Agression à l'aveugle

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Anastasia


Deux semaines après ma découverte et rien n’a changé, du moins presque rien.
Les températures continuent à baisser en ce mi-novembre et honnêtement, à l’idée d’arriver aux fêtes de fins d’années me fichent le bourdon pour la première fois depuis que je suis enfermée. Est-ce parce que je suis presque toute seule ? Parce que pour une nouvelle fois, je passerais noël sans le fêter et entouré à nouveau d’étrangers ?

J’ai Travis bien-sûr, mais après toutes ces années sans lui, c’est comme si je ne le connaissais plus, Flora va probablement passer la journée avec son groupe, ce qui est normal, et quant à Spider, honnêtement je l’ignore.

Spider

Voilà deux semaines que je l’évite comme la peste. Il n’y a pas une minute qui passe sans que j’aie la conversation qu’il a eut avec Luis dans la tête, ses paroles raisonnent dans mon crâne comme une chanson débile dont nous n’arrivons pas à nous débarrasser.

Tu peux la tringler autant que tu veux je m’en balance totalement !

C’est comme ça que je suis devenue maître dans l’art de changer de sujet, ou même d’échapper aux autres dès que le surnom de Spider entre dans mes oreilles. Flora n’a pas compris dans un premier temps, et je suppose que c’est toujours le cas, mais s’il y a bien une chose dont maintenant elle est sûre c’est que je suis de nature rancunière et qu’elle en a la preuve à l’heure d’aujourd’hui.

Comme en souvenir aux années avec Jacob, maintenant je m’entraine absolument tous les jours, que ce soit dans ma cellule ou dans la cour, me rendant plus souple, plus rapide et sûrement aussi plus forte. Cela me permet, dans un premier temps, d’être seule mais surtout, de canaliser ma colère qui risque de faire des dégâts, tout comme la dernière fois avec cet homme qui n’avait rien demander.

Je m’en veux de l’avoir frapper, surtout avec une telle intensité, il ne cherchait qu’à aider une personne dans le besoin, et probablement aussi à m’éviter des gros problèmes, mais à ce moment j’en avais cure, rien m’importait d’autre que de laisser échapper toutes mes émotions négatives qui avaient pris le dessus de manière exponentielle.

Il y a aussi cette lettre venant des garçons, leurs vies prennent un nouveau tournant pour l’un comme pour l’autre étant donné qu’ils ont tous les deux, une femme dans leurs champs de mire. Je ne connais pas tous les détails naturellement, mais elles les acceptent avec leurs travers et tous leurs indiquent qu’elles sont faites pour eux.

Honnêtement, je l’espère du plus profond de mon être, ils méritent tous deux d’être heureux et entourés par des personnes qui tiennent à eux et inversement.

Mais cela me fait aussi penser que pour ma part, mon avenir ne sera pas aussi rose. Je suis seule et le resterait jusqu’à la fin de ma vie, à moins que je décide de faire un bout de chemin avec un des détenus ici présents, mais encore une fois, je finirais seule quand il partira suite à une remise de peine ou après avoir faits ses années d’incarcération.
Rien de super réjouissant en soit.

Prise d’une fureur envers moi-même, je me mets à pousser un grognement puis à reprendre mes tractions avec un gain d’énergie dont je n’avais pas conscience. Mes muscles se contractent de douleurs mais je n’arrête pas pour autant, je veux arrêter de réfléchir, stopper toutes ses pensées parasites avant de faire la moindre bêtise.

Parce que oui, plus d’une fois j’ai pensé à en finir une bonne fois pour toute. Je ne me considère pas comme suicidaire à la base, loin de là vue que je me suis toujours battue pour ma survie. Mais au bout de deux mois, je me dis qu’elles sont mes options de toute manière ?

Je peux mourir entre ses murs d’une maladie, d’une émeute ou même d’un simple coup de couteaux. Et si, par chance, je sors une fois ma peine terminée, qu’est-ce qui me dit que j’aurais un bon travail pour mener le reste de ma vie en solitaire ? Rien ne me le garanti.

Si ça ce trouve, je finirais comme les SDF qui côtoie ma ville, a errer entre les ruelles en quête d’un repas relativement comestible si je ne me fais pas agressée d’ici-là pour la simple raison d’exister.

Je n’aurais jamais pensée que la prison de Walnut Grove me manquait aussi, certes je n’avais pas que des amis, comme partout ailleurs, mais au moins là-bas, les gardiens nous prouvaient qu’on était bien des êtres humains et pas des choses inutiles à la société qui peuvent faire ce qu’ils veulent et tant pis s’il y a un mort.

Je suis surprise d’ailleurs de n’avoir même pas eu ce qu’on appelle une tape sur les doigts. J’ai tout de même mis deux personnes K.O sans forcément une raison valable et je m’en sors sans rien, même pas un séjour en isolement, c’est bien la preuve qu’ils en ont rien à foutre de ce qu’on peut devenir dans cet endroit infâme.

Voulant me changer les idées de ses idées noires qui ne quitte pas mon esprit, mais aussi calmer mes muscles endoloris, je prends le nécessaire puis me dirige vers les sanitaires totalement désert en vue de l’heure qu’il est. C’est vrai qu’en ce temps du midi personne n’aura l’idée de prendre une douche.

Après avoir pris un bloc au hasard, je me dévêtis complètement avant d’actionner l’eau, je sais d’avance qu’elle est froide mais ça ne me fera que le plus grand bien.

Une fois l’eau devenue chaude, je pousse un soupir de bien-être puis met ma tête sous le jet, espérant dans le même mouvement, que mes pensées s’écoulent vers le siffon en même temps que l’eau.

Je devrais avoir le fin mot de l’histoire, de confronter Luis et Spider pour savoir avec exactitude leurs paroles et a qui elles sont adressées, même si j’ai une vague idée sur la question. Mais à l’intérieur de moi-même, je me demande si j’ai vraiment bien tout compris ou si quelque chose m’échappe encore.

Je pousse un nouveau soupir avant de finalement, me mettre à me laver avec minutie les cheveux puis le reste du corps. Seulement, alors que je viens tout juste d’éteindre l’eau, des bruits de pas se font entendre, de nombreux bruits de pas.

- Il y a quelqu’un ? Dis-je en bouger d’un iota.

Naturellement, je m’attendais à aucune réponse de la part de ces intrus, ceux-ci d’ailleurs continue de marcher, comme s’ils cherchaient quelque chose, ou quelqu’un. D’un geste rapide, je m’habille malgré que ma peau soit toujours humide. Je devrais prendre le temps de me sécher c’est vrai, mais des alarmes semblent sonner dans ma tête, les mêmes qui, a l’époque, me disant qu’Etienne était dangereux.

Voulant en connaitre un maximum sur ceux qui viennent d’entrer, je ferme les yeux et me concentre sur les bruits de pas ainsi que les chuchotements.

J’en compte au moins quatre bruits de pas différents, l’un d’entre eux se fichent éperdument d’être entendue, je pense même que c’est ce qu’il attend, que sa proie sache qu’il est là et qu’il approche à grand pas, prêt pour les évènements qui suivront.

Le second, bien que plus discret, reflète la même impatience, mais comparé au premier, celui-ci ne semble pas avoir envie d’être entendue, je suppose même qu’il soit plus du genre à surprendre ses victimes qui sentent sa présence qu’au tout dernier moment.
Les deux autres se font incertains, je dirais même craintifs, pas pour la peur de ne pas réussir à leurs fins, mais plus de ce faire choper. J’en conclu donc qu’aucune hiérarchie travaillant au centre pénitencier n’est au courant de cette initiative, ce qui signifie donc que la fameuse proie, c’est moi.

Je n’ai pas le temps de réalisé quoi que ce soit ou même de prendre mon arme caché continuellement sur moi que ma porte vole en éclat face à quatre agents en tenue réglementaire.

Si je ne fais pas attention à leurs carrures plus imposantes les unes des autres, ce qui me fait le plus peur, je dois l’avouer, ce sont leurs sourires carnassiers et envieux.

Envieux de quoi, je ne saurais vous dire exactement mais cela ne me dit rien qui vaille.

Et comme si le destin n’était pas déjà contre moi, les lumières s’éteignent d’un coup, nous plongeant tous dans les ténèbres, et comme tout le monde le sait si bien.

Il n’y a que dans le noir que les hommes font montrer leurs vrais visages.

Trente ans fermeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant