Une vie en quelques mots

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Spider

Depuis qu’elle est là, entre ces murs, je ne la lâche pas des yeux lorsqu’elle se trouve dans mon champ de vision. Sans que je comprenne réellement pourquoi, son attitude me perturbe, elle ne semble pas effrayée par quoi que ce soit et pourtant, les gars d’ici ne sont pas des tendres.

Pour être sûr qu’elle ne subisse rien, j’ai même demandé l’aide de Flora pour la surveillée et me rapporter le moindre problème, étant donné que je n’ai aucune confiance envers les trois brebis qui me suivent comme des chiots.

J’ai peur, intérieurement, que mon comportement parte à l’obsession. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de me poser des questions sur ce qu’elle a dû faire pour arriver ici.
Naturellement, son acte envers le Marshal à fait le tour de la prison et la remise en place des brebis laisse à penser qu’elle est loin de se laisser faire, mais je ne sais pas, j’ai l’impression que quelque chose de beaucoup plus sombre ce cache sous le visage serein de cette fille.

En plus, elle semble trop jeune pour être dans ces locaux et son regard innocent, lorsque je le croise, n’aide en rien à définir sa détermination et son audace. Parce que oui, j’ai la conviction qu’elle est pleine de surprise.

Pour l’heure, je suis dans la cour comme tous les autres. Le bas lâche sur mes hanches et le marcel dépassant de la poche arrière comme beaucoup d’autres hommes, pourtant, je suis pas surpris de sentir les regards des filles sur moi, enfin presque toutes.

Par habitude, Flora reste avec son groupe d’amis, bien qu’elle soit ici par pur jalousie, je sais très bien qu’elle restera fidèle à son compagnon, même s’il ne vient plus la voir et qu’elle ait l’interdiction formelle avec une restriction juridique au cul, d’avoir le moindre contact avec lui ou même de l’approcher.

Elle est folle, mais amoureuse.

En regardant la petite nouvelle, Jones de son nom de famille, je remarque qu’elle est toujours dans le même coin. Adossée au mur et les jambes pliées vers elle, je la vois griffonner sur ce que je suppose être une feuille pour un de ses proches.

Au fur et à mesure des minutes qui passent, et connaissant tous, nous les plus anciens, le jour que nous sommes, la tension entre nous ce fait de plus en plus électrique.

Aujourd’hui, est le seul jour du moins où nous pouvons jouir de voir nos proches, autrement, nous ne pouvons avoir des nouvelles d’eux que via le téléphone ou les lettres.

Du coin de l’œil, je peux voir les nouveaux fraichement tabassés se recroquevillés dans un coin, comme si une émeute pouvait avoir lieux dans les secondes qui suivent. Pourtant, c’est le seul jour où personne ne bronchera de peur d’être privé de ce privilège, parce que oui, si le moindre problème survient le jour des visites, le prochain sera annulé sans sommation.

La petite brune ne bouge pas non plus, regardant juste le ciel de temps en temps, comme si elle cherchait ses mots, avant de replongée la tête la première sur ce qu’elle faisait.

En la voyant ainsi, les cheveux attachés et l’œuvre d’art dans son dos à la vue de tous, je n’ai qu’une envie, lui arracher l’élastique et la couvrir de mon haut pour empêcher quiconque de la regarder de manière insistante. Je vois bien qu’elle ressent ce qu’il se passe en ce moment même, mais ne semble pas s’en formalisé pour autant, ce qui prouve que malgré tout, elle a un putain de caractère et un sang-froid hors du commun, que je mettrais à l’épreuve avec une joie non dissimulé.

Ne la lâchant pas des yeux, je perçois malgré tous les autres prisonniers devenir de plus en plus impatients au fur et à mesure que des bruits de moteur se font entendre. Je sais d’avance qu’il y a le car pour les visiteurs, comme à chaque fois, avec en prime, deux motos sûrement juste derrière. Cette pensée me fait sourire, parce que quoi qu’il arrive, ils ne seront jamais dans un quatre roues sauf en cas d’extrême urgence.

Je ne tourne la tête qu’une seule fois pour voir que presque tout le monde se lèvent et partent en direction des grillages, prêts à accueillir nos visiteurs en frappant de manière désordonnée dessus.
En tournant de nouveau la tête dans la direction de la petite brune, je vois comme son regard se voiler en regardant le troupeau qui vient de se former. Je me doute qu’il y ait une raison mais celle-ci me semble encore inconnue, pour le moment.

C’est l’arrivé du car ainsi que des motos qui me reconnecte dans le moment présent, les premières personnes que je remarque sont surtout des femmes et des enfants en bas âges qui descendent du bus, vite rejoints par des personnes âgés et quelques hommes entre deux âges.

Après quelques signes de mains en direction de leurs proches, les visiteurs partent tous, comme en file indienne, en direction du bâtiment principale. Je repère rapidement mon président ainsi que le road captain suivent le petit monde, par mesure de discrétion, je leur fais un simple signe de tête avant de reprendre ma position assise.

Sans qu’ils aient besoin de parler, je les vois s’arrêter juste à quelques centimètres de la brunette qui reste quelques secondes sans bouger avant de lever la tête en direction des intrus.

Alors que je m’attendais à avoir une réaction de frayeur ou, au moins, de se sentir intimidé, mais pas le moins du monde. Au contraire, elle est plus du genre à les détailler des pieds à la tête, comme pour cerner son adversaire.
Je ne vois rien de là où je suis si ce n’est qu’ils sont totalement immobiles et qu’ils ne prononcent pas le moindre mots, rien du tout. Sans que je comprenne grand-chose, Fox finit par sourire, pas un léger rictus mais bien un sourire qui prend la moitié du visage, comme s’il la validait pour une raison qui m’échappe.

Sans même ouvrir la bouche, Fox et Lizard partent en direction du groupe d’arrivé alors que ce dernier est sur le point de parler, comme pour lui poser une question. Et tels que je le connais, il n’en démordra pas tant qu’il n’a aucune réponse.

Je me dirige comme presque tout le monde vers la porte pour aller dans le parloir pour voir ce que je considère comme des frères tandis que la petite brune continue de les regarder, comme fascinée par le blouson de cuir, avant de reprendre sa lettre.

C’est après une fouille minutieuse nous nous retrouvons tous les trois dans un petit box à la vue de tous avec une simple cloison qui permet un minimum d’intimité.
Après nos accolades et avoir demander des renseignements de tous nos frères, nous nous installons autour d’une table minuscule puis passons directement au sujet qui m’intéresse.

- Bat a obtenu les renseignements dont tu as besoin, malheureusement il était un peu occupé et n’a pas pu venir, commence Lizard en regardant les mattons qui passent de temps en temps.

Une manière simple pour dire qu’il est sur une affaire, légale ou non, qui est donc une priorité pour le club.

- La petite, de son prénom Anastasia, est loin d’être innocente, commence Fox. Son père est militaire et est mort au front alors qu’elle était môme. Sa mère n’a pas tardé à se remarier à un mec qui l’a mise sur le trottoir rapidement. Nous n’avons rien trouver de spéciale si ce n’est des passages fréquents à l’hôpital ou au commissariat mais il y a quelques années elle a pris trente ans pour l’avoir assassiné à coup de couteau.
- Assassiné ? Dis-je surpris.

Bien que je la connaisse pas, je n’ai pas l’impression qu’elle soit du genre à tuer sans aucun scrupule, il doit falloir déjà une bonne raison mais aussi une sacré haine pour y aller à l’arme blanche.

- Il y a quelque chose qui cloche dans ton histoire, dis-je en passant pensivement une main sur ma mâchoire.
- Quoi que t’en dis, elle a fait quelques mois en centre de redressement avant son procès, puis est allée dans une prison pour mineur où elle enchainait les périodes en isolement pour bagarre, avec une rumeur comme quoi elle aurait elle-même créer une émeute tuant au passage quelques adolescents. Reprend Fox
- Elle est arrivée ici il y a peu car il n’y avait pas de place avant, du moins pas dans une des prisons que le procureur avait choisies pour elle. A l’heure d’aujourd’hui, elle a dix-neuf ans. Termine Lizard.

Pour son âge, je veux bien le croire étant donné qu’elle semble jeune, mais pour le reste, je n’y crois pas une seule seconde. Nous continuons de parler de tout et de rien avant que l’heure des visites ne touche à sa fin.

Pourtant, au moment de nous séparer, je leurs dit une chose au creux de l’oreille, ils ne semblent pas d’accord, mais pour le coup je me la jouerais solo.

Je veux connaitre le fin mot de l’histoire, peu importe comment.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant