Chapitre 65

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Kerian

Je n'arrive pas à croire qu'Holly, moi et les autres ayons eu droit à une certaine accalmie durant le long mois suivant ma bagarre avec Leo. Cette petite merde à visiblement abandonné l'idée de me piquer Holly, et c'est tant mieux ! De son côté, Luna est toujours en rogne contre moi, mais si j'oublie les quelques brouilles ou insultes passagères ayant eu lieu durant ces deux mois, alors Luna s'est conduite d'une manière étrangement irréprochable. Bien trop irréprochable à mon goût d'ailleurs.

- Prêt ?

Holly se tient là, face à moi, dos à la porte, vêtue d'un jean ainsi que d'un de mes teeshirt bien trop grand. Elle vient de débarquer sans prévenir dans la chambre et sa mine enjouée m'intrigue. Prêt ? Pourquoi est-ce que je devrais me tenir prêt ?

- Pour ?

- La lettre ! Elle vient d'arriver !

Je bondis de la chaise de bureau sur laquelle j'étais assise, lâchant négligemment mon crayon à papier avec laquelle je griffonnais quelques dessins puis me rue vers Holly. Ses joues ont virées au cramoisi et un large sourire est scotché à ses lèvres pleines. Elle est adorable. Soudain, une part de culpabilité me saisit de plein fouet. Et si j'étais accepté ? Et si je devais partir ? Que deviendrai notre relation ? Les paroles de Leo lors de notre dernière altercation me reviennent en mémoire. Il a raison, dès que je ne serais plus là, il aura tout le loisir de faire chier Holly pour qu'elle ne revienne auprès de lui. Et moi, je ne pourrai rien faire. Putain. J'ai été stupide de déposer cette candidature, j'ai été stupide de parler de ce projet à Holly. Si je ne l'avais pas fait, elle ne m'aurait pas poussé à aller au bout de mon projet, et j'aurais pu rester ici avec elle. Qu'est-ce que je dois faire ? Qu'est-ce que je compte faire ?

- Alors, qu'est-ce que tu attends ? Ouvre-là !

Elle ne devrait pas être si heureuse pour moi, pourquoi est-ce qu'elle paraît si réjouie ? Je vais peut-être me tirer à des milliers de kilomètres, et elle... elle continue à être plus qu'heureuse pour moi. A sa place, je l'aurais empêché par tous les moyens de se tirer loin de moi. Pourquoi pas elle ?
Repoussant ces questions, j'ouvre violemment l'enveloppe, mon cœur bat fort, très fort, si bien que j'en ai du mal à canaliser ma respiration. Cette putain de boule au ventre ne me quitte pas, elle s'amplifie même à la seconde où je me mets à lire cette lettre.

- Cher monsieur Duchemin, nous avons le plaisir de vous annoncer votre acceptation aux Beaux-arts, vos œuvres nous ont énormément touchés...

Je ne lis pas la fin de la lettre, la laissant tomber sur le sol de ma chambre.

- Je suis... accepté.

Les douces mains d'Holly entourent mon buste tandis que je dois me faire violence pour paraître ravi. Je n'arrive pas à me réjouir, je ne parviens pas à me dire que je m'apprête à faire ce dont j'ai toujours rêvé. Je n'y arrive pas.

- C'est super ! Je le savais, je savais que tu serais accepté !

Son ton enjoué me brise d'autant plus le cœur. Je ne mérite pas qu'elle soit si heureuse pour moi, putain, je m'apprête à l'abandonner, encore.
Je me laisse tomber sur mon lit, couvrant mes yeux de mes deux mains.

- Qu'est-ce qu'il t'arrives, Kerian ?

- Rien.

- Dis le moi. S'il te plaît.

Son ton suppliant me fait fondre.

- Je ne peux pas partir.

- Quoi ? Pourquoi ?

- Holly... sérieusement, est-ce que tu crois que tu pourras supporter la distance ? Moi, pas. J'ai besoin d'être avec toi. Je n'arrive pas à me tenir éloigné de toi, et des milliers de kilomètres, c'est... impossible. Je gâcherai tout entre nous.

- Tu dois partir, Kerian.

Là, je bondis du lit, repoussant doucement le corps frêle de la petite blonde face à moi. Je suis en rogne putain. Cette foutue lettre aurait mieux fait de ne jamais arriver. Tout aurait été plus simple si je n'avais pas été accepté dans cette putain d'école.

- Pourquoi, Holly ? Putain de merde, pourquoi est-ce que tu t'obstines à vouloir me laisser partir là-bas ? Alors que tu sais pertinemment que tu seras effrayée, tu auras peur que je vois d'autres filles, peur que je ne redevienne le salaud que j'étais avant. Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ?

Mon beuglement la fait reculer de deux grands pas, elle a peur. Je le vois dans ses yeux.

- Parce-que si tu ne pars pas, tu m'en voudra un jour ou l'autre. Tu m'en voudra de ne pas t'avoir laissé réaliser ton rêve. Ne croit pas que te voir partir si loin me réjouit. Mais je suis heureuse que tu aies l'opportunité de faire ce que tu as toujours rêvé. Et si tu ne peux pas le comprends alors...

- Je t'aime, je souffle, m'approchant à pas de loup d'elle avant d'attraper fermement ses hanches.

- Je t'aime aussi Kerian. Alors tu as intérêt à accepter cette chance incroyable. Tu l'as dis toi même, tu ne peux pas rester loin de moi, et c'est pareil pour moi. Alors même si les choses se passent mal une fois parti là-bas, on se retrouvera. On se retrouvera toujours, Kerian. Toi et moi, cette histoire, elle est loin d'être terminée. C'est loin d'être une amourette de lycée, c'est bien plus fort que ça et... on est bien plus fort que ça.

- D'accord.

Pour ce soir, je lui accorde, bien que je sais pertinemment que j'ai encore besoin de temps avant de décider ce que je veux vraiment. Je dois partir, il le faut, mais est-ce que je le ferai vraiment ? Des tonnes de questions se bousculent dans ma tête tandis qu'elle m'attire jusqu'aux escaliers avant de ne les dévaler et de tomber nez à nez avec madame Jensen. Putain, j'avais oublié ce foutu repas.

- Kerian, grogne-t-elle.

- Barbara, je réplique.

Elle parait surprise. C'est vrai, je ne l'ai jamais vraiment appelée par son prénom, et l'entendre sortir de ma bouche sonne étrangement. Mais je le fais dans un seul et unique but : la provoquer.

Une bonne heure à passé et je me retrouve assis à table entre madame Jensen et Holly, Rachel face à moi et Owen dans l'angle, près de ma blondinette. Putain, pourquoi est-ce que j'ai pris cette place ? Les remarques désobligeantes de madame Jensen commencent à me taper sur le système et je ne sais pas si je pourrais tenir ma langue encore longtemps, bien que je tente tant bien que mal de rester aimable et courtois. Je le vois au regard suppliant de ma mère, c'est important pour elle. Je peux sentir toute la gêne et la tristesse émaner d'elle. Cette situation la dérange. Elle a toujours considéré Owen et Holly comme ses enfants, et madame Jensen a toujours considéré Rachel comme sa seconde fille, les choses ont été différentes avec moi. Je me suis toujours posé la question du pourquoi, mais les révélations de monsieur Jensen quelques mois plus tôt donnent une certaine explication à cette distance qu'elle a toujours gardé avec moi, à cette petite part de méfiance. Et maintenant que je le sais, j'ai de plus en plus de mal à le cacher à Holly et Owen. Sérieux, ce type avait beau être un connard qui l'a mise enceinte, la moindre des choses serait de le dire à ses propres progénitures ! Je comprends de plus en plus le fait qu'elle et Holly n'aient jamais été très proches. Elle ne voit en elle que le reflet de sa jeunesse, et ça, c'est triste.

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant