Mise au point

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Travis

Voilà un nouveau trait qui orne le morceau de mur juste en face de la porte de cellule. En comptant bien, j'en suis à la soixante troisième depuis que je suis enfermé dans cette pièce de deux mètres sur deux avec un simple lit, un toilette et un évier juste à côté, le tout tellement proche que je peux mettre mes pieds sur mon lit tout en étant sur le trône, pour dire ! Je n'ai même pas de miroir ce qui fait que je n'ai aucune idée de l'allure que je dois avoir avec cette barbe mal taillée.

J'y suis pour avoir péter les plombs et tuer un gardien qui a tenter de me retenir. Dire que cela ne me hante pas serait mentir, mais disons que j'ai mes raisons, la principale étant la série de meurtre qui sévit dans ma ville natale, aussitôt, j'ai pensée à celle que j'ai laissé là-bas, totalement à la merci des êtres perverties de plusieurs façons qui longent les rues sans que quiconque ne cherche à les empêcher de faire n'importe quoi.

Si les assassinats en question étaient uniquement des hommes ce n'est pas ce qui m'aurait posé le problème ! Mais ce sont uniquement des jeunes femmes n'ayant pas encore la vingtaine qui sont traquées. Je n'ai pas besoin d'aller sur place ou même d'entendre quoi que ce soit pour savoir qu'elles sont aussi violées, c'est monnaie courante dans ce coin, mais ça me fout la gerbe rien que d'y penser.

J'ai appris ça grave à la radio qu'un des gardiens à allumer dans son local, la porte était ouverte et ce mec pas loin d'être sourd, je suis sûr que même à l'autre bout du bâtiment tout le monde a pu entendre cette nouvelle et mon pétage de plomb en prime.

Je pense que le pire dans cette histoire, c'est que les flics mettent ça sur un règlement de compte entre gangs et qu'il ne s'agit que de dommage collatéral. Ils expriment leurs tristesses à la va vite, puis enchaine sur autre chose tels que le déplacement du président dans un pays voisin.

Et dire que je suis là pour trois fois rien ! Je veux dire, j'ai été choper avec un peu de poudre dans mes poches, j'aurais pu faire passer ça pour ma consommation personnelle après tout, mais il a fallu qu'un mec en képi l'ouvre un peu trop et que mon poing rencontre sa face de rat. Entre ça et mon casier qui est tout de même bien charger, disons que je me doutais que j'allais faire un petit tour à l'ombre rapidement.

Rien que pour ça, j'ai pris sept ans de prison avec une possibilité de remise de peine pour bonne conduite – ce qui n'est pas gagner vue où je me trouve. En comptant mentalement le temps que j'ai passé entre ses murs, que ce soit en isolement ou non, j'ai déjà fait quatre ans, il m'en reste donc trois.

Parfois, lorsque le sommeil ne vient pas aussi vite que je l'espère, je me mets à imaginer ma petite protégée à l'heure d'aujourdhui, ce qu'elle doit faire, à quoi elle ressemble et surtout si elle va bien.

De temps en temps je pense qu'elle a réussi à partir loin de cette ville, étudiant à l'université grâce à une bourse dans un domaine d'avenir, pas forcément entourée la sachant plus casanière que sociable mais avec tout de même quelques personnes qui peuvent prendre soin d'elle.

A dautre moment, je l'imagine en train d'errer dans nos rues, vendant de la drogue à certains moments, ou faisant le même travail que sa mère lorsque je l'ai connu pour la première fois. Cette option me donne froid dans le dos car bien qu'elle soit une fille intègre et avec un amour-propre inconditionnel, je sais très bien qu'elle en est capable pour sa survie et celle d'Elise.

Mais celui qui me donne les pires cauchemars qui puissent exister, c'est de l'imaginer morte comme toutes ses filles en ce moment, violentée, peut-être même abusée, mais plus de ce monde.

Malheureusement, toutes les questions que je me pose à son sujet demeure sans la moindre réponse. Pas parce que je ne connaissais personne dans nos rues, au contraire même, mais je n'avais aucune confiance en eux, c'était elle et moi, personne d'autre ne comptais. Et j'ai probablement tout gâché à cause d'une fouille corporelle et de ma manie de l'ouvrir trop facilement.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant