Le réveil du volcan

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Depuis le départ de tout le monde, les semaines se sont déroulées rapidement au point que nous sommes déjà au mois de Décembre, à quelques jours de Noël.

Je me retrouve dans un bâtiment un peu à l’écart de la prison, dans un local faisant office de garage pour les études en mécanique. Dans cette pièce, nous avons vraiment l’impression d’être dans un garage lambda, tout est fait de béton et les tuyaux sont apparents, même nos tenues nous font penser être à l’extérieur de la prison ; nous portons tous une salopette d’un bleu délavé avec nos prénoms dessus.

Etant toujours au sein de la prison, naturellement les tours de gardes continue même s’ils sont un peu plus rares. D’une certaine façon, il y a également deux gardiens non loin des portes munies d’arme à feu et d’un talkie-walkie. Pour les avoir vues plusieurs fois, nous savons qu’ils doivent parler à la tour de contrôle approximativement toutes les cinq minutes, s’il n’y a aucune émission radio, la cavalerie ne tardera pas à arriver avec les boucliers et tout ce qui s’en suit.

Depuis leurs départs, plus rien n’est comme avant. Pour commencer, je suis constamment seule et surtout, sous tension. J’ai l’impression qu’un gros problème va se mettre en place et que je serais probablement au milieu de tout ce merdier. Et ce n’est pas Tonio qui me fera penser le contraire.

Bien qu’il soit bâti tels un rugbymen, ce petit con ne trouve rien de mieux à faire que menacer toutes les personnes qui le regarde de travers puis annonce qu’il connait personnellement une détenue de catégorie cinq entre ses murs et que ladite personne, n’hésitera pas un seul instant à le protéger par respect pour un membre de sa famille.

Etant la seule de cette catégorie, inutile de dire que tout le monde se met à me fixer lorsqu’il est dans le coin, est-ce part peur que je m’en prenne à eux ou pour autre chose ? Je n’en sais rien, mais tout le monde semble sur les nerfs, ce qui n’est pas pour arranger mon état d’anxiété.

Malgré tout, je continue les entrainements de Lola, c’est-à-dire notamment le footing et les séances de musculation lors des pauses dans la cour. Je suis seule donc la plupart du temps, ma bouche est fermée sauf lorsque je demande pour avoir une place sur l’un des appareils ou si quelqu’un veut justement, s’entrainer lui-aussi.

Les bagarres sont toujours des lots quotidiens d’une vie carcérale, les suicides aussi, rien que la semaine dernière par exemple, nous avons compté huit bagarres et trois morts, que ce soit lors d’un règlement de compte ou même un suicide. Pour le premier point, je me mets en retrait, ne me sentant pas concernée par ce qui se passe sous mon nez.

Les chuchotements lors de mon passage sont aussi le quotidien depuis qu’ils sont partis, bien que je ne cherche pas à réagir, je les entends se demander pourquoi je suis seule, si je ne suis pas en position de faiblesse et surtout, quand est-ce que je vais me mettre à péter les plombs et qui sera ma prochaine victime.

Bien que je sois actuellement à mon activité mécanique, rien n’arrive à me détendre et disons que le fait que je m’énerve contre un moteur qui ne réagit pas comme je le souhaites mets vraiment mes nerfs à rude épreuve.

Tentant vainement de remettre un boulon malgré mes mains tremblantes, je finis par jeter ma clef à molette à l’autre bout de la pièce, non sans pousser un cri de rage.

Les gardiens se mettent à tourner la tête dans ma direction, la main poser sur leurs holsters, prêts à s’armer. Pour leurs signaler que tout va bien, je mets mes mains au niveau de ma tête en poussant un léger soupire. D’autres gardiens arrivent à ce moment, alerter par le boucan que j’ai créé lorsque mon outil est tomber sur le sol.

- R.A.S lance un des gardiens à ses collègues, juste une crise liée à un manque de patience.

D’ordinaire, je l’aurais envoyé boulet ou au mieux, l’aurait frappé, mais pour le coup il n’a vraiment pas tort, c’est un manque de patience qui m’a fait jeter cette clef à molette, ça en plus des nerfs et des mains tremblantes.

Une dizaine de minutes après le départ de la tour de garde, alors que tout redevenait calme et que je pouvais reprendre ce que je faisais, des cris ce sont fait entendre dans le couloir, juste à côté de là où je me trouve.

Je repère très bien les autres détenus lever la tête avant de la reporter dans leurs travails, les gardiens présentes eux, ce sont arrêtés de parler avant de reprendre leurs discussions, malgré les cris perçants que l’on peut entendre.

En poussant un nouveau soupir, je prends un chiffon à proximité avant de le poser sur mon établi juste à côté du moteur, bien décidé à aller jeter un œil à ce qu’il se passe.

Prétextant un besoin urgent, le mécanicien qui nous supervise me fait un signe de tête en signe d’accord, il se doute que je ne vais pas passer sans regarder ce qu’il se passe et tout dans sa gestuelle me fait croire que j’agis de la bonne manière, même si je vais devoir me battre.

Une fois sortie du local, je me dirige silencieusement vers les cris, m’attendant à voir même la plus horrible des scènes. Parce que, même si je ne vois pas, ou n’entends pas des faits de viols, rien indique qu’il ne s’en passe pas non plus, tout le monde sait très bien que des criminels sont prêts à tout et que la plupart n’ont aucune limite, se contentant de faire ce qu’ils veulent, peu importe qui souffre.

Finalement, c’est au détour d’un couloir que je repère trois filles donner des coups de pieds à une masse à terre. Je ne tarde pas à comprendre que les trois debout sont là depuis quelque temps et que la jeune fille au sol, de ce que je peux constater avec ses longs cheveux noirs, est nouvelle ou à débarquer il y a peu.

Sans leurs laisser le temps de fuir, je me dirige vers elles et en attrape une par les cheveux avant de lui mettre un coup de poing en plein visage, la faisant crier après avoir entendue un craquement.

Je donne des coups sans chercher à comprendre, je m’en prends aussi au passage surtout lorsque je me concentre sur une des filles, les deux autres en profitant. Finalement, je finis par laisser sortir ma rage, ne contentant d’une chose, les mettre KO.
Même si elles le méritent certainement, il est hors de question que je tue qui que ce soit, je paie suffisamment cher pour avoir uniquement protéger celles qui semblaient importantes pour moi.
Des pulsations électriques se fait sentir dans mon dos ce qui me met dans un état semi-conscient et en quelques secondes, je sens un gardien sur moi en train de me menotter tandis que l’autre parle dans son talkie-walkie.  

La vue est floue, ce qui fait que je ne vois pas grand-chose si ce n’est des masses d’ombres, par contre, j’entends que sur les quatre filles l’une d’elles, probablement la nouvelle, part en infirmerie tandis que les trois autres doivent se faire évacuer d’urgence dans un hôpital sécurisé le plus proche.

En quelques minutes, le couloir est envahi de masses sombres alors que je me fais trainer tels qu’une moins que rien, je ne comprends pas grand-chose jusqu’à ce que j’entendes les cris de tous ce beau monde s’éloigner jusqu’au silence absolue.

Je sais donc que je suis, de nouveau, en isolement. Bien que je sois seule, couverte probablement de sang, de cambouis et de poussière, je me mets à pousser un soupir de soulagement, ravie d’avoir pour seule compagnie le calme.

Après avoir fait comme un signe de remerciement à la caméra, je m’allonge à même le sol en mettant mes bras derrière la tête puis regarde le plafond, malgré la lumière qui me brûle les rétines pour réfléchir un peu à l’avenir qui s’annonce avec toutes ses incertitudes.

Pour commencer, je sais que d’ici quelques mois j’aurais atteint l’âge de dix-huit ans, ce qui signifie que d’une certaine manière, je serais majeure. Cela veut aussi dire que je serais transférée ailleurs, où, je l’ignore encore.

En fermant les yeux, j’essaie de me souvenir des prisons que j’entendais de temps à autre à la télévision ou à la radio lorsque j’étais encore dehors, mais malgré tout, cela ne m’avançait à rien, étant donné que je ne sais pas si je reste dans cet Etat ou si je pars ailleurs.

Tout comme pour Lola et les autres, je suppose que tout est relativement prêt pour mon départ et que cela doit sûrement ravir les gardiens qui n’en peuvent plus de ma présence au sein de cet établissement.

Enfin, je me dis que malgré tout, j’ai encore le temps de voir, six mois pour être exacte. En espérant que rien ne pourra retarder ce qui est pourtant, inévitable.

Apaisée par le silence de la pièce, je me mets à fermer les yeux, attendant simplement l’heure du repas ou de la sortie, en fonction de ce qui sera le plus rapide, et surtout, profitant pour me reposer au maximum.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant