Et après ?

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Travis


Lorsque j’ai rejoint le groupe de gars ce matin, je ne m’attendais pas à entendre une conversation à sens unique, donc probablement un message sur un répondeur, et encore moins que ça fasse référence à une collaboration entre un détenu et le directeur. Ni même qu’il s’agit d’un but aussi sordide ; faire souffrir un autre prisonnier.

Mais pourquoi le directeur ferait une telle chose ? Je peux accorder le fait qu’il soit louche mais à ce point, faut pas pousser.
Je peux accorder le fait que son métier ne soit pas de tout repos mais quand-même, on parle d’une vie là ! Je dois en parler à Spider, lui seul sait ce qu’il faut faire de cette information, en plus, il a le bras assez long pour contrer ou du moins, empêcher le problème sur une grande échelle, surtout si l’un d’entre nous est visé.

Enfin j’espère qu’il a le réseau suffisamment imposant pour faire ça.
J’ai également appris pour sa sortie anticipée, je suis content pour lui à n’en pas douter, mais malgré tout, je ne peux m’empêcher qu’une fois dehors, rien ne le retiendra de reprendre sa vie et oublier toutes les personnes qui sont ici, sous son aile. Ou même les promesses qu’il ait pu faire depuis son arrivé ici.

Ça me fait aussi penser qu’Anastasia va rester un bon moment entre ces murs, presque toute sa vie en fait, et bien qu’elle soit sous bonne garde grâce aux anciens, qui connaissent Spider et tous ses frères, les nouveaux eux, en sauront rien. Qui me dit qu’elle ne sera pas victime des agissements de ses derniers d’ici quelques années ? Personne.

Hors, c’est de ça dont j’ai le plus peur, parce qu’avouons-le, une fille face à un nombre incalculable d’homme en manque de sexe, l’issus est inévitable.
Décidant d’aller parler de tout ça au concerné, je me dirige avec les autres vers l’extérieur et regarde autour de moi. Je ne suis pas surpris de voir Anastasia dans les bras de Spider, discutant avec les gars autour d’eux, celui-ci ne la quitte plus d’une semelle depuis qu’elle est sortie d’isolement et je dois le dire, les voir ainsi me fait sourire.

Depuis que je le connais, il n’a jamais été du genre à s’attacher à une femme, le voyant même en rembarrer plusieurs d’entre elles depuis son arrivé. De ce que j’ai sus, il les prenait pour se soulager et rien d’autre, je suis étonné de le voir différemment maintenant. Mais connaissant aussi le tempérament de feu de ma petite sœur, je me dis que finalement, ils se sont bien trouvés.

Anastasia non plus n’a jamais été du genre à s’attacher. Loin de là même. D’un naturel réservé et prudent, je sais, pour l’avoir vécu, qu’elle préfère observer avant de faire son propre jugement sur les autres, ignorant tous les « on dit » et les avis des gens aux alentours.
Ne voulant pas gâcher leurs moments, je finis tout de même, à contre cœur et au bout de plusieurs minutes, de faire signe à Spider de me rejoindre. Je ne veux pas en parler devant Anastasia et j’ignore même, en réalité, s’il lui a parler de sa remise de peine.

Je remarque mon ami froncer les sourcils avant de déposer un baiser sur la tempe d’Anastasia et lui chuchoter quelque chose à l’oreille, le tout sans me quitter des yeux. Une fois cela fait, il se lève puis se dirige vers moi. Une fois à ma hauteur, il entame tout de suite la discussion, voulant sûrement retourner le plus vite possible auprès d’elle.

- Un problème ? Demande-t-il en regardant en direction d’Anastasia.
- Pas vraiment, j’ai surtout des question en faites.
- Je t’écoute.
- Dans un premier temps, est-ce qu’une fois que tu seras sorti tu nous laisseras pour reprendre ta vie d’avant, le voyant ouvrir la bouche je décide d’être plus claire. Et en disant « nous » je parlais en priorité d’Anastasia

Je vois ses sourcils se froncer de nouveau, signe évident que ce que je lui demande ne lui plait pas et d’un sens, je dois dire que ça me rassure, mais je veux en avoir le cœur net, il y a beaucoup de chose à prendre en compte avant de prendre la moindre décision.

- Il est hors de question que je la laisse ici sans défense une fois que je serais parti si c’est ta question, dit-il en serrant la mâchoire
- Et tu comptes t’y prendre comment ? Faire une connerie à peine sortie et croiser les doigts pour que tu reviennes sur Angola ? Tu sais très bien que ça ne se passe pas comme ça
- Je sais ce que j’ai à faire ne t’inquiètes pas pour ça. Anastasia est à moi et je tiens à ce que tout le monde le sache même quand je ne serais plus là.
- Et tu pars dans combien de temps rappelle-moi
- Deux mois, lance-t-il dans un soupir.

A voir le ton qu’il a employé, je comprends qu’il n’a pas osé lui dire pour le moment mais que ça ne saurait tarder, néanmoins, ne connaissant pas du tout la réaction qu’elle pourrait avoir, il n’ose pas entré dans le vif du sujet. Mais nous savons tous deux que c’est inévitable et qu’il vaut mieux qu’elle le sache de sa bouche plutôt que de quelqu’un d’autre.

- Il y a autre chose que tu aimerais me dire ? Me demande-t-il après m’avoir jeter un coup d’œil.
- Ouais mais… je sais pas si c’est important ou pas
- Ça concerne quelqu’un en particulier ?
- Oui mais j’ignore encore qui

Le voyant me regarder avec un air pas content, je décide de me la jouer franc-jeu, comme d’habitude, et de lui reporter, au mots près, tout ce que j’ai entendue.
Ce n’est pas rare qu’un fonctionnaire s’en prenne à un détenu contre un pot-de-vin sous la table ou même une faveur, mais le fait de ne pas savoir qui est la cible créer un sentiment de malaise que je n’arrive pas à réfréner. C’est comme si un danger était sur le point d’arriver sauf qu’on ignore de qui, ce que c’est exactement et les conséquence que tout ça va nous amener.

Comprenant sûrement l’urgence de la situation, je vois Spider partir vers l’intérieur sans dire un mot ce qui me surprend beaucoup. Jamais encore je n’ai senti cette panique qui habitait dans son regard.
Ayant vue, elle aussi, la scène, je remarque Anastasia s’approcher de moi, le regard remplie d’incompréhension.

- Tout va bien ? Je viens de voir Spider partir comme s’il avait le feu au cul, qu’est-ce qui lui arrive ?

J’aimerais lui dire tout ce qui se passe. Sauf que si je le fais, je sais d’avance qu’elle sera en hypervigilance ce qui équivaut à une véritable bombe à retardement, pétant et créant un véritable carnage quand la pression se fera trop forte, aussi, je décide de lui dire ce que, je pense, est la meilleure des réponses.
- J’en sais rien.

Je vois dans son regard qu’elle ne me croit pas, mais pour autant, elle ne cherche pas à en savoir d’avantage. Spider à une idée derrière la tête, espérons que ce serait dans le seul but de protéger Anastasia et rien d’autre.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant