Chapitre 45

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Kerian

Je n'ai pas pu me résoudre à aller au bahut aujourd'hui. Après avoir posté mon dossier pour les Beaux-Arts j'ai décidé d'aller faire un tour en voiture sur Hollywood Beach. J'ai bien dû me faire accoster par pas moins de six nanas, aucune n'avait le quart de la beauté et de la simplicité d'Holly. Aucune ne lui arrivait à la cheville. J'ai bien essayé de trouver un lot de consolation autre que cette conne de Luna, mais je n'ai finalement pas pu m'y résoudre.

- Merde Kerian, tu m'as entendu ?

C'est finalement la voix de Charlie qui me sors de mes pensées. Je me redresse sur mon tabouret avant de balayer le salon de tatouage du regard. J'ignore combien de temps j'ai passé à rêvasser ici, sûrement un bout de temps. Putain, ils doivent me haïr d'avoir un employé si merdique !

- Quoi ?

Mon grognement la fait presque rire.

- Je t'ai dit de bouger ton cul et de m'accompagner boire une bière.

- Non. Je dois rentrer.

Je n'ai même pas envie d'avaler une goute d'alcool. Je suis à vrai dire bien trop occupée à me demander où Holly peut-être passer la nuit. Si elle n'est pas à la maison, où est-ce qu'elle peut être ? Je n'ai même pas osé le demander à Sandy ou Jil de peur de me faire envoyer sur les roses. Et elles auraient tout à fait raison. Putain, en obéissant à Luna, j'ai tout perdu. J'ai perdu mes potes, le peu de considération que m'apportait encore ma frangine et pire que tout, j'ai perdu tout l'amour qu'Holly portait encore pour moi. Tout ça, tous ces dégâts pour une seule personne, pour un seul putain de secret, pour une foutue connerie d'adolescent. Quel con !

- Ce n'était pas une question. Tu viens Duchemin, roucoule-t-elle en me traînant jusqu'à la porte du shop.

Je ne devrais pas y aller, je n'ai aucune envie d'y aller. Et si je la croisais ? Si je croisais Holly ? Ou Owen ? Ou Jil et Sandy ? Je ne le supporterai pas. Je préférerai disparaître que de voir à nouveau la souffrance se dessinant sur son visage.

- Un verre.

Elle acquiesce d'un signe de tête plus qu'enjoué avant de me tirer sur cinquante mètres jusqu'à notre bar habituel. Je ne peux pas croire que je vais m'enfiler une bière alors qu'Holly se trouve peut-être à la rue. Et tout ça, c'est ma faute. C'est moi qui l'ai emmené chez Val, moi qui ai fait germer cette idée de tatouage dans le cerveau de la blondinette.

- J'imagine que t'as encore merdé avec Holly, souffle-t-elle en s'asseyant sur un tabouret au comptoir.

Je fais de même avant de m'avachir sur le même comptoir.

- T'as pas idée.

Je me prendrai une énorme gifle de la part de Charlie si je lui racontait ce que je viens, une nouvelle fois, d'infliger à Holly.
Tandis que Charlie commande un whisky, je me contente d'une bière. Je n'ai pas la moindre envie de boire et je le ressens à la seconde même où le liquide caresse mon palais, me restant dans la gorge.

- Bien. Qu'est-ce que tu comptes faire pour tes dix-huit ans Kerian ?

- Quoi ?

- Demain... tes dix-huit ans. Qu'est-ce qui te prend mon vieux !

Elle glousse.
Putain, j'avais totalement oublié que mon anniversaire était demain. Je m'en vaux d'autant plus d'avoir merdé avec Holly en me remémorant la merveilleuse soirée dont nous avions parlé : Un repas au restaurant le midi, une après-midi à la plage et pour conclure, une bonne soirée en petit comité chez elle.
Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'elle a désormais prévu, si la soirée sera maintenue bien qu'elle se soit faite expulser de chez elle. Et plus que tout, je ne peux m'empêcher de me demander qui y sera. Qui la réconfortera. Putain de merde, j'ai un mauvais pressentiment.

- Rien. Rien du tout.

- Kerian, tu auras dix-huit ans demain. En France tu pourrais entrer légalement dans les bars à cet âge là ! Merde, il faut à tout prix le fêter.

- Non. Pas sans Holly.

Elle dépose violemment son verre contre le comptoir. Je peux ressentir toute la colère s'emparant d'elle. Et là, je dois avouer ne pas être rassurée. Après tout, je connais bien assez Charlie pour savoir que lorsque cette dernière se met en rogne, mieux vaut ne pas rester dans les parages.

- Tu comptes m'expliquer ce que tu viens de lui faire ? Grogne-t-elle.

- Je... c'est Luna.

- Qu'est-ce que cette pétasse a à voir dans cette histoire ?

- Elle m'a menacé. Putain, elle en sait plus sur moi que n'importe qui et... cette fois, je n'ai pas su lui dire non. J'étais obligé de... faire du mal à Holly pour la préserver.

- Qu'est-ce que tu as fait, Kerian ?

Sa mine horrifiée me donne mal au cœur.

- Je lui ai fait croire que je m'étais remis avec Luna. Alors que... alors qu'elle et moi étions toujours ensemble. Putain, je lui ai fait croire que je la laissait tomber pour cette pétasse.

Et là, je sens la main de Charlie agripper mon oreille avant de me tirer à l'extérieur du bar du plus fort que son corps ne le permet. Elle ne cesse d'hurler d'innombrables insultes tout en me faisant valser contre le mur du bar. Je n'ose même pas me débattre. Frapper Owen pour tenter de rendre ma réaction « crédible » m'a déjà fait assez de mal et il est hors de question que je ne lève la main sur Charlie.

- Tu n'es qu'un petit connard. Qu'un putain de merdeux, hurle-t-elle en agrippant mes épaules de ses deux mains.

Ma taille surplombe la sienne de seulement quelques centimètres. Je dirais quatre ou cinq. Mais elle a beau être plus petite que moi, je suis tout bonnement effrayé à l'idée de ses possibles réactions.

- Je sais...

- Pourquoi ? Kerian, putain de merde qu'est-ce que tu as dans le crâne ?

Son beuglement fait sortir des ou trois habitués du rad. Ils doivent bien se marrer qu'une nana puisse me botter le cul.

- Qu'est-ce que tu as fais ? Qu'est-ce que tu lui caches ?

- Je... putain il est hors de question que je te le dise !

Elle recule d'au moins deux pas à l'entendre de mon hurlement.

- Kerian...

Son murmure m'apparaît comme une forme de pitié, si bien que cette fois je craque, me laissant tomber sur le sol, dos contre le mur et genoux repliés contre mon abdomen, ne pouvant plus retenir mes larmes.
Je peux sentir toute la pitié se dessiner sur le visage de Charlie à mesure que mes larmes coulent le long de mes joues. Putain de merde, pourquoi est-ce que je chiale encore comme une tafiolle ? Fais chier.

Soulmate - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant