Aveux et garde à vue

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Le trajet de chez moi jusqu’au commissariat c’est fait dans une extrême lenteur, en laissant un regard en direction de l’horloge sur le tableau de bord, je vois qu’il est bientôt dix-neuf heures. C’est comme si les flics me faisait défiler fièrement, heureux d’avoir coffré une adolescente. De toute façon, on peut les appeler pour tout et n’importe quoi, ils iront au plus urgent.

C’est-à-dire, qu’un matin, une femme a été violée dans une ruelle à l’autre bout de la ville, des passants ont appelés les forces de l’ordre, quelques minutes plus tard, ils ont été appelés pour un meurtre.
Ils ne sont jamais allés voir la femme pour quoi que ce soit. Pour être bien et vivre en sécurité, il faut compter sur nous-même ou sur des personnes de confiances, les corrompues sont partout.
Une fois garée devant le commissariat, deux des policiers qui m’ont arrêtés m’attrapent par un bras et m’entrainent dans un dédale de couloir.

Après une fouille corporelle sans aucune résistance, une visite obligatoire d’un médecin et d’avoir été obligée de me changer, dans un jogging et un t-shirt trop grand pour moi, ils m’entrainent dans une salle d’interrogatoire et m’attache sur une chaise, face à une table, avant de partir de la pièce, me laissant seule.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici, ni même combien de temps je resterais entre ses murs, alors je profite pour détailler la pièce : des murs entièrement blancs, un sol carrelé gris, sur le mur face à moi, un énorme miroir, et bien-sûr, la table et les chaises métalliques.

La pièce est entièrement propre ce qui créer un gros contraste avec moi : des vêtements beaucoup trop large, quelques bleus qui apparaissent sur le visage ainsi que du sang, d’autres bleus un peu partout sur le corps, les cheveux en désordre, mais au moins, je suis en vie. Contrairement à lui.

Et ça, je ne peux que m’en féliciter, il ne fera plus de mal à personne.
Cette pièce ressemble à toutes celles que l’on voit lors des séries télé que l’on regarde tous les jours. Toujours la même pièce avec des hommes ou des femmes derrière le miroir qui épient nos moindres faits et gestes, probablement avec un café à la main.

Étant menottées à un anneau sur la table, je ne bouge pas, me contentant uniquement de faire des mouvements avec les yeux. Je ne vais pas tergiverser avec eux, je sais ce que j’ai fait et je l’assume, je n’ai rien à ajouter de cette situation, la raison m’appartient et, étant mort, je sais qu’il ne peut rien dire, aucun risque qu’il essaie d’embobiner son monde.

Je réfléchis, je penses à l’heure qu’il doit être maintenant, à ce que ma mère et ma sœur font, Elise, j’espère sincèrement qu’elle va bien, qu’elle sera protégée. Pour ma mère, c’est différent, ce soir, elle m’a prouvée que l’avenir de sa fille aînée ne l’importe pas, seul l’homme de sa vie compte. Qu’à cela ne tienne, je saurais y faire face ! J’espère juste qu’elle ne fera pas la même erreur avec Elise.

C’est lorsque je suis sur le point de m’endormir que deux policiers arrivent dans la pièce en ouvrant la porte avec fracas. Je me redresse non sans réprimer un sursaut. Les deux hommes semblent avoir la quarantaine, tous deux bruns, l’un à les yeux vairons alors que l’autre les a bleus.

Quelques secondes plus tard, un autre homme en uniforme arrive avec un trépied et une caméra, sous la vigilance de l’un d’eux, il place correctement le tout et met l’objectif dans ma direction. Sans un mots, il fait demi-tour sans oublier de fermer la porte une fois sortie.

Dans un silence, ils s’installent face à moi, ayant juste la table comme obstacle entre nous. Sans aucune once de nervosité, je glisses de temps en temps mes doigts sur le métal froid des menottes, comme une caresse, tout en les fixant tour à tour, ne prononçant aucun mots.

- Je suis l’inspecteur McCallan, et voici l’inspecteur Tyler se présente l’homme aux yeux bleus.
- Je suppose qu’il est inutile de vous donner mon nom et mon prénom. Dis-je d’une voix calme.
- En effet intervient l’inspecteur Tyler. On t’a lu tes droits ? Tu as demandé un avocat ?

Alors que j’allais répliquer, la porte s’ouvre après que quelqu’un y ait toquer deux fois. En regardant dans cette direction, je vois une femme d’une trentaine d’années, une mallette à la main et un badge accroché à la poche de son tailleur marron. Avec ce genre de vêtement elle fait facilement dix ans de plus.

- Bonjour, je suis Madame Grinfield, service de protection de l’enfance lance la femme en serrant la main des deux policiers.
- Enchanté madame, nous allions commencer lance Monsieur McCallan.

Je vois cette Madame Grinfield s’asseoir à côté de moi en me faisant un sourire rassurant avant de poser une de ses mains sur une des miennes couvertes de sangs. Je ne comprends pas du tout ce qu’elle fabrique ici.

- On t’a lu tes droits ? Tu as demandé un avocat ? Reprend l’officier Tyler.
- On me les a lu et je n’ai demander aucun avocat, je n’en es pas besoin dis-je sans le lâcher des yeux.
- Bon, comme tu es mineure, un parent est censé venir assister à l’interrogatoire, ta mère étant occupée, c’est au service de la protection de l’enfance de tenir ce rôle, de plus, tout sera filmer du début à la fin, ça te va ? Dit l’officier McCallan.

Après un signe de tête d’affirmation, l’officier Tyler met la caméra en route avant de se mettre à parler :

- Nous sommes aujourd’hui le dix-huit Octobre deux-milles-quinze et il est, il regarde sa montre avant de reprendre. Vingt-heure vingt-huit. Je suis l’officier Tyler Zachary, avec moi se trouve mon collègue, l’officier McCallan Harry ainsi que Mme Grinfield Anne-Laure du service de protection de l’enfance. L’affaire en cours est une enquête pour homicide, Anastasia Jones contre Etienne Jared, décédé il y a quelques heures suite à de nombreux coup de couteau.
- Mlle Jones, nous vous avons lu vos droits, demandez-vous un avocat ou estimez-vous ne pas en avoir besoin ? Commence l’officier McCallan.
- Vos collègues m’ont lu mes droits et je ne veux pas d’avocat. Dis-je en les regardant tour à tour.

Je vois l’un des hommes ouvrir un dossier avant de commencer d’une voix monotone.

- Vous vous appelez bien Anastasia Jones, Née le quinze mai deux-milles, dans la ville de Newark au New Jersey ?
- Oui
- Fille de Nathalie Jared, et Lionel Jones qui est …
- Décédé oui, vous ne m’apprenez rien le coupé-je en soupirant.
- Anastasia, ils ne font que leurs travails intervient Mme Grinfield.

Après un soupir, je fais un mouvement de tête pour faire passer ma douleur au cou avant qu’ils reprennent leur interrogatoire.

- Vous êtes accusée d’avoir tuée votre beau-père, contestez-vous les faits ?
- Vos collègues m’ont vues sur lui, en train de tuer mon beau-père avec un couteau de cuisine, je ne sais même pas combien de coup j’ai pu lui donner.
- Ce genre de détails n’est pas important me coupe l’un des officiers, pourquoi avoir tuée votre beau-père ?
- Pour moi ce n’était qu’un inconnu, il n’est absolument rien et la raison ne regarde personne, je sais ce que j’ai fait et j’assume, je n’ai qu’un seul regret c’est de ne pas l’avoir fait plus tôt !
- Anastasia, ses messieurs veulent t’aider… dit doucement Mme Grinfield.
- Vous savez tout comme moi qu’ils ne vont pas pouvoir m’aider, je suis coupable de meurtre sans aucune circonstance atténuante !

L’un des policiers pose un papier sur le bureau avant de le tendre vers moi, lorsque je le lis, je ne peux pas en croire mes yeux, la sale garce !

- Votre mère à témoignée contre vous, selon elle, vous frappez votre mère depuis de nombreuses années, vous vous en êtes pris à votre beau-père alors qu’il tentait de protéger sa famille.
- Vous croyez une prostituée maintenant ? Quoi elle est passée sous votre bureau pour être plus convaincante ? Ou faire la veuve épeurée à suffit ? Dis-je d’une voix amer.

Je sais que c’est mal de parler ainsi de sa propre mère, mais je penses que vous réagirez comme moi si votre génitrice vous accuse d’avoir tuée quelqu’un par plaisir et surtout dire que c’est moi qui l’a frappait, il manquerait plus qu’elle raconte que je m’occupes aussi de violenter Elise !

- Il y a aussi une histoire de drogue, vous droguez vous mademoiselle ? Reprend le policier Tyler
- Je ne touche pas à ses merdes dis-je d’une voix froide
- Pourtant vous en vendez si on en croit la version de votre mère.

Je pousse un soupir, elle m’a bien eu celle-là. Qu’est-ce que je dis maintenant ? Je déballe tout au risque qu’ils ne me croient pas ou je me tais ? De toute façon, je suis foutue alors un peu plus un peu moins, je ne verrais pas de grande différence.

- Je demande le cinquième amendement, je ne suis pas obligée de vous répondre
- C’est votre droit, lance l’inspecteur Tyler en fermant mon dossier alors que l’officier McCallan éteint la caméra. De toute manière nous avons vos aveux, cette histoire de drogue ne comptera pas pour le procès, vous allez être jugée pour meurtre aggravé vous en êtes consciente ?
- Oui, je sais ce que je risque
- Est-il possible de mettre Mademoiselle Jones dans un foyer en attendant le procès ? Demande Madame Grinfield.
- Malheureusement non, elle a reconnu les faits, Mademoiselle Jones peut être un danger pour autrui, vue l’heure qu’il est, elle passera la nuit en garde à vues et sera transférée dans un centre de redressement en attendant son procès.

Une fois Madame Grinfield raccompagnée, un policier me sort de la salle d’interrogatoire et me met dans une cellule pour le reste de la nuit, après un rapide plat chaud et avoir eu le droit de me laver le visage au robinet, je m’allonges sur le lit de fortune, prête à passer ma nuit en cage.

Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi, toujours est-il qu’il fait encore nuit lorsqu’un policier frappe sur les barreaux de fer avec sa matraque pour me réveiller, faisant hurler les hommes présents dans les autres cellules.

Sans un mots, il me fait sortir de ma cage en me donnant un petit déjeuner rapide, une fois celui-ci avalé, deux policiers me conduisent près de la mairie de la ville, juste en face de moi, un bus bleu métallique avec écrit en blanc New Jersey Department of Corrections.

Une dizaine d’enfants et d’adolescents sont regroupés avec leurs familles, tous, leurs dit au revoir. Visiblement, ce centre de redressement acceptent tout le monde sans aucune distinction.
Je monte une fois que tout le monde est installé, les menottes entravant toujours mes poignets, après être forcée à m’asseoir, le bus démarre enfin, voyons voir où je vais atterrir.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant