POLAK

-29-

PDV BILLIE
02h16

-Barres toi Mathieu. Dis-je sans me retourner

Je bu une gorgée de mon verre et le reposai bruyamment sur la table.

-Faut qu'on parle.
-Tu crois pas que c'est un peu tard pour ça?

Il enleva sa main de mon épaule et alla s'asseoir en face de moi.
Son visage était fermé, et ses yeux sombres me dévisageaient intensément.
Je gardais la tête baissée, jouant avec les gobelets vides éparpillés sur la table.
Il m'agaçait déjà.

-C'est jamais trop tard.

Je levai les yeux aux ciel, tentant de contenir ma colère.
Tant que je ne lui donnais pas ce qu'il voulait, je savais très bien qu'il ne partirait pas.
Il était bien plus borné que moi quand il le voulait et j'étais épuisée d'avance à l'idée de devoir batailler avec lui pour qu'il me laisse tranquille.

-Je t'écoute, puisque t'as tant de choses à me dire.

Il sembla étonné par ma réponse.
Avec nonchalance, j'attrapai une clope dans mon paquet et l'allumai sans prêter attention à l'air dépassé du polonais en face de moi.

-J'suis désolé.

Mathieu qui s'excusait?
Une grande première.

Je soufflai du nez et esquissai un sourire désintéressé.

-C'est tout? Dis-je sans arriver à cacher la haine dans le ton de ma voix
-Non.

Il alluma un joint et tenta de capter mon regard tant bien que mal.
Stoïque, je restais concentrée sur mes gobelets et mes miettes de gâteaux apéritif.

-Reviens Bil'.

Je ne répondis pas.
Il me fixait, attendant une réponse quelconque de ma part.
Même un simple onomatopée.
Mais rien ne sortais de ma bouche.
J'étais devenue muette.

-Tu me manques. La Billie que je connaissais me manque.

Je relevai lentement la tête et avalait une gorgée de mon verre, le serrant un peu trop fort.

-Elle est morte Mathieu. Morte et enterrée.

Il me contempla pendant de longues secondes, l'air sûr de lui.

-Tu mens.
-J'en ai vraiment l'air? C'est toi le menteur dans l'histoire. Toi et toutes tes belles paroles. Tout ce que t'as pu me dire. Tout ça pour te trouver une nouvelle pétasse au bout d'un mois.

Un long silence plana dans la pièce, simplement décoré par la musique en fond et les conversations bruyantes des convives.

-J't'ai jamais menti Bil'. Je t'ai aimé, je t'aime et je t'aimerai toujours.

Mon cœur se brisa lorsque je l'entendis prononcer ces simples mots.
Prise de colère, une larme de rage vint se loger au coin de mon œil droit.
Elle coula sur mon visage, qui lui, était resté stoïque et sans aucune expression.

-T'as pas le droit de me dire ça Mathieu. T'as pas le droit de revenir comme ça avec une phrase jetée au feu.

PDV PLK

J'savais pas quoi faire.
Ni quoi dire.
Elle avait l'air tellement abîmée.
Son visage était vide, comme si elle ressentait plus rien.
La vérité c'est que j'étais au courant de tout c'qu'elle endurait depuis qu'on se parlait plus.
Ses problèmes de fric et son addiction aux drogues dures.
Ça se voyait rien qu'en la regardant.
Elle avait perdu du poids, ses cernes étaient plus marquées et y'avait plus ce truc chez elle qui faisait qu'elle illuminait la pièce quand elle arrivait quelque part.
J'm'en voulais.
J'avais envie de l'aider à enfin trouver la paix.
Mais elle voulait plus de moi.
J'le voyais bien dans son regard.
Même à travers les larmes.

Elle poussa un long soupir, avant de tirer une dernière taffe sur sa clope et de jeter son mégot dans une bière vide.
Sans parler, elle se leva lentement avant de s'approcher de moi.

-Je t'aime aussi Mathieu. Dit-elle sans me quitter des yeux. Je t'aime aussi mais je peux plus être avec toi.
-Dis pas ça...Dis-je en attrapant son bras

Je me levai et tentai de la retenir contre moi.
On se quittait pas du regard.
Ses yeux étaient remplis de larmes, elle avait l'air épuisée.
Je pouvais sentir son souffle venir s'écraser contre mon torse et son parfum imbiber la pièce de son odeur.
Son corps, devenu de plus en plus frêle, se colla peu à peu au mien, tandis que ses doigts maigrichons se mirent à parcourir ma nuque.
Elle posa sa main sur ma joue et s'approcha lentement, sans me quitter des yeux.
La tension était horrible.
J'mourrais d'envie de l'embrasser.
Et la voir pleurer comme ça ça me mettait hors de moi.
J'avais vu pleins de trucs que personne aurait voulu voir, mais pour moi ça restait le pire.

-Bil'...

Elle murmura un "chut" presque inaudible avant de poser ses lèvres sur les miennes avec une douceur que je lui reconnaissais pas.
C'était un baiser d'adieu.
J'le savais très bien.
J'arrivais même pas à lui en vouloir.
Parce qu'après tout c'que j'lui avais fais je pouvais comprendre.
Mais j'avais pas envie de la laisser partir pour de bon.
Je pouvais pas.
Parce qu'à travers de simples regards j'avais très bien compris ce qu'elle voulait faire.
Et personne pouvait retenir Billie Jones.
Plus personne pouvait la sauver.

Elle s'éloigna lentement de moi, avant d'attraper son sac sur le sol et de prononcer une dernière phrase.

-Je t'aime Mathieu. Je t'aime autant que je te hais.

Elle hésita quelques secondes avant d'ouvrir la porte, et se décida finalement à sortir.
J'restais debout, incapable de bouger.

J'pouvais pas la laisser partir.
Elle pouvait pas nous quitter.
Elle avait pas l'droit.

•••