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Elle se tenait droit debout, sur le rebord du toit de son immeuble.
Ses yeux fixaient l'horizon, le regard toujours aussi vide.
Son corps tout entier tremblait, de froid ou de peur.
Elle avait l'air si seule.
Pas un poil terrifiée.
On aurait dit un fantôme qui contemplait la tristesse de la nuit.
Plus aucun son ne pouvait sortir de sa bouche, comme si on avait verrouillé ses lèvres et jeté la clef.
Ce spectacle qui s'offrait aux oiseaux nocturnes était à la fois magnifique et terriblement mélancolique.

Une voiture se gara en bas, faisant un dérapage presque incontrôlé.
Un homme aux cheveux décolorés en sorti en fureur, courant jusqu'à la porte de l'immeuble.
Il tapa le code à une vitesse démesurée et enjamba les escaliers, jusqu'à déboucher sur le passage menant au toit.
Son visage affichait un air paniqué et colérique à la fois.
Avec rage, il poussa la porte et aperçu la jeune fille tremblotante au loin.
Elle était dos à lui, ses longs cheveux bouclés flottant dans la brise glacée de l'hiver.
Sa veste gisait sur le sol, aux côtés de son sac à dos noir et de ses talons de la même couleur.
À vrai dire, elle n'avait même pas remarqué la présence du jeune homme qui se tenait à quelques mètres d'elle.
Il hurla son nom de toute ses forces, faisant sursauter sa belle.
Instinctivement, elle ferma ses paupières et fit un pas de plus vers le vide.
Sans réfléchir, il se mit à courir vers elle, tandis qu'elle se préparait à chuter, voulant rejoindre le bitume froid de la rue piétonne.
Il cria son nom une seconde fois, puis une troisième.
Mais aucune réponse.
Dans un mouvement étonnamment gracieux, elle se retourna, ouvrit grand ses bras, laissant la gravité s'occuper de la suite.
Elle ressemblait étrangement à un ange dans cette position.

L'homme cria son nom une quatrième fois, arrivant à quelques centimètres de son corps.
Ses bras entourèrent la silhouette de la jeune fille et la jetèrent sur le sol dur du toit.
Elle étouffa un braillement, avant de rester allongée par terre, à tenter de réaliser ce qu'il venait de se passer.
Le blond accouru à ses côtés, serrant le corps frêle de celle qu'il aimait contre lui.
Les yeux de la brune étaient écarquillés, remplis de larmes et rougis par la drogue qui coulait dans ses veines.
Elle pleurait sans pouvoir s'arrêter, enlaçant à son tour son sauveur.
Des traits noirs virent se dessiner sur ses joues, faisant disparaître le peu de maquillage qu'il lui restait sur la face.

"Je t'aime, je t'aime, je t'aime." Répéta-t-elle en prenant le visage du polonais entre ses deux mains.

Elle l'embrassa entre deux sanglots, avant d'enfouir à nouveau sa tête dans le creux de son cou.
Il caressa doucement ses cheveux, essayant d'apaiser toute la douleur qui habitait le corps de sa bien aimée.
Aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche.
Alors il restait là, à la garder contre lui de peur qu'elle s'échappe encore une fois.
Les étoiles veillaient sur eux, observant tristement la scène.
Le froid se faisait de plus en plus consistant et les oiseaux se rapprochaient des deux amants dans une danse sordide, attirés par tout ce vacarme.

Ils restèrent longtemps l'un contre l'autre, assis sur le sol, incapables de se détacher.
La brune poussa un hurlement de douleur.
Elle était complètement détruite.
Tellement brisée que ses blessures psychologiques devenaient physiques.
Le blond la serra un peu plus fort, tentant de la rassurer tant bien que mal.
Il se leva et la porta jusqu'à l'escalier, tandis qu'elle sanglotait sans s'arrêter.
Sans un mot, il referma la porte derrière lui, laissant le toit vide et sombre comme à son habitude.
Les oiseaux retournèrent à leurs places habituelles, dans les arbres et sur les poteaux, tandis qu'un nuage vint légèrement cacher la lumière de la lune.
Tout était redevenu bien silencieux.

La mort avait raté sa belle ce soir.

•••

POLAKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant