Un peu de bonheur

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Les jours continuent de s’écouler lentement, tout est calme si on oublie les tracas quotidiens des prisons tels que les cris des détenus, des bagarres ou encore les ordres des gardiens pour X raisons.

J’ai parfois l’impression d’être dans une espèce de boucle temporelle où toutes les journées se ressemblent, après tout c’est un peu ce qui régis ma vie depuis que je suis enfermée, sauf si on prend en compte les périodes d’isolement.

Finalement, nous sommes aujourd’hui le jour que je redoutais le plus de l’année, nous voilà maintenant le quinze Mai, le jour de mes dix-sept ans. Tout comme Noël, c’est une journée qui se passera comme les autres, sans aucuns changements quel qu’il soit et ça me convient très bien, c’est une occasion pour moi d’être au calme.

Je n’ai rien prévue de faire si ce n’est travailler sur le moteur que j’ai entre les mains depuis plusieurs jours, aider part un mécanicien certifié, j’apprends sur le tas tout ce que j’ai besoin de savoir et il faut dire que mon comportement s’est nettement amélioré depuis que j’occupe mes journées.

La particularité de cette activité est déjà que nous avons quelqu’un de l’extérieur qui vient à titre bénévole en échange d’une aide dans son garage situé à proximité de la prison.
Nous avons le droit à un petit revenue par l’Etat et lui, peu bénéficier d’une main d’œuvre gratuite, un compromis qui semble arrangé tout le monde.

Tout est relativement calme si ce n’est quelques commentaires de mes collègues ainsi que les différents bruits des machines à proximité, c’est même relativement étrange parce que de base, certains peuvent même hausser le ton sans aucune raison apparente.

D’un coup, des bruits de pas attirent mon attention, en relevant la tête, je constate que face à moi ce trouve non seulement Lola, ce qui est une première étant donné qu’elle ne supporte pas l’odeur de l’essence, mais également les garçons de son cercle d’ami.

Je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit que Juan ainsi qu’un autre des garçons m’attrapent par les jambes et les bras puis me porte malgré le fait que j’essaie tant bien que mal de me débattre.

Je ne sais pas du tout ce qu’il se passe, mais lorsque Lola se met à me mettre un sac noir sur la tête, je comprends qu’elle a manigancer quelque chose et que le mieux que je puisse faire est de suivre le mouvement.

Il a fallu plusieurs minutes avant que les garçons me posent sur mes jambes. Je me tiens tout de même à leurs épaules, perturbée par le fait que je ne vois absolument rien, autour de moi, j’entends quelques voix sans pouvoir mettre de prénoms dessus. Il ne s’agit que de chuchotement ainsi que quelques rires étouffés.

Après des minutes qui m’ont semblées interminable, Lola me retire le sac, faisant ébouriffer mes cheveux, juste en face de moi, le groupe en entier se met à crier « surprise », ainsi qu’un joyeux anniversaire.

En regardant un peu partout, je me rends compte que nous sommes dans une pièce faisant office de salle de sport. Sur une table juste derrière le groupe se trouve un gâteau industriel avec quelques gobelet rouge et une bouteille de coca, ne comprenant pas dans un premier temps, il m’a fallu quelques minutes pour saisir qu’ils ont fait cela uniquement pour moi, pour mon anniversaire.

- On a mis plusieurs semaines, explique Lola, mais finalement nous avons eu l’accord du directeur, il faut dire que le fait que tu t’es calmée à beaucoup jouer en ta faveur !

C’est avec un immense sourire que je fais le tour de la pièce pour remercier tout le monde. Entre temps, je vois l’une des filles mettre en route un vieux poste radio pour avoir une musique d’ambiance même si nos conversations vont probablement couvrir les grésillements qui émets du poste.

Nous passons donc toute la journée dans la pièce, entre nous règne une ambiance bonne enfant. Parfois j’ai l’impression, du moins quand je suis en leurs présences, d’être dehors ou sous un préau avec ma bande d’ami.

Bien que quelques gardiens passent aléatoirement devant la pièce qui doit constamment être ouverte, nous nous en préoccupons pas et continuons de célébrer cette journée qui n’est pas seulement pour moi mais pour nous tous.

Le sujet de leurs sorties arrive sur le tapis, je prends en compte le fait qu’il leurs restent exactement six mois avant de partir de ses murs pour une liberté qui leurs a été privée depuis bien trop longtemps.

Si Lola a été emprisonnée pour être la nourrice d’un groupe de dealeur, Juan ainsi que son cousins, ont été arrêtés pour avoir agressé un garçon qui voulait violer une jeune fille. Le problème dans cette équation, est que le garçon en question est fils de procureur et donc, la faute à été reporter sur des mexicains.

La jeune fille aurait pu donner sa version des faits, une manière de les remercier d’avoir empêché son agression, pourtant elle n’a rien fait, se contentant de reprendre sa vie comme elle l’était avant ce soir-là.

En faisant le tour de la table, je me rends compte que les raisons d’un emprisonnement sont diverses et variées, néanmoins, je suis encore une fois, la seule à avoir purger pour meurtre, ce qui me convient très bien.

Je n’imagine pas un seul instant voir l’un de mes amis tuer quelqu’un comme ça.

Comme Lola m’avait dit, ils prévoient tous de repartir pour le Mexique, de toute façon par ici, une personne avec un casier judiciaire trouve difficilement un travail alors si en plus, c’est un étranger, autant dire que c’est mission impossible.

La correspondance entre le Mexique et les Etats-Unis est déjà compliquée en soit, alors si en plus, on complète avec un centre pénitencier, cela relèvera d’un parcours du combattant. Je ne dois pas être la seule à le penser parce que le regard de Lola ainsi que Juan se sont assombris, ils comprennent qu’une fois en dehors de ses murs, nous ne pourrons plus communiquer avant longtemps, si ce n’est jamais.

Voulant absolument faire renaitre un sourire sur les lèvres de mon amie, je me mets à parler de la proposition de Lola concernant un tatouage qu’elle souhaite me faire.

Sa réaction ne se fait pas attendre, des étoiles semblent illuminées ses yeux à l’idée du tatouage. Comme prise d’une nouvelle énergie, elle m’annonce qu’elle a déjà le dessin et même fait les retouches nécessaire, qu’il ne faut que mon aval pour tout mettre en place.

Je ne mets pas longtemps à réfléchir et lui demande de voir le dessin avant de me prononcer. Il ne lui faut que quelques secondes pour ce lever de sa chaise puis fouiller dans ses poches. 

Devant mon air surpris, elle m’apprend qu’elle garde constamment le dessin sur elle au cas où j’aurais changé d’avis, ce qui a provoqué l’hilarité générale.

En prenant le dessins, je me rends compte qu’il s’agit de la Santa Muerte embrassant la faucheuse, le dessins en lui-même est en noir et blanc mais Lola m’annonce qu’il y aura aussi des zones en rouge que ce soit pour le maquillage de la Santa ou entre les fleurs de sa couronne.

Je suis comme tomber amoureuse du dessin de Lola, il n’y a pas à dire, elle est vraiment douée de ses mains et si elle sait manier aussi bien les aiguilles, je suis certaine de ne pas regretter mon choix.

- Si j’acceptes, commencé-je alors qu’elle est déjà sur le point de hurler de joie. Il te faudrait combien de temps pour le faire ?
- Yes je le savais ! Tout dépend où tu le souhaites, mais d’une manière ou d’une autre, il te faudra plusieurs séances.

Après que je lui ai dit que je le voulais entre les deux omoplates et qu’il fasse au moins la moitié du dos, Lola aider par Juan se sont mis à faire une liste des fournitures qu’ils ont besoins et aussi, comment faire passer le matériel tels que l’ancre de manière discrète.

Je pense que ce tatouage sera le seul et l’unique que j’aurais sur la peau, les autres étant ancrer dans mon cœur. Je sais d’avance que ça ne sera pas une partie de plaisir, mais c’est aussi une manière de me dire que tout ce que j’ai vécue avec eux, auprès d’eux, n’est pas un rêve mais belle et bien une réalité.

Etant donné que je fais également de la mécanique, nous convenons de commencer le soir où elle aura le matériel nécessaire, par mesure également de discrétion et de tranquillité, après tout, je l’imagine pas se mettre à me tatouer si quelques secondes plus tard, une dispute ou une bagarre la déconcentre et donc, qu’elle se blesse.

Ravie d’être son cobaye, Lola me sert fortement dans ses bras en me disant que je n’allais pas le regretter et qu’au contraire, j’en serais super contente et qu’une fois piquer, je penserais au seconde qu’elle me fera.

Je n’ose pas lui dire que pour le second elle peut encore courir et préfère au contraire, resserrer son étreinte.

La journée est passé ainsi, entre discussions sérieuses et fous rires.

Finalement, je me dis que mes dix-sept ans n’ont pas été des plus terribles comme je le pensais, ce n’est qu’un an de plus sur ma carte d’identité, ainsi qu’un rapprochement vers mon transfert, en tout cas, ils peuvent me mettre où ils veulent, parce que s’il y a bien quelque chose qu’ils n’auront jamais, c’est ma volonté de vivre.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant