Chapitre 49

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Kerian

- Tu n'es qu'un putain d'abruti, Kerian Duchemin.

La voix de Jil est sèche, je crois ne jamais l'avoir vu tant en rogne contre moi.
Je n'aurais jamais dû me pointer au bar ce soir, et j'aurais encore moins dû me décider à les rejoindre, Sandy et elle à leur table.
Une semaine, une putain de semaine que plus personne ne m'a adressé la parole au bahut. J'ai la vague impression d'avoir perdu, durant toute cette semaine, la dernière once de popularité composant mon personnage. Putain, tout à toujours été une histoire de personnage, j'ai toujours joué un rôle dans ce foutu bahut; le rôle du haïssable con mettant qui il voulait dans son pieu. J'ai ensuite été le joueur féroce ayant détruit le petit cœur de la meilleure amie de sa frangine. Et désormais, je ne suis plus que l'idiot, le mec stupide ayant remis le couvert avec son ex, blessant par la même occasion une fille superbe.

- Je sais.

- Ta pétasse n'est pas avec toi ? Grogne Sandy.

- Je ne suis pas... avec elle.

Les deux pouffent de rire.
Je peux remarquer toute la peine dans le regard de Jil. Elle doit sûrement être à l'attention d'Holly. Certainement pas de moi ! À cet instant précis, Jil semble si bien me haïr que la simple idée que je disparaisse de la surface de la terre lui serait égale. Et je la comprends. L'idée de cette disparition serait par ailleurs égale à un bon nombre de personnes.

- Comment est-ce que tu as pu lui faire ça ?

Je n'ai aucune idée de quoi répondre à la rouquine. Je ne peux de toute évidence pas lui raconter, la réaction de Charlie m'a servi de leçon ! Je ne me serais, d'ailleurs, jamais imaginé me faire casser la gueule par une fille !

- C'est compliqué, Jil.

Elle glousse.
Putain, à cet instant précis je devrais être à Winter Haven, dans cette foutue baraque avec Holly. À cet instant précis, je devrais être en train de passer une soirée merdique auprès de la plus belle créature résidant sur cette planète. L'idée qu'elle ai décidé de partir avec mes parents, Rachel et Lucas me rassure autant qu'elle m'angoisse. Au moins, je sais exactement où elle passe la soirée, mais je sais également avec qui elle la passe. Putain de Lucas.

- Tout a toujours été compliqué avec toi, Kerian, murmure Sandy. Toute cette merde, ce n'est pas toi. Et tu le sais si bien que moi. Je ne sais pas ce que cette petite garce t'a promis ou de quoi elle t'a menacé mais oublie. Pense à Holly.

Le plus con, c'est que c'est exactement ce que je fais. Je ne pense qu'à Holly, qu'à son bien. Du moins j'imagine. Je ne peux m'empêcher de me demander comment elle aurait réagi si j'avais finalement décidé de tout lui révéler, de lui donner la réelle raison de mes craintes. Si je lui avais tout dit pour cette histoire. Peut-être qu'elle ne m'en aurait pas tant voulu, peut-être qu'à cet instant précis nous serions en train de siroter des cocktails immondes en faisant semblant de s'intéresser à la vie merdique de tous ces ploucs. Cette soirée avait beau être rasoir à souhait, y aller avec Holly m'aurait comblé de joie. De plus, je sais exactement où cette histoire aurait fini ! Au beau milieu du jacuzzi !
Putain, j'ai brisé le cœur d'Holly et la seule chose à laquelle je pense c'est la prendre dans le jacuzzi ? Qu'est-ce que je peux être con.
Les regards noirs de Jil et Sandy me ramènent sur terre. Putain, je ne peux pas la laisser. Il faut que j'y aille. Je dois à tout prix me pointer là-bas. Et tant pis si c'est pour me prendre un râteau. Au moins, je la reverrai. J'ai besoin de la voir, j'ai besoin de la sentir, la savoir près de moi en sécurité. J'ai un besoin irrépressible d'entendre à nouveau éclater son rire, d'observer son rayonnant sourire, d'admirer ses sublimes yeux verdâtres.
Les deux filles n'ont finalement pas le temps d'en placer une que je fais volte-face pour quitter le bar en courant. Je jette un regard à ma montre, il est dix-neuf heures, avec un peu de chance je serais là-bas à vingt-deux heures. Non, disons vingt et une heure trente !
Je bondis littéralement dans la voiture avant de démarrer en trombe. Putain, mon teeshirt est degeulasse et mon jean noir serti de trous. Je ne peux pas me pointer comme ça, mes propres parents me jèterai à la porte. Quelques jours avant ma trahison, Holly et moi sommes allés dans un foutu magasin de prêt à porter. Elle m'a fait acheter un merdique déguisement de pingouin depuis délaissé dans le coffre de ma caisse. Foutu costard. Il est hors de question que je ne l'enfile.


Il est finalement dix heures moins vingt quand je me gare dans la cour de la baraque. Le crissement de pneus de ma bagnole font se retourner deux trois personnes au loin, je n'y porte pas la moindre attention avant de bondir de la voiture pour rejoindre le coffre. Putain, je ne peux pas mettre ça, elle va se foutre de moi.
Je dois me triturer les méninges cinq bonnes minutes, recherchant une autre option avant de finalement capituler. Putain de tenue de pingouin.
J'enfile rapidement la chemise noir assortie au pantalon sans pour autant retirer mes boots. Mon look est ridicule, mais je n'en ai rien à foutre. J'abandonne finalement l'idée de mettre cette foutue cravate avant d'accourir vers la porte d'entrée, manquant de percuter ma mère.

- Kerian. Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu fais là ?

Elle a l'air effrayée. Ouais je sais, elle ne m'attendait pas. Et me voir ici je la réjouit pas. Je la comprend. Mais putain pourvus qu'elle me laisse passer.
J'ai beau être sur les nerfs et pressé, je ne peux m'empêcher d'admirer sa tenue. Une sublime robe verte lui arrivant aux chevilles. Elle est magnifique et son maquillage ainsi que ses cheveux parfaitement frisés lui retirent une bonne dizaine d'années.

- Je... Holly...

Merde, je n'arrive même pas à formuler une putain de phrase. Vous le croyez ça ?

- Tu ne devrais pas.

- Je sais.

- Elle s'amuse.

- Je... sais.

Putain, elle s'amuse vraiment ? Une partie de moi espérait secrètement que cette dernière se fasse chier à mourir ici. La voir s'amuser sans moi me brise le cœur. A vrai dire, c'est la voir vivre sans moi qui me chagrine, vivre et profiter. Tandis que je ne suis capable que de survivre sans elle.

- Entre.

Je n'en reviens pas. Le doux sourire de ma mère me noue la gorge. Comment une femme si douce peut avoir enfanté un tel gamin ?
Et je n'ai pas le temps de la remercier que mon regard se pose sur elle, sur ma sublime Holly. Ses longs cheveux parfaitement lissés semblent suivre à la perfection les courbes de son corps. Sa robe mi longue de couleur or souligne à merveille le vert de ses yeux. Je crois ne jamais l'avoir vu si sublime, je veux dire, il m'arrive souvent de la trouver sexy en robe, à tomber parterre, adorable. Mais cette fois-ci c'est différent. La classe et la distinction de la belle blonde semble à son paroxysme avec cette tenue.

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant