Face à moi-même

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Anastasia


Dire que je me sens bien serait un mensonge. Le plus gros et improbable mensonge que la terre ait portée. Evidemment que je me sens mal, je ne cesserais jamais de penser à ce que j’ai fait ce jours-là, pour sauver une vie qui ne voulait que de me venir en aide.

J’ai compté les jours en fonction de mes sorties, si je ne me trompe pas, voilà exactement soixante-et-un jours que je suis en isolement, deux mois durant lequel j’ai entendue les gardiens siffler les chants de noël, les pas et les conversations des autres détenus sans pour autant, être entendue de qui que ce soit.
Si je me fis bien à tout ça, nous voilà désormais à la mi-janvier et voilà donc, en tout, quatre ans que je croupis en taule, plus que vingt-six avant de retrouver une liberté que je n’ai jamais connue jusque-là.

Je me souviens, lorsque j’ai pénétré cette pièce il y a plusieurs semaines de ça, que j’étais toujours menottée et vêtue de mes vêtements tâchés de sang et déchirés.

Une infirmière est arrivée au bout d’une dizaine de minutes en compagnie de trois gardiens, est-ce pour s’assurer de sa sécurité dans les couloirs ou avec moi ? J’en ai aucune idée mais toujours est-il que je n’ai pas bouger d’un iota pendant qu’elle me posait des questions et qu’elle m’auscultait contentieusement.

Rapidement, la confirmation d’une tentative de viol à été émise par cette femme, elle a ensuite pris en photo mes poignets bleuis par des marques de doigts et enregistrer mon récit, du moins tout ce que je me souviens de ce moment qui s’est passé rapidement pour certains, d’une extrême lenteur pour moi-même.

De ce que je sais, l’infirmière m’a certifier qu’une enquête se fera avec les gardiens pour savoir qui, parmi eux, sera sujets à reproduire ces faits et ceux de confiance, mais je sais d’avance que sa requête sera rejeter aussi sec, par manque de personnel ? Probablement, mais surtout parce qu’ils en ont rien à foutre.
J’ai passé les premiers jours à pleurer et vomir à intervalle régulier, en fait, à chaque fois que je m’étouffais avec mes larmes, je devais prendre un sceau pour éviter de me régurgiter dessus. J’en avais mal à l’estomac mais intérieurement, c’est comme si je me punissais pour avoir tué un innocent.

Parce que, que je le veuille ou non, ce gardien était innocent de toutes fautes, il a tenté de me violer, c’est un fait avéré, mais une tentative n’est pas une réalisation. Et jusqu’à preuve du contraire, un suspect est exempté de toutes punitions, quels qu’elles soient.

Depuis le passage de cette femme, je n’ai vue personnes. Nos repas sont passés par la trappe et surveiller, nous empêchant tous contacts avec les autres. Même durant les promenades.
En fait pour ma sortie vers l’extérieur, on me verrouillait toutes les issues et donnait des instructions via des haut-parleurs accroché en hauteur. Parce que bien que nous sommes privée de notre liberté aussi limité soit-elle, nous avons aussi aucune interaction sociale.

Je passe donc mes journées à réfléchir, ce qui en soit, n’est pas vraiment une bonne chose. En fait, je rumine plus qu’autre chose, pesant les pour et les contre de ce qu’est devenue ma vie et autant le dire tout de suite, il y a plus de négatif que de positif, à se demander ce que je fais encore sur cette terre.
Mais ce qui me vrille surtout les nerfs sont tous les bruits extérieurs. J’ai l’impression de devenir folle et que cette aile est faite exprès pour devenir bonne pour l’asile psychiatrique.

Tous les mouvements de pas, les paroles ou même les rires et les cris semblent être amplifiés de manière à percer les couches de bétons et arrivé à nos oreilles, de plus, il faut croire que nos pièces sont spéciaux parce que personne ne nous entend, même lorsqu’on hurle à plein poumons alors que tout le monde semble aux pays des rêves.
Parfois, je me dis qu’il faudrait que je sois transféré dans un établissement pour trouble psychologique. Le manque de présence commence à bien peser sur mes épaules et bien que je sois d’une nature solitaire, je n’ai jamais éprouvé un besoin aussi intense d’être en présence de mes semblables, même si ceux-ci ne me portent pas dans leurs cœurs. Je n’en peux plus d’être seule avec moi-même, j’ai besoin de quelqu’un, même si c’est pour me reprocher quelque chose.

Le bruit des portes qu’on déverrouille se fait entendre dans tous le couloirs ce qui laisse supposer qu’un gardien va arrivé pour, sûrement, nous distribuer nos repas. Bien que je ne bouge pas de ma place initiale, je repère tout de même que cet homme n’est pas tout seul, il y a deux bruits de pas bien distincts. Et l’un d’eux est particulièrement pressé.
-Anastasia ? Lance cette voix que j’entends même dans mes rêves.

Et comme à chaque fois que cette voix fait son apparition dans ma tête, je pose mes deux mains sur mes oreilles puis me berce d’avant en arrière en murmurant tels un mantra.
Ce n’est pas vrai, il est pas là, c’est ton imagination.
Un long frisson court sur ma colonne vertébrale lorsque j’entends la porte de ma cellule s’ouvrir puis des pas se faire entendre, mais pour autant, je ne bouge pas. C’est déjà arrivé tellement de fois avant que la réalité me rappel à l’ordre, alors que je me retrouve devant cette porte fermée, et personne autre que moi-même dans cette cellule.
Il y a pas à dire, je deviens vraiment timbrée.
Les pas se stoppent, derrière mon dos et bien que je jurerais être seule, une seconde respiration se fait entendre, juste au niveau de mon oreille.
-Anastasia, viens avec moi, il est temps de sortir maintenant
-Ce n’est pas toi… tu n’es pas réel
Pourtant, contrairement à d’habitude, Spider se place désormais face à moi, et après avoir pris une de mes mains, la place sur son cœur qui bat la chamade de façon inexpliqué.
-Je suis là, devant toi chaton, lève-toi, il est temps que tu sortes de cet endroit.

Je bougeant pas pour autant, je le vois me prendre dans ses bras avant de se lever, m’emportant avec lui. Ce n’est qu’à se moment que je me rends compte que tout ça est bien en train de se passer, je peux enfin sortir, c’est bel et bien terminé, du moins pour cette fois. Rien que pour cela, je pose mes bras autour de son cou, savourant sa présence comme si elle m’était vitale.
Des larmes dévalent mes joues tant je suis rassurée d’être auprès une personne aussi réconfortante que lui, bien que le trajet soit rapide, je l’écoute tout le long s’excuser pour ses agissements ainsi que ses paroles.
J’apprends en même temps que l’origine de mon pétage de plomb n’es rien d’autre qu’un quiproquo aux conséquences désastreuses. Je repère du coin de l’œil les regards emplis de respects des autres détenus dans notre direction, mais je ne sais pas exactement pour qui s’est dû, est-ce pour Spider ? Moi ? Et pour quelle raison d’ailleurs ?

J’espère que ce n’est pas pour moi et ce que j’ai fait, je me sens déjà coupable pour mon acte, il est hors de question que les plus grands assassins qui vit sous le même toit que moi pense que je suis comme eux, je le supporterais pas.
Je reprends le fils de mes pensées lorsque la voix de Spider, au timbre viril de base, se fait encore plus rauque.
-Je te le jure chaton, plus jamais tu n’auras à t’en prendre à un gardien, je ferais tout pour te protéger, même de toi s’il le faut.
Fermant les yeux et respirant son odeur, je me fiche éperdument d’où il m’emmène pourvue que ce moment ne s’arrête jamais. Je pense que les autres peuvent croire que j’ai un faible pour cet homme, et c’est sûrement le cas d’ailleurs, mais j’en ai cure.
Le plus important pour moi, c’est la sensation de sécurité qui m’envahis en pensant aux paroles de Spider, à l’odeur de sa peau qui emplis mes poumons au fur et à mesure de ma respiration.
Je n’ai aucun mal à le croire quand il me dit qu’il me protégera, parce que d’une certaine manière, c’est ce qu’il fait, il veille à ce qui m’arrive rien.

-Je ne sais pas ce que je ressens à ton égard chaton, mais je n’arrive pas à te faire sortir de la tête, j’espère que c’est la même chose de ton côté parce que sinon je n’hésiterais pas à tuer toutes les personnes qui se mettront en travers de mon chemin, chuchote-t-il après avoir déposé un baiser près de mon oreille.
Comme si ses mots sonnaient le moment à mon cerveau de ce mettre sur pause, rapidement je me mets à m’endormir, bercer par les pas de Spider et sa chaleur réconfortante.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant