Place à la défense

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Ma nuit dans cette cellule a vraiment été étrange. Pour commencer, j’ai eu le droit à un silence limite religieux, cela ne devrait pas me changer avec le quartier d’isolement c’est vrai, pourtant, j’ai également eu un lit pour dormir et, comble du luxe, des toilettes et non un vulgaire sceau pour faire mes besoins.

Ce matin lorsque je me suis réveillée, j’ai été surprise de voir deux nouveaux Marshals au pieds de ce que je considère comme ma chambre, parmi eux, un homme d’une trentaine d’année au regard bienveillant.

En discutant un peu avec lui, j’ai appris qu’il suit cette affaire de près depuis le tout début, étant père de famille, il se sentait comme concerné. Aller savoir pourquoi. Ce qui m’a paru le plus étrange, c’est qu’il a lui-même demandé à être présent pour le dernier jour d’audience.

Bien que je ne le connaisse ni d’Eve, ni d’Adam, il est persuadé de mon innocence, pour lui, j’ai agi pour une bonne raison. Eh bien qu’il ait la certitude qu’il n’a pas tort, je n’ai pas cherché à certifier ou démentir, son avis. Les raisons de mon acte ne concernent que moi et ma famille, si ma mère me prend pour responsable, ma sœur elle, sait très bien que j’ai agis dans son intérêt, pour sa sécurité.

Alors que l’un des Marshals est parti dans un café à proximité pour aller chercher notre petit-déjeuner à tous les trois, j’ai été guidée en direction des toilettes dans le palais de justice pour pouvoir me laver sans que quiconque ne puisse me voir à travers les barreaux.

Pour le moment, le palais de justice est fermé, me laissant tout juste le temps de me préparer sans chercher à m’enfuir, de toute façon, où irais-je ?

Nulle part, je ne connais personne pouvait m’héberger, surtout si je suis suspectée de meurtre.

C’est une fois prête et l’estomac remplis que les Marshals me menotte de nouveau, comme le veut la procédure et m’emmènent dans la pièce pour mon procès, lorsque je rentre dans ma petite boite en plexiglass, je ne suis pas surprise de voir tout le monde déjà présent, à l’exception du juge et des procureurs.

Mon avocat profite donc de ce moment pour s’approcher le plus possible de moi et parler de ce qu’il va se dérouler aujourd’hui. Nous revoyons ensemble le plaidoyer et bien qu’il connaisse toute mon histoire, je lui ai bien fait comprendre qu’il y a des choses que je ne veux pas mentionner, ce qu’il a accepté sans problème.

Encore une fois, il me demande de garder mon calme le plus possible, un des Marshals est capable de m’épauler si besoin, mais quoi qu’il arrive, je ne dois pas parler ni même exprimer la moindre émotion négative, je peux verser des larmes si besoin, mais en aucun cas m’énerver. Et pour être sûr que je comprenne, il l’a répété un nombre incalculable de fois.

Comme hier, la greffière demande qu’on se lève pour accueillir le juge ainsi que les deux procureurs, après quelques minutes consacrées au juge pour faire le point sur le procès en cours, il laisse la parole à mon avocat.

- Mesdames et messieurs membres du jurés, messieurs les procureurs, monsieur le juge. Aujourd’hui est le dernier jour de ce procès, c’est à la fin de la journée que vous donnerez votre verdict quant à l’affaire qui s’est déroulé.

Je regarde mon avocat promener ses yeux un peu partout dans la salle en croisant ses doigts entre eux. Au bout de quelques secondes qui me semblent interminable, il reprend la parole.

- Vous avez tous entendue les mots de mon confrère ainsi que les témoignages qui disait diverses choses, parfois même incohérentes et j’aimerais revenir sur ses points avec vous…

Je le vois se déplacer vers son bureau et prendre une feuille remplie de différent point que je n’arrive pas à lire. Une fois qu’il est, de nouveau, au centre de la pièce, il reprend la parole.

- Maitre Connor, à évoquer un homme de famille respectable, ce qui est fort possible, je ne tiens pas à dénigrer ou émettre mon opinion personnelle. Seulement, quelques détails me chiffonnent. Mon confrère parle d’un travail dont rien ne mentionne l’existence, absolument rien membre du juré, que ce soit contrat ou même salaire. Du coup, nous pouvons nous poser la question quant à la véracité de son plaidoyer.

Il repose ensuite sa feuille avant de se placer devant les jurés, donc dos à moi. Je l’écoute continuer à énoncer les faits émis par l’avocat de la partie civile, surtout le fait que mon beau-père avait un taux assez élevé d’alcool alors qu’il aurait, apparemment, bu que quelques gorgées de sa bière.

La main du Marshall présent à mes côtés me reconnecte au moment présent, je ne sais pas de quoi a dû parler mon avocat mais en vue du regard des jurés, j’ai l’impression que son discours à fait mouche.

- Je demande donc, à ce que mon premier témoin vienne à la barre, Mme Grinfield du service de protection de l’enfance.

Ce n’est que maintenant que je remarque la trentenaire se lever des sièges derrière le bureau de mon avocat. Son éternel tailleur couleur taupe, ses cheveux sont, comme la première fois où je l’ai vues, attaché en chignon strict. Sa démarche laisse transcrire toute son assurance, seul un léger sourire semble illuminer sa prestance.

Après qu’elle ait jurer de dire toute la vérité lors de son témoignage, je la vois tirer légèrement sur les pans de sa veste afin de la lisser le plus possible. Une fois prête, elle regarde mon avocat qui prend ça comme le signe de départ.

- Vous êtes donc Mme Grinfield, du service de protection de l’enfance ?
- C’est exact lance la trentenaire avec un air sérieux.
- Depuis combien de temps faites-vous ce travail ?
- Depuis une bonne douzaine d’années
- De quels cas vous occupez-vous dans votre établissement ?
- Nous nous occupons de tous les cas concernant des mineurs
- Et vous personnellement ?
- Je m’occupe essentiellement des violences sur mineurs

Après un mouvement de tête, en signe d’affirmation, je vois Mme Grinfield souffler légèrement, elle semble vraiment stressée. Une fois qu’elle semble avoir repris contenance, mon avocat continue ses questions.

- Vous étiez présente pour l’interrogatoire de Mlle Jones
- Oui c’est ça, comme aucun de ses parents n’étaient présents, j’ai dû y assister
- Et qu’avez-vous penser de ma cliente, d’un point de vue professionnelle j’entends
- Eh bien, pour commencer Mlle Jones était couverte de sang, ses vêtements étaient changer bien-sûr, mais son visage en était couvert.

Après avoir regardé dans ma direction, Mme Grinfield reprend son témoignage.

- Mais elle ne semblait pas dangereuse ?
- Non, pour moi elle n’avait aucun signe de nervosité, au contraire, elle semblait calme. Contrairement aux autres adolescents qui ont été confronté au même cas, Mlle Jones, comment dire, semblait même soulager d’un poids
- Soulagé ?
- Oui c’est ça. Comme si elle avait cherché à se défendre

Après que mon avocat ai dit au juge qu’il n’avait pas d’autre question, ce fut le tour de maitre Connor qui tentait par tous les moyens de discrédité le témoignage du service de la protection de l’enfance, sans succès. Je vois du coin de l’œil ma mère commencer à s’énerver de plus en plus, ce qui me fait légèrement sourire.

Après que le juge et les jurés aient écrits je ne sais quoi, mon avocat demande au deuxième témoin de se présenter à la barre : le médecin légiste.

Le coroner est un homme d’une cinquantaine d’année avec un ventre proéminent. Je me souviens de lui, lorsque je suis arrivée au commissariat, c’est lui qui m’a auscultée pour le dossier.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant