Souvenir du passé

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Anastasia


L’approche de mon anniversaire est toujours une chose que j’aime comme je redoute.
Je prends un an, c’est certains, ce qui me fera désormais atterrir dans les gens de la vingtaine, mais je serais seule, du moins je le pense.
Après tout, depuis le temps, comment savoir si Travis s’en souviens ? Il avait autre chose à faire à cette époque, tout comme moi d’ailleurs.

Reprenant mes habitudes comme lorsque j’étais au centre pénitencier pour mineur, je me mets à courir après un petit déjeuner bien consistant, le tout sous les yeux de Bear ou de Travis. Parfois même les deux.
A la différence entre ces deux situations, c’est qu’après une douche salvatrice je pars voir Flora pour un petit moment entre fille.
Ce n’est pas qu’être entourée d’homme me dérange, bien au contraire, surtout lorsque j’ai une pleine confiance en eux, mais disons que pour certains sujets, dont un en particulier, j’ai besoin d’un avis extérieur.
Et surtout de personne qui ne tentera de le rapporter à Spider.

C’est pour cette raison que je me trouve devant sa cellule, les cheveux encore trempés de ma douche, attendant qu'elle capte ma présence juste derrière elle, chose qu’elle ne tarde pas à faire après un sursaut.
- Bordel Anastasia ! Râle-t-elle malgré son léger sourire. Tu m’as foutue les boules ! Je t’attendais pas de sitôt !
- En fait… j’ai besoin de toi sur ce coup
Sentant probablement l’urgence dans ma voix, celle que je considère comme une amie se met à froncer les sourcils avant de m’indiquer une place toute choisie sur son lit, alors qu’elle se place juste devant moi en position indienne.
- Qu’est-ce qui t’arrive ? demande-t-elle d’une voix sérieuse.
- Je voudrais savoir… comment tu as sus que tu étais amoureuse ? Je veux dire… ça se remarque non ?
Voyant dans un premier temps de l’incrédulité dans son regard, rapidement celui-ci fait place à de la compassion, comprenant sans doute où je veux en venir.
Je ressens des choses pour Spider, c’est fort et indéfinissable, seulement je n’ai jamais eu la moindre expérience dans ce domaine avant aujourd’hui et je ne tiens pas à me louper, la chute risquerait d’être brutal.

- Être amoureuse… commence Flora en regardant dans le vide, c’est quelque chose de complexe, tu as l’impression d’être invincible et pourtant, tu sais que c’est ta moitié qui pourra te briser en une fraction de seconde.
- Comment tu peux savoir quand c’est le bon ? Demandé-je absorbée par ce qu’elle raconte.
- C’est quand tu es prête à risquer ta vie pour la sienne. Quand tu prendras conscience que tu ne pourras pas vivre sans cette personne ne te pose pas de question, c’est que c’est l’homme ou la femme de ta vie.
Comprenant où elle veut en venir, je me mets à acquiescer en pensant à tout ce que je ressens, au fond de moi, pour Spider. Naturellement je lui fais pleinement confiance, au point de lui offrir ce que j’ai de plus précieux, mais est-ce suffisant pour déclarer être amoureuse ? Rien n’est sûr.
En réalité, je pense qu’on s’en rend compte au moment où on est sur le point de le perdre, tout simplement.

Après l’avoir remercié pour avoir répondu à mes questions, nous partons toutes les deux en direction de la cour et tandis qu’elle rejoint son groupe, je pars dans l’autre direction pour rejoindre Travis et Bear en train de discuter sur les joies, probablement intérieur, d’être prospect.
Souhaitant un bonjour à mes deux comparses, ceux-ci me répondent en m’embrassant l’un après l’autre le front dans un geste fraternel. Si pour l’un, son geste semble doux, pour l’autre en revanche, j’ai l’impression que quelque chose le tracasse.
- Travis ? Ça va ?
- Oui… je pensais juste à des trucs
- Tu veux en parler ? Si c’est à propos du club je vous laisse tous les deux !
- Non… en fait c’est à propos de toi

Savoir que ce regard est quelque chose qui me concerne me laisse perplexe. Ne le lâchant pas des yeux, je tente tant bien que mal de lire en lui avant qu’il me dise de vive-voix ce qui lui passe par la tête.
- J’ai dû mal à me dire que les années sont passées, après tout je t’ai connue la première fois tu n’étais qu’une gamine, et maintenant, tu deviens adulte, même si ce n’est pas le lieu idéal pour évoluer…
Je suis relativement surprise de constater qu’il se souvient de tout cela surtout en sachant que nous sommes restés des années sans ce voir ou échanger le moindre message.
Le voyant s’installer à même le sol, je finis par le rejoindre en posant ma tête sur son épaule.
- Tu te souviens de la première fois que je t’ai défendue ? Demande-t-il en posant sa tête contre la mienne.
- Oui… un toxico me devait de l’argent pour avoir sa dose et il a voulu me… me mettant à pousser un soupir, je ne tiens pas à finir ma phrase. Parfois je me dis que sans toi j’aurais très mal terminé.
- Je suis certain que non
- Comment tu peux le savoir ?
- Parce que tu as quelque chose que les prostituées et toxico n’ont pas
- Et c’est ?
- De la volonté et une dignité qui bat tous les records !
Me mettant à rire en entendant ses derniers mots, nous finissons par regarder les nuages en échangeant sur notre vie, essentiellement sur notre passé commun.

Rapidement rejoins par Bear qui nous observait sans émettre la moindre parole, nous finissons par parler de tout et de rien, du moins jusqu’à ce que Bear nous demande qu’elle serait notre rêve le plus fou, qu’il soit réalisable ou non.
- Être heureuse, dis-je en regardant le ciel, sans me pencher sur le sujet.
- Moi je nous imagine tous dehors, lance Travis en me caressant lentement le bras. Ouais, je nous vois bien tous dehors et heureux, entouré d’une famille qui tiens à nous et serait prêts à tous les sacrifices pour notre bonheur, chose qu’on leurs rendraient, évidemment.
Si je trouve son idée magnifique, je n’oublie pas pour autant que c’est loin d’être faisable.
Pour aujourd’hui, je nous autorise un moment à imaginer que tout serait possible, uniquement si nous avons un rêve, un laisser-passer pour l’imaginaire.
Fermant les yeux, je me laisse bercer par les paroles de Travis. Je me vois dehors, de l’autre côté des fils barbelés, dans une maison entourer des miens, heureuse et surtout en sécurité.
Oui, ça serait le rêve.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant