escaliers en la trainant du plus fort que je suis capable sous les regards tétanisés de ma mère et de ma sœur. Putain, j'aurais dû la faire passer par la fenêtre. Si Holly l'apprend elle... non, elle me déteste déjà. Elle me hait déjà.
En arrivant sur le pas de la porte, je la pousse si violemment qu'elle manque de tomber à la renverse dans les escaliers séparant le porche du trottoir.

- Tu vas le regretter, grogne-t-elle en essuyant du sang coulant le long de son nez.

Et à la seconde où cette dernière dévale les marches, je m'effondre sur le sol, hurlant à la mort. Putain, qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai encore fait ? Pourquoi est-ce que j'ai accepté de faire ce qu'elle me disait ? J'aurais préféré qu'Holly... non, elle ne pouvait pas apprendre ce que j'ai fait à cette autre fille. Elle ne le pouvait pas. C'est inenvisageable.
À la seconde où je m'apprête à me relever, je relève les yeux en direction de la maison des Jensen et crois halluciner en apercevant Owen, assis sur les marches de chez lui, le regard rivé dans ma direction. En croisant mon regard ce dernier se lève d'un bond pour se diriger vers sa moto. Où est Holly ? Elle devrait être avec lui en train de partir au lycée. Où est-ce qu'elle peut bien être ?

- Où est Holly ?

Je regrette d'avoir posé cette question à la seconde même où elle m'échappe. Owen lâche violemment son sac de cours avant de se ruer vers moi, monter les marches et me saisir à la gorge. Je ne bouge pas, putain, il est salement amoché et pourtant je n'ai presque pas essayé de me défendre hier.

- Tu oses me demander où est Holly ? Tu n'es qu'un putain de connard. Tu n'es qu'une merde Kerian. Holly n'est plus là.

Mon sang ne fait qu'un tour.

- Plus là ?

Je vois une larme rouler sur la joue d'Owen alors qu'il me tient toujours à la gorge.

- Le tatouage. Notre mère l'a vu. Elle lui a dit de se tirer de la maison. Putain, elle lui a dit de se tirer !

Il prononce cette dernière phrase en hurlant. Merde, putain de merde, cette bonne femme est une sombre pétasse. Je m'en veux d'autant plus qu'Holly n'ai pas pu trouver refuge chez nous, tout ça à cause de moi. Fait chier.

- Ou est-ce qu'elle est ?

- J'en sais rien.

Il relâche ma gorge avant de faire volte-face et de regagner sa moto en beuglant :

- Si tu t'approches d'elle, je te tue.

Là-dessus, il enfourche le bolide avant de démarrer en trombe.
J'aimerai tant tout expliquer à Owen, lui dire que je fais tout ça pour le bien de sa sœur. Mais cette explication me paraît si bien impossible que ridicule. Soigner le mal par le mal n'a jamais été une solution, j'ai tout simplement pris la plus simple, la plus facile pour ne pas avoir à me justifier. Pour ne pas avoir à expliquer à Holly qu'elle sortait avec un monstre.

- Chéri ? Murmure ma mère dans mon dos.

Son regard apeuré me file à nouveau la gerbe, je me dégoûte moi même putain. Et là, je m'écroule dans ses bras, pleurant à chaude larmes dans les bras de ma mère comme un gosse de dix ans. Putain, j'ai encore plus honte. J'ai honte que ma mère voit ce que je fais de ma merveilleuse copine, j'ai honte de ce qu'elle voit, honte d'être son fils, le fils d'une femme m'ayant toujours appris qu'une femme méritait amour et respect, et non violence et larmes.

- Je suis... désolé. Je suis désolé putain.

Je sais, ce n'est pas à elle que je devrais le dire, c'est Holly qui devrait entendre mes lamentations. Mais je sais pertinemment qu'elle ne les écoutera pas. Et je la comprend. Je l'ai perdu pour de bon, elle m'a échappé une bonne fois pour toutes, et je ne peux de toute évidence pas faire marche arrière.

- Je dois aller m'inscrire.

Mon murmure fait reculer ma mère.

- T'inscrire. Où ça ?

- À la fac. En France. Je... ne peux pas rester là.

Je renifle bruyamment tout en balayant une larme roulant sur ma joue. Et sans même attendre la réponse de ma mère, je rentre dans la baraque, montant les escaliers à une vitesse folle et m'enfermant dans ma chambre quelques secondes plus tard.
Tous les papiers sont prêts depuis des mois, bien rangés dans une enveloppe sur mon bureau. C'est bien la seule chose que je n'ai pas mis en bordel dans cette chambre. Je me saisit de cette enveloppe avant d'enfiler des vêtements pris au hasard dans mon armoire. Je dois poster cette enveloppe. Je dois le faire et d'ici quelques mois, Holly sera débarrassée de moi. D'ici quelques mois elle pourra enfin reconstruire sa vie dans ma stupide personne. Elle aura enfin la capacité d'étudier, de se soucier d'autre chose que des putains de conneries d'un sombre crétin.

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant